AccueilArticlesAu Maroc, l’Iresen cherche à développer la mobilité électrique solaire

Au Maroc, l’Iresen cherche à développer la mobilité électrique solaire

La suite de votre contenu après cette annonce

Si le développement de l’électromobilité est en marche en France et dans nombre de pays à travers le monde, en Afrique, les températures élevées gèlent ou ralentissent le phénomène. Installé à Rabat, au Maroc, l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles travaille le sujet.

Recherche & développement

Créé en 2011 par le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, et plusieurs acteurs majeurs marocains dans le domaine, l’Iresen est un institut de recherche qui a pour mission d’accompagner la stratégie énergétique nationale. Pour la mener à bien, l’organisme soutient la recherche et le développement appliqués à l’énergie solaire et aux énergies nouvelles. L’Institut dispose d’une agence de moyens et d’un centre de recherche pour établir des synergies autour de projets collaboratifs entre les mondes socio-économique et scientifique.

Triporteur électrique et frigorifique

En ce début de l’année 2017, l’Iresen soutient 540 chercheurs, a déjà lancé 10 appels à projets dans le domaine des énergies renouvelables d’où sont issus les 37 programmes innovants en cours de réalisation. Responsable de la veille technologique, de l’innovation et de la communication de l’institut, Mouhcine Benmeziane a accepté de commenter l’un d’eux.

Il s’agit d’un triporteur électrique et frigorifique qui est capable d’exploiter les rayons du Soleil comme seule source d’énergie, aussi bien pour la mobilité que pour la production du froid. « C’est le premier véhicule proposé en réponse à un appel à projets dont l’Iresen encourage financièrement la production », souligne-t-il.

Isolation en bois de palmiers dattiers

« Au Maroc, les triporteurs sont beaucoup employés pour transporter des marchandises », explique Mouhcine Benmeziane.

« Avec son caisson frigorifique, il pourra embarquer et conserver au frais toute une journée tout type de produits périssables, comme du poisson ou des produits laitiers », poursuit-il.

Sur la cellule de froid, des panneaux photovoltaïques recouvrent le toit et les 2 flancs que l’on déploie à l’arrêt pour une meilleure exposition au Soleil, et former une éventuelle ombrière. Outre le fait qu’il s’agisse du premier triporteur frigorifique solaire marocain, l’engin innove en exploitant des chutes de bois de palmiers dattiers pour l’isolation du réfrigérateur. « C’est une innovation majeure pour notre pays qui dispose en abondance de ce matériau », précise le responsable de la veille technologique, de l’innovation et de la communication de l’Iresen.

Consortium Université-Entreprise

Pour pousser la production du triporteur frigorifique solaire, l’institut finance à hauteur de 2,8 millions de Dirhams (environ 260.000 euros au cours du 17 janvier 2017) le projet porté par un consortium universités-entreprise. Ce dernier se compose de la Faculté des Sciences Ben Msik de l’Université Hassan II de Casablanca, de l’Université Moulay Ismail de Meknès, et d’Inter Afrique Climatisation, une petite entreprise innovante implantée dans le pays.

Distingué parmi les dossiers envoyés à l’Iresen en réponse à son appel à projets R&D InnovPV 2013, le triporteur frigorifique solaire, présenté en marge de la COP22 en novembre dernier à Marrakech, existe déjà à l’état de prototype, avec un premier exemplaire assemblé. « Il y a maintenant un travail à réaliser sur la commercialisation », reprend Mouhcine Benmeziane. Si l’Iresen s’est intéressé à ce petit véhicule électrique, c’est bien parce qu’il exploite l’énergie solaire, un thème au centre de l’action de l’institut. L’appel à projets InnovPV 2013, se traduit d’ailleurs par « Le photovoltaïque et ses applications ».

Moroccan Solar Race Challenge

La quatrième édition du Moroccan Solar Race Challenge (www.moroccansolarrace.co) s’est tenue les 12 et 13 novembre 2016, reliant, en marge de la COP22, Ben Guerir à Marrakech, sur un trajet aller-retour de 150 kilomètres.

Jusqu’à présent, cette course de véhicules solaires expérimentaux développés et fabriqués par des étudiants proposait un parcours de 75 km.

« Nous avions prévu pour 2016 un challenge bien plus grand, d’une longueur de 1.000 kilomètres, mais nous avons dû remettre à plus tard ce projet du fait de la COP22 programmée à la même période », commente Mouhcine Benmeziane.

Organisé par l’Iresen, soutenu par 3 ministères mais aussi des sponsors nationaux et internationaux, l’évènement a pour objectif d’informer et sensibiliser le public à la mobilité électrique et solaire à travers plusieurs activités éducatives et pédagogiques.

