On ne le dira jamais assez, la compétition est cruciale pour l’avenir de l’automobile. Elle a toujours été un fantastique laboratoire pour les technologies que nous utilisons au quotidien.

Et c’est plus que jamais une réalité, en cette période de révolution dans l’industrie de la voiture. L’électrification, quelle que soit sa forme, doit beaucoup aux développements du sport auto.

Outre la Formule E 100 % électrique, la Formule 1 et ses moteurs qui sont des monstres d’efficience, le WEC est également une plateforme indispensable. Le championnat du monde d’endurance, avec sa manche phare des 24 Heures du Mans, est un laboratoire à ciel ouvert depuis des décennies.

Au 20ᵉ siècle, les 24 Heures du Mans ont été à l’origine de nombreuses innovations. Les phares antibrouillard, le pneu radial (même si celui-ci fut inventé avant la course, mais éprouvé pendant celle-ci), les freins à disque ou plus récemment les phares à LED, toutes ces idées viennent des 24 Heures, ou s’y sont imposées de manière évidente.

Dans l’ère moderne du WEC, c’est la motorisation hybride qui prime. Cependant, l’ACO et la FIA, qui régissent le championnat, travaillent déjà sur une catégorie à hydrogène. Mais en l’attendant, les constructeurs se livrent une bataille de durabilité et de sobriété sur des courses allant de 6 heures à 24 heures.

Des Alpine A424 spectaculaires et technologiques

La dernière manche en date était les 6 Heures de Spa-Francorchamps, où Alpine présentait l’Alpenglow HY4. Nous avons ainsi pu assister au week-end de course avec la perspective d’un constructeur engagé en WEC.

Alpine engage, en effet, deux prototypes hybrides de catégorie LMDh. L’A424, c’est son nom, repose sur un châssis provenant des ateliers d’Oreca. C’est Mecachrome qui développe le V6 turbo de 680 chevaux. Celui-ci inclut un moteur hybride standard de marque Bosch sur l’essieu arrière, développant 67 chevaux.

Comme le veut le règlement, Alpine s’est associé à une équipe de sport auto pour gérer le projet. C’est Signatech, la structure de Philippe Sinault, qui dirige la partie opérationnelle du programme.

Il y a au total six pilotes qui se relaient au volant des deux prototypes hybrides. Dans l’A424 numéro 35, on retrouve Paul-Loup Chatin, Ferdinand Habsburg et Charles Milesi. En Belgique, Habsburg n’était pas au volant et était remplacé par le réserviste Jules Gounon.

Dans l’A424 portant le numéro 36, on retrouve deux spécialistes de l’endurance : Nicolas Lapierre et Matthieu Vaxivière. Aux côtés des deux Français, l’ancien pilote de F1 Mick Schumacher apporte une touche internationale au programme.

Des essais qui ne pardonnent pas

Le jeudi, deux séances d’essais libres de 1 h 30 ont eu lieu sur le tracé de l’Ardenne belge. L’occasion pour les constructeurs de travailler sur les longs relais en prévision de la course.

Les pilotes ont rapidement constaté que la dégradation des pneus serait très importante. De nombreuses simulations ont eu lieu en piste, Alpine ne cherchant aucunement la performance. Cela explique les chronos du jeudi, à quatre secondes de la Porsche de tête.

Le circuit de Spa-Francorchamps a rappelé quel défi il constitue pour les pilotes et voitures. Aliaksandr Malykhin a perdu le contrôle de sa Porsche 911 GT3 en haut du Raidillon, avec une sanction immédiate. Un gros choc contre les pneus a laissé craindre le pire quand l’ambulance est arrivée rapidement, mais le pilote allait bien.

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Le vendredi, une troisième séance a lieu en fin de matinée. Le circuit n’étant pas encore bondé, nous avons profité de notre arrivée à 8h30 pour aller directement dans la voie des stands. Les vérifications techniques étaient en cours, et le travail de préparation se poursuivait dans les garages.

Nous avons pu voir les deux A424 démontées, les mécaniciens travaillant sur les prototypes. La préparation des derniers essais et des qualifications battait son plein à mesure que le paddock se remplissait.

L’Alpenglow HY4 attire les foules

Après ce tour détaillé à proximité des prototypes et GT, c’était déjà l’heure de rejoindre la loge Alpine pour la conférence de presse de présentation de l’Alpenglow HY4. Une conférence bercée par le son des moteurs de Lamborghini Huracan EVO2 du Super Trofeo Europe.

La matinée s’est poursuivie dans la Fan Zone, où Alpine a officiellement (et littéralement) dévoilé l’Alpenglow HY4. L’occasion de voir l’attachement du public pour la marque française, et d’entendre des commentaires passionnés au sujet du prototype.

On a pu voir dans la foule quelques visages célèbres du sport automobile. Hugues de Chaunac, fondateur d’Oreca, ou encore Rémi Taffin, directeur technique de l’entreprise, étaient présents puisqu’Oreca travaille sur le projet avec Alpine.

La troisième séance d’essais libres du WEC a ensuite eu lieu en guise de dernière préparation. Les chronos ont un peu accéléré en vue des qualifs, mais aucune hiérarchie n’était lisible. On a aussi pu aller visiter l’arrière des garages et voir l’équipe au travail dans les coulisses.

Une journée intense sur le circuit

Quelques heures séparaient les EL3 des qualifs, l’occasion d’aller en Fan Zone et de se balader autour du circuit. On ne peut qu’apprécier l’ambiance, un mélange de passionnés de la première heure et de nouveaux fans de sport automobile.

On le sait, la Formule 1 connait un pic de popularité depuis plusieurs années. Et bien qu’elle cannibalise les audiences de nombreux sports, elle permet aussi à une frange de son jeune public de s’ouvrir vers d’autres catégories. C’est clairement ce que l’on a pu voir à Spa, avec de nombreux fans portant du merchandising des équipes de F1.

