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Cet article constitue le troisième et avant-dernier volet d’une série consacrée à l’évolution de la mobilité électrique en France entre 2 points dans le temps. Un peu comme si l’on comparait des photos prises en 2018 avec d’autres réalisées 10 ans plus tôt. Maintenant que nous avons fait le tour des différentes familles de véhicules électriques, voyons comment ils sont rechargés et exploités de façon partagée, mais aussi comment la communauté des électromobiliens et l’opinion sur les VE se renouvellent.
A l’origine, il s’agissait de n’écrire qu’un seul article sur l’évolution constatée pour la mobilité électrique entre 2008 et 2018. Même s’il n’était pas question de rentrer dans le détail ni d’être exhaustif, il est rapidement apparu nécessaire de consacrer plusieurs volets pour un sujet particulièrement vaste et dense. Chaque point aurait pu bénéficier d’un développement particulier sur un article, mais alors la série aurait dû s’étaler quasiment sur un semestre, si ce n’est plus. D’où des choix, dont le premier est de limiter le cadre, sauf cas précis, à la France. Le survol des thèmes et l’équilibre des textes ne permet pas, par exemple, de restituer toutes les expériences et tous les projets aboutis, que ce soit pour les différents modèles de véhicules électriques, ou les programmes de recharge. N’y voyez pas forcément des oublis. En revanche, l’espace dédié aux commentaires est là pour que chacun puisse compléter l’article selon ce qu’il a à cœur de partager, dans le respect des sensibilités de nos lecteurs et des Internautes. Ce troisième volet fait suite à 2 précédents articles :
En 2008, la plupart des modèles de voitures électriques en circulation en France embarquent un connecteur connu sous la dénomination « Marechal » qui rappelle son fabricant. Le propriétaire d’un Renault Kangoo Electri’City de 2003 peut prêter son câble de recharge à celui qui possède une Citroën AX électrique de 1996. Pas de wallbox : comme un vélo à assistance, une voiture électrique se branche sur une prise domestique E/F classique. L’opération de régénération des batteries s’effectue alors en 10 ou 16 A (2,2 ou 3,7 kW).
Peu de bornes ou points de charge sont disponibles à cette époque sur la voie publique. En cherchant bien, on en trouve à Paris ou La Rochelle, et dans certains parking Effia. Mais quand il s’agit d’effectuer un parcours plus ou moins important, il vaut mieux ajouter aux chiches possibilités de recharge les campings, hôtels, ports de plaisance, parcs d’attraction, mairies, casernes de pompier, agriculteurs, connaissances, etc., prêts à autoriser l’accès à une prise. Une possibilité de recharge rapide existe à cette époque, mais très peu exploitée, car nécessitant un coûteux chargeur ou une rare borne compatible.
Recharger sur une prise domestique est toujours possible en 2018, même si un temps on a senti que les industriels voulaient imposer une wallbox, « pour des raisons de sécurité ». Un maillage de plus en plus dense en bornes accélérées AC 22 kW et rapides CC (CHAdeMO / Combo 2) 50 kW est disponible en France, principalement porté par les syndicats de l’énergie et soutenu par les pouvoirs publics via un programme de financement opéré par l’Ademe. Le palier des 20.000 points de charge sur places de stationnement dans l’espace public a été dépassé en septembre dernier.
En marge de ce réseau, Nissan a contribué sérieusement à l’implantation de bornes rapides, au sein de partenariats divers (Auchan, Ikea, etc.), sans limiter l’accès à ses seuls modèles. Tesla, en revanche, déploie des superchargeurs pour ses propres clients qui peuvent compter sur des installations disponibles et suffisamment en nombre dans les stations dédiées.
Si le travail réalisé en France est colossal, le vaste maillage globalement constitué aujourd’hui est perçu comme perfectible : manque de bornes rapides, fiabilité et disponibilité du matériel, tarification, files d’attente, nombre de badges à posséder… Quelques opérateurs de mobilité, dont ChargeMap et KiWhi, jouent la carte de l’interopérabilité pour limiter au possible ce dernier inconvénient. En 2017, la recharge ultrarapide a fait ses premiers pas dans l’Hexagone, avec l’inauguration par le Sieil37 d’une borne aujourd’hui limitée à 50 kW de puissance, mais qui sera progressivement upgradée en 100 puis 150 kW en fonction des besoins. Les projets à venir, qui embarquent parfois ensemble constructeurs et concepteurs d’infrastructures de recharge, se dirigent vers un prochain palier à 350 kW.