Passer à la vitesse supérieure

Depuis 2013, le Moroccan Solar Race Challenge réunit une quinzaine d’équipages formés par des écoles, universités et institutions de recherche du monde entier. L’édition 2016 a permis un amical affrontement entre 6 candidats marocains, 3 français, un italien et un turc.

Sur le podium, les équipes de Onda Solare (Université de Bologne, Italie), Eco Solar Breizh (association bretonne),  Solaris (Université Dokuz Eylül d’Izmir, Turquie). « La prochaine édition aura lieu en 2018 : nous passons à une fréquence bisannuelle », annonce Mouhcine Benmeziane. Pourquoi ce changement ? Le Moroccan Solar Race Challenge ambitionne de devenir une manifestation de l’importance du World Solar Challenge qui se dispute tous les 2 ans en Australie sur 3.000 kilomètres.

Plus de 1.000 km

« Nous souhaitons intercaler le Moroccan Solar Race Challenge entre 2 éditions du World Solar Challenge », plaide Mouhcine Benmeziane. Pour intéresser les équipes internationales qui disposent parfois de budgets supérieurs au million d’euro, « l’épreuve marocaine doit proposer un parcours d’au moins 1.000 kilomètres », indique-t-il.

Cette nouvelle dimension « poussera les équipages marocains à améliorer leurs véhicules  », espère le responsable de la veille technologique, de l’innovation et de la communication de l’Iresen. Mais attention, à différents endroits du monde, d’autres organisations comptent aussi afficher leur propre événement au somment du genre. Ainsi le Solar Challenge d’Abu Dhabi (Emirats arabes unis), les 24 heures d’endurance de Zolder (Belgique), l’American Solar Challenge (Etats-Unis), etc.

Une autre dimension

Jusqu’à présent, avec une quinzaine d’équipages engagés, l’organisation du Moroccan Solar Race Challenge prenait en charge un bon nombre de frais, parmi lesquels l’hôtel, la restauration et le transport des véhicules.

« Il faudra désormais que les équipes fassent appel au sponsoring », cite en exemple Mouhcine Benmeziane, qui s’attend à ce que la liste des participants s’allonge. L’édition 2018 devrait être celle de la transition, avec un parcours étendu à 500 kilomètres. Là encore, on aura bien compris que si l’Iresen est derrière ce challenge, c’est bien parce que c’est l’énergie du Soleil qui fait avancer les engins et que la rencontre entre des étudiants de différentes nationalités permet d’affiner les technologies mises en œuvre pour cela.

Green Energy Park

Hasard du calendrier, le Green Energy Park, qui devait être inauguré en marge de la COP22, ne l’a finalement été qu’il y a quelques jours, jeudi 12 janvier dernier, par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI.

Installée à Ben Guerir, à 70 kilomètres de Marrakech, cette plateforme de test, recherche et formation autour de l’énergie solaire, unique en son genre en Afrique, a été développée par l’Iresen avec le soutien du ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement ainsi que du Groupe OCP, leader mondial sur le marché des phosphates et de ses dérivés. Il s’agit en définitive d’un vaste laboratoire intérieur et extérieur qui s’étale sur 8 hectares. Enorme !? Peut-être et sans doute, mais surtout à la hauteur des ambitions du Maroc pour le développement de l’énergie solaire. Sur place, 4 bornes de recharge qui ont notamment été exploitées pour se rendre sur le site de la COP22 par la Caravane européenne formée de véhicules électriques.

Une mobilité électrique quasi inexistante

Le marché du véhicule électrique et le maillage en bornes de recharge étaient quasiment inexistants au Maroc avant la COP22. Après, ou grâce aux lumières portées sur la 22e Conférence des parties, les choses commencent à bouger timidement, en matière d’électromobilité.

Dans la presse nationale, on parle de 700.000 véhicules électriques à horizon 2030, alors qu’à cette échéance, on évoque une capacité électrique pour la royaume qui devrait dépasser les 50% en énergies renouvelables. Vivo Energy Maroc, distributeur du réseau Shell sur le territoire, est en train d’équiper en bornes de recharge 7-22,5 kW, entre Casablanca et Marrakech, les stations-service de la marque, avant de s’intéresser aux principaux axes routiers et autoroutiers. Schneider Electric a de son côté offert 15 bornes à répartir entre Ben Guerir et Marrakech.

La chaleur pour ennemie

Ingénieure chargée des réseaux intelligents et de la mobilité durable, Kawtar Benabdelaziz pointe : « Avec des températures parfois proches des 50° C, nous devons voir comment les voitures électriques se comportent au Maroc ».