Après un tour par quelques points clés pour voir le circuit sous un autre angle, c’était l’heure des qualifications. Pour Alpine, cette séance a été un ascenseur émotionnel, et les exclamations se sont multipliées au sein de l’équipe.

Un des deux prototypes, le numéro 35, a atteint l’Hyperpole grâce à Charles Milesi. Les qualifs du WEC se font en une séance de 15 minutes qui qualifie les dix meilleurs pour l’Hyperpole. Durant ce quart d’heure supplémentaire, on assiste à des tours rapides supplémentaires.

Des montagnes russes pour Alpine en qualifs

C’était la première fois depuis le début du programme qu’Alpine atteignait l’Hyperpole. Mais la douche froide est arrivée dès le tour rapide suivant de Milesi, quand le moteur Mecachrome de l’A424 s’est arrêté. Une panne qui n’avait pas d’incidence sur le fait que le Français allait s’élancer dans le top 10.

La journée du vendredi s’est terminée avec une belle séquence : une séance photo de l’Alpenglow HY4 dans le mythique virage du Raidillon de l’Eau Rouge. De quoi mettre en valeur le sublime prototype. Marc Poulain, le superviseur du design, m’a confié que c’était un moment émouvant pour lui et son équipe.

Il ne restait ensuite qu’une journée, celle de la course. Le samedi a débuté par quelques embouteillages aux abords du circuit. Et pour cause, les 6 Heures de Spa se sont déroulées à guichet fermé. Le circuit a annoncé dans la journée que plus de 88 000 personnes étaient venues sur le week-end.

Comme la veille, le WEC a organisé un Pit Walk. Il s’agit d’un moment où les fans peuvent accéder à la voie des stands. Cela leur permet de voir les voitures, mais aussi de se faire dédicacer des objets par les pilotes et de se prendre en photo avec.

Les boutiques ont aussi fait le plein ce jour-là, que ce soit pour des achats de vêtements et casquettes, ou pour des objets et modèles réduits. L’engouement était total, et les dizaines de milliers de spectateurs ont fait du circuit une véritable fourmilière.

L’Alpenglow fait un caprice, place à la course en piste

Un des clous du spectacle aurait dû être le roulage de l’Alpenglow HY4. Malheureusement, un problème électronique en a décidé autrement. La bonne nouvelle était que cela n’avait rien à voir avec l’hydrogène. La mauvaise nouvelle, c’était la douche froide subie par les ingénieurs, qui espéraient voir le prototype rouler après l’avoir vu dans le Raidillon la veille.

Au sein de la loge, nous avons eu la visite de trois pilotes Alpine : Paul-Loup Chatin, Jules Gounon et Matthieu Vaxivière. L’occasion de s’entretenir avec eux sur les défis à venir en course, et le pilotage du nouveau prototype hybride.

Pendant ce moment de partage, les autres pilotes étaient en préparation pour la course. En effet, il y avait un petit warm-up de quelques minutes avant la mise en grille. Une toute dernière préparation avant de lancer les 39 équipages en piste pour six heures.

Après un début de course plutôt calme, un accrochage entre un prototype Porsche de Jota Sport et la BMW M4 GT3 de WRT pilotée notamment par Valentino Rossi a jeté un premier coup d’arrêt à la course.

Le temps de course drastiquement réduit

En effet, il fallait réparer les rails et la voiture de sécurité a passé plusieurs dizaines de minutes en piste. Une fois relancée, la course a vu s’affronter les Porsche officielles de Penske, la rescapée de Jota Sport et celle de Proton Competition. Ferrari a montré une timide résistance, en vain.

Mais aux alentours de 17h15, un cri de stupeur a envahi le circuit : un énorme accident a eu lieu dans la ligne droite de Kemmel, après le Raidillon. Earl Bamber, au volant de la seule Cadillac engagée, s’est rabattu trop tôt sur la deuxième BMW M4 GT3 de WRT.

Sean Gelael n’a rien pu faire pour l’éviter, et la Cadillac a fait une embardée dans le rail à droite de la piste. Après deux chocs, elle a failli s’envoler mais a finalement tapé de l’autre côté de la piste.

Les réparations se sont éternisées devant un public qui attendait sagement la reprise de la course. Mais à mesure que les minutes s’égrainaient, il est devenu évident que les réparations ne seraient pas finies à temps.

Ainsi, lorsque la course arrivait au terme de ses six heures, on avait eu moins de 4 heures de course effective. Mais la direction de course et le WEC ont trouvé un accord en relançant la course pour 1 h 40.

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Un public ravi d’avoir des prolongations

Au moment de l’annonce de cette bonne nouvelle par le speaker du circuit, un cri de joie général a retenti. La course a pu repartir sous un soleil couchant, pour se terminer peu avant 21h.

L’occasion de voir encore et encore ces prototypes hybrides arpenter le toboggan des Ardennes. Un spectacle dont on ne se lasse pas, tant cette nouvelle ère de l’endurance est spectaculaire.

C’est finalement Jota Sport qui a remporté sa première victoire en catégorie reine du WEC. Callum Ilott et Will Stevens ont parfaitement géré leur course, pour terminer premiers.

Du côté d’Alpine, c’était un retour dans les points, comme au Qatar. La numéro 9 de Chatin / Gounon / Milesi a en effet terminé neuvième dans le classement. De quoi se féliciter d’un résultat correct, mais surtout d’une continuité de l’apprentissage.

Le constructeur vise désormais un résultat encore meilleur lors de la prochaine course. Il s’agira, en effet, des mythiques 24 Heures du Mans, où les marques françaises voudront forcément briller.