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Robert Bonetto, vice-président d’Alpine chargé des projets, nous éclaire sur les choix techniques de la marque. De la récente A290 à la future A110…
Automobile Propre – L’actualité, c’est l’arrivée sur nos routes de l’Alpine A290. Comment est né ce projet ?
Robert Bonetto : C’était le 26 novembre 2020. Luca de Meo est venu nous voir aux Ulis (alors siège de Renault Sport Car, NDLR) pour discuter, rencontrer les ingénieurs, voir ce que l’on pouvait faire. Il nous a dit : « vous avez de la chance d’avoir la marque Alpine, il faut que vous mettiez toutes vos forces pour la redynamiser ». À l’époque, je m’occupais de Renault Sport et avec mon collègue de chez Alpine, nous avons présenté un plan appelé Dream Garage avec trois voitures possibles. Il y avait une citadine pour se faire plaisir tous les jours, l’A290, et un véhicule de segment supérieur pour faire de plus longs trajets, se faire plaisir en famille. C’est l’A390 que vous avez vu en format β au Mondial de l’automobile. La troisième est la future A110.
AP – Donc c’est vous qui avez suggéré de faire un véhicule sur base de Renault 5…
RB – Renault était déjà engagé sur la 5 et nous avons regardé ce que nous pouvions faire avec ce qui existait dans le groupe. La plateforme que l’on appelle aujourd’hui AmpR Small était déjà arrivée à un stade d’avancement significatif. Nous ne voulions pas perturber les équipes qui travaillaient dessus. Nous nous sommes concentrés sur les modifications que l’on pouvait y apporter pour en faire une voiture qui soit une vraiment sportive.
AP – Du coup, jouons au jeu des 7 différences… Quelles sont les modifications techniques entre une Renault 5 et votre Alpine A290 ?
RB – Premièrement, la caisse et les voies sont élargies de 6 cm. Nous avons aussi des amortisseurs à butée hydraulique de compression sur les quatre roues. On a bien entendu des pneus qui sont spécifiques développés à Michelin : c’est du 19 pouces sur toutes les versions, contrairement à la R5. Ces PS5 qui ont été développés spécifiquement pour la voiture, en lien avec les suspensions, pour offrir une capacité d’adhérence et, en même temps, de ludicité optimisée pour la voiture.
À lire aussiEssai : Alpine A290, une digne héritière électrique de la Renault 5 Alpine Turbo ?AP – Et côté chaîne de puissance ?
RB – Nous avons réutilisé quelque part une recette des anciennes thermiques sportives : on a pris le moteur de la gamme au-dessus et on l’a rentré dans une voiture plus petite. Ici, c’est la machine à rotor bobiné de la Megane E-Tech 220 ch, mais la plateforme n’était pas prévue pour le porter.
AP – Il a donc fallu adapter…
RB – Pour cela, on a refait la partie avant du châssis avec un berceau spécifique en aluminium coulé sous basse pression afin d’avoir de la légèreté et de la rigidité. Nous avons aussi repositionné la valise de refroidissement pour respecter la géométrie.
AP – On pouvait s’attendre à ce que cette A290 soit une propulsion. Pourquoi ne pas avoir pris cette voie ?
RB – Je pense qu’on peut faire quelque chose de très sympa à conduire dans ce type de voiture avec une traction. Notre répartition des masses est de 57 % sur l’avant et 43 % sur l’arrière, ce qui est très bien pour cette architecture. On a une voiture très équilibrée grâce à sa batterie posée au centre, un couple et une puissance raisonnables, qui peuvent passer par les roues avant. On voulait un train avant très incisif et pour cela, on a été très aidés par le train arrière multibras qui vient de la plateforme AmpR Small. Nous avons un réglage spécifique qui assure une très bonne stabilité. On peut mettre de l’incisivité à l’avant sans que la voiture devienne difficile à conduire.
Si l’A290 est assemblée avec la Renault 5 à Douai (Nord), elle a été pensée aux Ulis (Essonne), à 25 km au sud-ouest de Paris. Ce site a été dévolu à Renault Sport Cars en 2002. On y travailla notamment sur la lignée des Mégane RS. Il y a trois ans, ripolinage : le bureau d’études fut officiellement nommé « Alpine Cars ». Il regroupe aujourd’hui des activités de conception, de simulation ou des espaces de présentation des maquettes et prototypes. Ce QG d’Alpine regroupe aujourd’hui environ 250 ingénieurs. Quant à l’usine historique de Dieppe (Seine-Maritime), remise à neuf avec la relance de la marque, elle assurera l’assemblage de l’A390.
