BYD YangWang U9

Le marché des supercars électriques en est à ses balbutiements. Mais il pourrait bien se réveiller et rugir comme jamais.

Les supercars électriques ne se vendraient pas, dit-on. Ou en tout cas, n’attireraient pas la clientèle fortunée, la seule capable de remplir ses garages de Lamborghini, Ferrari et McLaren aussi facilement que nous remplissons nos placards de Nutella.

J’ai lu cette affirmation à quelques reprises ces dernières semaines. Permettez-moi de la trouver un peu péremptoire, voire expéditive. Je ne reviendrai pas sur le petit fumet de VE-bashing qui sous-tend désormais quasiment systématiquement toute publication visant à démontrer que la voiture électrique n’a aucun avenir, et, ce quelles que soient sa forme, son efficience et ses qualités objectives.

Mais même si l’on met de côté l’aspect purement idéologique de certaines prises de positions, il y a un autre problème. Ce problème c’est qu’au moment où l’on se parle, il n’existe tout simplement pas de supercar électrique sur le marché. Ou plutôt, pour être tout à fait exact, il en existe une, et c’est plutôt une hypercar, j’ai nommé la Rimac Nevera. Et elle coûte selon les sources entre 2,5 et 3 millions d’euros. Soit environ 10 fois le prix d’une Ferrari ou d’une McLaren.

Alors certes, selon l’aveu même de son créateur, la Nevera ne se vendrait pas très bien puisqu’à ce jour seuls 50 exemplaires auraient trouvé preneurs sur les 150 qui doivent être produits. Avec ce missile pour super riche, Mate Rimac visait une clientèle exclusive composée de collectionneurs passionnés et fortunés. Mais ça n’a pas très bien marché, et malgré des performances époustouflantes – 1 914 chevaux, un 0 à 100 en moins de 2 secondes et plus de 415 km/h en vitesse de pointe –, la voiture peine à trouver son public. Ce constat est partagé par Stephan Winkelmann, CEO de Lamborghini, et soutient la théorie que le marché des voitures sportives électriques resterait un segment pour le moment très compliqué.

L’attachement “émotionnel” aux moteurs thermiques

Il faut reconnaître que pour de nombreux passionnés de voitures, l’émotion et les sensations véhiculées par les moteurs thermiques sont irremplaçables. Le rugissement d’un V12 ou les montées en régime d’un V10 procurent une expérience difficile à reproduire avec des moteurs électriques. Comme l’a noté Stephan Winkelmann de Lamborghini, bien que les véhicules électriques soient plus rapides, ils ne suscitent pas la même excitation qu’un moteur à haute résonance placé derrière les sièges. Cette différence fondamentale explique en partie pourquoi les riches collectionneurs préfèrent encore largement les supercars traditionnelles.

Faut-il pour autant en déduire qu’i n’y a aucun marché pour les supercars électriques ? Certains franchissent allègrement le pas, s’appuyant sur un exemple unique et peu représentatif, ce qui en dit long sur le sérieux et la profondeur de l’argumentation.

Il y a peut-être une autre façon de voir les choses. Si le marché des supercars électriques ne décolle pas, c’est tout simplement que pour le moment l’offre n’existe pas. Alors certes, encore faudrait-il s’entendre sur la terminologie. La Rimac Nevera, au même titre qu’une Bugatti Chiron (ou Tourbillon) se classe directement dans la catégorie des hypercars, à savoir des voitures aux performances et au prix monstrueux, qui sont davantage destinées à finir dans le salon d’un émir, la vitrine d’un mogul de la Silicon Valley, ou dans une story de Karim Benzema. Mais le plus souvent, directement au musée.

En-dessous de cette catégorie stratosphérique, on trouve celle des supercars dont le prix se situe à la louche entre 200 000 et 400 000 euros. C’est là que prospère un cœur de marché toujours aussi vivace et profitable, composé de Ferrari, Lamborghini, McLaren et autres Porsche, liste non exhaustive. Sur ce segment, s’il n’existe pas encore à proprement parler d’offre très structurée, les choses bougent peu à peu. Une Porsche Taycan Turbo S peut déjà prétendre au trône, même si sa structure de berline 4 portes et 4 places ne la rend pas assez exclusive pour les adeptes des balades entre la Croisette, le Casino de Monaco et les collines de Malibu. Idem pour la Lotus Emeya. On parle pourtant de voitures qui cachent une cavalerie à faire frémir tous les GMK de la planète, avec au bas mot près de 1000 chevaux, voire même 1034 pour la Taycan Turbo GT. Rappelons au passage que Ferrari et Porsche figurent parmi les marques les plus rentables de la planète, toutes catégories confondues. Et que si leur clientèle reste assez conservatrice et très sensible aux sirènes d’un bon vieux thermique, il y a aussi certainement parmi elle une frange plus jeune, attentive à l’innovation, voire même, soyons fou, un peu écolo sur les bords, qui ne rechignera certainement pas à prendre les commandes d’une ultra-sportive 100% électrique, à condition que celle-ci sache mixer habilement les codes de l’ancien monde avec des sensations que seules peuvent procurer les performances de l’électrique.

La Chine et Tesla en pointe ?

Là encore, en dehors des constructeurs historiques, pour la grande majorité européens, il se pourrait qu’il faille aussi regarder du côté de la Chine, où se préparent quelques supercars assez attirantes, comme la Nio EP9, la BYD YangWang U9 ou encore la Aion Hyper SSR.

Mais aussi du côté de Tesla, qui avec son futur (!) Roadster 2 pourrait bien finalement siffler le top départ d’un nouveau marché où tout reste à faire. On sait d’ailleurs que Ferrari travaille d’arrache-pied sur une sportive 100% électrique, et que MacLaren se penche également sérieusement sur la question. De son côté, Lotus promet aussi sa berlinette sportive Type 135 pour 2027, sans compter, dans une catégorie inférieure (pour les pauvres, bouh !) les Porsche Cayman et Boxster 100% électriques prévus pour 2025. Audi a aussi de son côté évoqué la possibilité d’une nouvelle version de la défunte R8 100% électrique. Nul doute que les autres marques suivront, y compris Lamborghini malgré les réserves actuelles de son patron.

Que faudrait-il pour que ce marché très glamour décolle vraiment ? Tout d’abord, donc, une offre qui tienne la route. Ensuite, que les constructeurs sachent trouver la martingale qui leur assurera le succès. Peut-être faudrait-il alors qu’ils s’inspirent de ce qu’a fait Hyundai avec la Ioniq 5 N ? A savoir rendre leurs voitures sexy en y intégrant des dispositifs qui évoquent les sensations du thermique. Ridicule ? Peut-être. Toujours est-il qu’il suffit de lire et regarder les essais de la 5 N – et les commentaires – pour comprendre que Hyundai a frappé juste et fort avec son OVNI à quatre roues.

Ferrari et consorts savent ce qu’il leur reste à accomplir. Il n’y pas de marché pour les supercars électriques ? Trop tôt pour le dire. On en reparle dans quelques années ?