Elle détaille : « Nous savons que par sécurité la recharge s’arrête aux alentours de 55-60° C ; nous avons besoin de connaître le comportement d’une voiture électrique exposée à la chaleur quand on l’utilise puis la recharge avant de repartir ». Elle craint que l’opération de ravitaillement devienne alors trop longue, mais aussi que ce traitement nuise à la durée de vie des batteries.

Demander aux constructeurs de réaliser un système de refroidissement spécifique plus performant serait-il la solution ? « Non ! », répond immédiatement Kawtar Benabdelaziz : « l’influence sur le prix des voitures électriques serait trop importante, alors qu’une Zoé coûte déjà 2 fois plus chère qu’une Clio diesel ». Pour précision, au Maroc, depuis peu, il est possible d’acheter la batterie en même temps que la citadine du Losange. « L’Iresen préfère avoir des recommandations à formuler pour que les utilisateurs de voitures électriques ne soient pas bloqués du fait de fortes températures, et les encourager à trouver par eux-mêmes des solutions », complète notre interviewée.

Elec Social Services

L’Iresen a reçu 5 Renault Zoé et 1 Twizy. Mais 4 des citadines branchées du Losange sont affectées au projet Elec Social Services cofinancé avec GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), l’agence de coopération internationale allemande pour le développement.

Elles seront chacune exploitée dans un cadre précis : mise à disposition pour les doctorants de l’Iresen et de l’Université Polytechnique de Ben Guerir, déplacements d’enfants en situation de trisomie 21, intervention auprès de femmes maltraitées, service aux personnes handicapées. « C’est Sa Majesté Le Roi Mohammed VI qui a remis les clés aux différentes associations », précisent Kawtar Benabdelaziz et Mouhcine Benmeziane.

Expérimentation

Qu’on ne se trompe pas : le programme Elec Social Services est avant tout une expérimentation en situations réelles quotidiennes, desquelles sont attendus des retours pour optimiser l’exploitation des futurs véhicules électriques en circulation sur le territoire. En outre, un dispositif permet d’interroger l’électronique des citadines branchées pour recueillir certaines données importantes, parmi lesquelles l’évolution de la température des batteries. « Il s’agit aussi de connaître les limites ressenties par les utilisateurs des Zoé, notamment en matière d’autonomie, d’appréhender les freins technologiques, d’insérer le véhicule électrique dans le paysage urbain de Ben Guerir, etc. », liste Kawtar Benabdelaziz. Selon l’Iresen, remplacer par des VE les 58% de véhicules diesel parmi un parc automobile au Maroc de plus de 3 millions de véhicules « permettrait d’éviter l’émission de plus de 458 tonnes équivalent CO2 par an ».

De Ben Guérir à l’Afrique

Au total, 7 bornes de recharge sont accessibles à Ben Guerir aux utilisateurs des véhicules électriques du projet Elec Social Services. En plus des 4 installées au Green Energy Park, ils disposent de celle de la commune et de 2 autres à l’Université Polytechnique.

« Constituer un réseau de recharge au Maroc impose de se pencher sur le problème de la vente d’électricité dans le royaume », expose Kawtar Benabdelaziz. Elle poursuit : « Il n’y a pas de loi au Maroc sur ce point ; peut-être s’agira-t-il de vendre du temps passé à la borne plutôt que de l’électricité ».

Quoi qu’il en soit, le programme expérimental Elec Social Services à Ben Guerir fournira de précieux renseignements pour le développement de la mobilité électrique dans le royaume, mais aussi pour toute l’Afrique !

Green Building Park

L’Iresen porte également un projet smart grid baptisé « Green Building Park », en partenariat avec le Groupe OCP et la coopération internationale. Des maisonnettes de 30 m2 environ, permettant de tester différents matériaux en éco-construction, seront habitées par des chercheurs, et alimentées au besoin en énergie par les batteries des véhicules électriques connectés au réseau local. « L’expérimentation débutera en 2019, une fois que les constructions seront achevées », indique Kawtar Benabdelaziz. « Sur place, nous nous intéresserons aussi aux voitures autonomes », complète-t-elle.

Co-organisateur de la Caravane européenne pour la COP22, Jean-François Villeret, dirigeant de Tour véhicules électriques, me confiait à son retour que les Marocains s’étaient montrés particulièrement accueillants à la mobilité électrique : on comprend désormais pourquoi !

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Kawtar Benabdelaziz et Mouhcine Benmeziane pour leur réactivité et le temps qu’ils ont consacré à répondre à nos questions.

La suite de votre contenu après cette annonce

La suite de votre contenu après cette annonce



Nos guides