AP – La deuxième voiture du « Dream Garage » est l’A390, présentée il y a quelques semaines sous forme de concept…
RB – Depuis le début, le mot d’ordre pour ce modèle est d’offrir le plaisir d’une A110 à cinq personnes. On veut la même performance, la même sensation de légèreté, le même dynamisme. Pour cela, nous misons sur une technologie avec trois moteurs. Je suis passé devant Luca de Meo pour défendre cet investissement, car cela n’existait pas dans le groupe. C’est aussi très peu répandu sur le marché. On a développé cela en interne avec des stratégies pensées par nos ingénieurs et des mulets en test. Avec cette technologie, nous pensons répondre à notre objectif. Luca de Meo a été sensible à nos arguments. C’est un patron qui a une vraie vision de ce que doit devenir Alpine et qui nous donne les moyens d’y aller. Mais, en même temps avec un niveau d’exigence très élevé. Pour nous à l’ingénierie, c’est un gros challenge, mais super intéressant.
L’Alpine A390 sera dotée de trois moteurs électriques. L’un d’eux opérera à l’avant. Les deux autres seront placés en lien avec chacune des roues arrière. L’idée est de proposer le torque vectoring : il consiste à distribuer le couple généré par les machines de manière distincte entre la droite et la gauche du véhicule. Par exemple, dans un virage, en accroissant le couple vers la roue extérieure et en le diminuant à l’intérieur pour « aider » la voiture à pivoter.
Le terrain a été défriché sur des véhicules thermiques par Mitsubishi et Honda dès les années 1990 en agissant via le différentiel avec des systèmes d’embrayages. L’arrivée des électriques permet d’accroître l’effet puisque l’on peut disposer de davantage de moteurs et contrôler plus facilement le couple qu’avec un bloc thermique. La Rimac Nevera (avec quatre moteurs) ou le Tesla Cybertruck (trois machines) proposent déjà le torque vectoring.
Ceci devrait contribuer à donner un caractère plus sportif à un A390 qui partage sa plateforme AmpR Medium (ex-CMF-EV) avec le Nissan Ariya ou le Renault Scénic. On peut voir cet intérêt d’Alpine comme la continuation d’un raisonnement entamé avec le système Renault 4CONTROL à quatre roues directrices introduit en 2008 sur le coupé Laguna, devenu également l’un des arguments de la dernière Megane RS.
On devrait découvrir l’A390 définitive cette année.
AP – Aux Ulis, vous travaillez aujourd’hui sur la future Alpine A110, la première de l’ère électrique. Comment abordez-vous ce projet ?
RB – C’est très ambitieux parce qu’il s’agit du développement d’une plateforme nommée Alpine Performance Platform, vraiment dédiée à l’électrique. Elle va nous permettre de réaliser toute une gamme de voitures. Pour être tout à fait transparent, nous cherchions à l’origine un partenaire. On nous a donné les moyens de faire seuls une nouvelle plateforme, il faut donc la rentabiliser : il y aura plusieurs modèles. On a déjà annoncé qu’il y aurait un coupé, un roadster et une version 2+2 (l’A310, NDLR). La plateforme est très versatile et permet de faire des voitures plus larges, plus longues…
À lire aussiFuture Alpine A110 électrique : le patron de Renault fait des promesses ambitieusesAP – Reprendrez-vous des éléments de l’A110 actuelle ?
RB – La plateforme est 100 % nouvelle, mais allons reprendre une bonne partie des technologies de l’A110. La voiture sera en profilé d’aluminium, assemblé riveté-collé, pour avoir un maximum de légèreté et de rigidité. Nous pensons que c’est toujours la meilleure technologie pour faire une voiture vraiment sportive, adaptée à nos volumes et déjà maîtrisée par nos équipes, aussi bien à l’ingénierie qu’à la fabrication.
AP – Où en êtes-vous concrètement ?
RB – Nous sommes en train de refaire tous les organes. L’arrivée de Philippe Krief (ex-patron d’Alpine et désormais monsieur technologies du groupe Renault, arrivé de chez Ferrari en 2023, NDLR) nous a beaucoup aidé. Il a apporté une approche très modulaire. Nous prédisposons les organes de la voiture pour l’ensemble de la gamme qui se développera en aval. Cela réclame un peu plus de temps et d’énergie au départ, mais ensuite, les modèles dérivés seront plus faciles à concevoir. Avec lui, nous avons aussi beaucoup investi sur les capacités de simulation. C’est un gros atout pour le développement des futures voitures. Nos nouveaux moyens nous permettent de très tôt de simuler l’ensemble de la voiture jusqu’aux pneus et de valider des pré-choix uniquement de manière numérique. Cela permet de trier plus de solutions et d’être beaucoup plus affûté sur le résultat final.
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