Si les voitures électriques sont perçues comme inexistantes par le grand public en 2008, celles à hydrogène le sont comme futuristes, voire utopiques. En tout cas, le lien n’est jamais fait, ou très exceptionnellement entre les 2 technologies. Et pour cause, à l’époque, on à l’idée d’un moteur thermique qui s’alimente à l’hydrogène, à l’image de la BMW Hydrogen 7 produite en une centaine d’exemplaires entre 2006 et 2009 et exposée à Paris en différentes occasions.
Pourtant la chaîne de traction qui emploie une pile à combustible pour propulser une voiture électrique existe déjà cette année-là. Ainsi dans la Honda FCX Clarity. En France, cependant, les constructeurs ne semblent pas s’intéresser à cette architecture.
En 2018, l’association entre véhicules électriques et voitures à hydrogène n’est toujours pas évidente dans l’esprit des Français. Et pourtant, c’est désormais la seule application qui semble poursuivie pour la mobilité H2. Toujours pas de constructeurs français dans l’aventure a priori, mais on peut acheter dans l’Hexagone une Hyundai ix35 Fuel Cell ou une Toyota Mirai. Dans ce cas, il vaut mieux habiter à proximité d’une des rares stations qui délivrent ce gaz.
Pas de constructeurs H2 en France : ce n’est pas tout à fait exact ! A Biarritz, Pragma Industries produit et commercialise des vélos à assistance électrique à pile hydrogène depuis 2016. Sur des voitures électriques, Symbio monte des PAC H2 en prolongateur d’autonomie sur des Renault Kangoo Z.E., et sans doute bientôt sur des Nissan e-NV200. C’est la même entreprise qui met au point en ce moment même la navette électrique Navibus Jules Verne 2 à pile hydrogène pour la ville de Nantes (44). Véritable smart grid flottant, le bateau Energy Observer, qui utilise lui aussi, entre autres, une PAC H2 pour sa propulsion, est parti pour un tour du monde de 6 ans à zéro émission. La mobilité hydrogène est donc bien une réalité en 2018 en France, aussi modeste soit-elle.
Il y a une dizaine d’années, les services de location en véhicules partagés étaient encore balbutiants. N’oublions pas que Vélib’ a été officiellement lancé à l’été 2007. Alors les engins électriques ! Une exception majeure cependant : Liselec, à La Rochelle (17), qui propose des voitures électriques en libre-service depuis 1999. Cette expérience qui perdure en 2008 est alors perçue de façons très diverses, parfois comme un démonstrateur condamné à l’échec.
Dix ans plus tard, l’aventure Liselec se poursuit à La Rochelle sous le nom de Yélomobile. Autolib’ et VULe Partagés à Paris, Auto Bleue et Izzie à Nice (06), Bluely à Lyon (69), Bluecub à Bordeaux (33), City Roul’ à Rennes (35) : les services de voitures électriques partagées ont fleuri aux 4 coins de France. Certains n’ont pas duré très longtemps, d’autres sont déjà intégrés comme faisant partie du décor des villes dans lesquelles ils sont actifs. Les deux-roues sont également concernés, à l’image de Vélhop, à Strasbourg (67), ou Le Vélo Star, à Rennes (35), qui proposent, à côté des bicyclettes classiques, des vélos à assistance électrique.
Actuellement dans la tourmente, Vélib’ avait également diversifié son offre avec des VAE. Les scooters électriques se développent également en France dans les services partagés. Ainsi, Cityscoot qui a fait ses armes à Paris, débarque cette année à Nice. Dans la Capitale, l’opérateur est concurrencé par Coup, amené par le groupe Bosch GmbH. Les offres de location libre-service de véhicules se présentent comme une des solutions clés pour la mobilité durable. Normal que les VE s’y retrouvent nombreux, sous différentes formes.
Le public est peu confronté aux véhicules électriques en 2008. Lorsqu’il s’agit de vélos à assistance, ils sont au mieux classés dans les engins utiles à ceux qui ne peuvent plus pratiquer une activité sportive intense ou normale. Quant aux voitures branchées, elles sont souvent moquées, y compris des médias, du fait de leurs limites. A l’époque, ceux qui croient véritablement en un développement de la mobilité électrique à court ou moyen terme ne sont pas nombreux. Un électromobilien est souvent perçu comme bizarre. On lui colle souvent l’étiquette « Ecolo », mais les écologistes convaincus rejettent pour la plupart la mobilité électrique qu’ils perçoivent comme un risque nouveau de promotion de l’énergie nucléaire. Tout ce qui peut ternir l’image de la voiture électrique est alors exploité, sans même un effort de compréhension. Du côté des constructeurs, des concessionnaires et plus généralement des professionnels de l’automobile, à part quelques cellules qui s’activent ça et là plus ou moins secrètement à imaginer les futurs VE, c’est au mieux l’indifférence.
Dans les concessions et chez certains constructeurs, il y a encore pas mal de progrès à faire. Mais il existe heureusement des conseillers clientèle vraiment convaincus et accueillants. La presse a désormais adopté la mobilité électrique comme un vrai sujet, traité de plus en plus honnêtement, même si l’on constate encore des « papiers » mal ficelés.
Les journalistes évoquent plus facilement les qualités des voitures électriques, et les thèmes qui plombent ces engins sont traités plus à égalité avec les autres technologies présentes dans l’automobile. Le VE ne fait plus rire dans les médias, mais est susceptible d’attirer l’admiration. Surtout quand il s’agit de présenter une Rimac capable de s’aligner avec une Bugatti Chiron ! Il reste cependant que nombre d’articles n’incluent pas encore le potentiel des VE dans le développement des énergies renouvelables et les architectures stabilisantes des réseaux intelligents. Du côté de l’opinion publique, c’est encore très partagé. Mais de plus en plus d’automobilistes, pas forcément les plus jeunes, n’hésitent plus à venir aux renseignements. Le peu de véhicules électriques en panne au bord des routes ou en cause dans un accident aide à forger autour de ces engins une réputation au moins satisfaisante, quand ce n’est pas excellente.
En 2008, rouler en voiture électrique impose quasiment de rejoindre un groupe d’utilisateurs pionniers dont les profils sont variés. On y trouve bien sûr et majoritairement des personnes qui se soucient des problèmes d’environnement et de santé publique. C’est même ce qui motive le plus l’achat d’un VE d’occasion qui se vend encore environ 3 fois plus cher que son équivalent thermique. Contrairement à ce que beaucoup ont pu penser à l’époque, les pionniers de la mobilité électrique sont rarement d’une sensibilité écologiste affichée.
Bon nombre d’entre eux sont à la base des passionnés de belles voitures, sportives, américaines et/ou anciennes. Et parfois aussi de motos. Sur un forum comme www.vehiculeselectriques.fr, ou le présent blog Automobile Propre, par exemple, on y rêve ensemble des futurs modèles et d’une communauté qui s’apparente à celle des motards ou des cibistes. Solidarité, amitiés, patience, pédagogie, tolérance, sont les maîtres mots qui réunissent la grande majorité des électromobiliens de l’époque, au-delà des marques et des modèles. Le Magazine AutoBio, sorti en 2007, aide à patienter, grâce aux nouveautés et projets qu’il présente.
La sphère des électromobiliens a bien changé. Elle est composée d’automobilistes de tous les âges, qui utilisent des véhicules électriques aussi bien pour des besoins privés que professionnels. Le sentiment d’appartenir à un groupe qui s’étoffe et dans lequel on se reconnaît s’efface de plus en plus. Les conducteurs de Renault Zoé, Tesla Model S, Smart ED, BMW i3 ne semblent plus vouloir se reconnaître comme faisant partie d’une même communauté. Les discussions s’engagent moins spontanément entre électromobiliens. Pire même : des automobilistes branchés font régulièrement remonter des comportements peu élogieux, teintés parfois d’agressivité, aux bornes de recharge. Les voitures électriques arrivent à l’âge de la maturité, et leurs conducteurs sont de plus en plus des automobilistes normaux qui conduisent un VE comme n’importe quel autre véhicule.
Un quatrième et dernier volet achèvera la série, consacré aux défis environnementaux de la mobilité électrique, à l’association VE-EnR, aux réseaux intelligents, au recyclage des batteries, etc.
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