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Porsche est le premier à contester la suprématie de la Tesla Model S, qui a donné ses lettres de noblesse à la voiture électrique haut-de-gamme. L’opération est réussie, même si l’auto est deux fois plus chère que sa concurrente américaine. Sans surprise, les performances sont au rendez-vous mais, c’est plus surprenant, la sobriété aussi.
Au lancement de la Tesla Model S, on n’attendait certainement pas Porsche parmi les premiers à répliquer à cette berline américaine qui a véritablement bousculé le marché de la voiture électrique haut-de-gamme. Voire même du haut-de-gamme tout court. Et pourtant, quatre ans exactement après la présentation du concept-car Mission E, le Taycan (selon Porsche, il s’agit d’un véhicule mâle) est devenue une réalité, qu’il est possible de commander depuis quelques semaines, et qu’il nous a été permis d’essayer en avant-première.
Si Porsche se lance dans la motorisation électrique, c’est avant tout par nécessité. Car dès 2021, les constructeurs devront se plier aux exigences de l’Union Européenne, avec des émissions moyennes ne devant pas dépasser les 95 g/km sur l’ensemble des modèles vendus. Le Taycan (ainsi que la prochaine génération du SUV moyen Macan, qui sera uniquement disponible en électrique) est donc indispensable à la survie de la sportive 911… Sans qui le Taycan ne pourrait sans doute pas exister. Car ce sont bel et bien les juteuses marges de la mythique berlinette animée par un six-cylindres à plat qui ont permis d’absorber les coûteux frais de développement nécessaires tant à la nouvelle plateforme électrique qu’à l’usine qui lui est consacrée.
Comme sa rivale américaine, la Porsche adopte une silhouette de berline élancée s’étendant sur près de 5 mètres de long (4,96 m précisément). Mais ici, la ligne de toit basse (1,38 m) et la silhouette élancée ont été préférées à l’habitabilité. Les passagers arrière auront nettement moins leurs aises que dans une Model S : volume et posture rappellent plutôt la Fisker Karma, loin d’être une référence en termes d’habitabilité. Comme elle, le Taycan se passe de hayon et son coffre apparaît relativement réduit : 366 litres à l’arrière, doublé d’un autre espace de rangement à l’avant, de 81 litres, qui peut à peine recevoir plus que les câbles de recharge.
Côté présentation, l’habitacle se veut un mélange subtil de tradition et de futurisme. De tradition d’une part parce que les lignes simples et horizontales veulent rappeler l’intérieur des 911. Il en va de même de l’instrumentation aux multiples compteurs. De futurisme d’autre part, parce que les écrans ont la part belle, faisant quasiment disparaître tous les boutons. Qu’elle semble loin, la philosophie de la première Panamera, qui multipliait justement les touches (« Un bouton, une fonction », disaient alors les ergonomes de la marque) jugées plus aisées à appréhender.
Dans notre modèle d’essai, ce ne sont pas moins de quatre écrans qui s’offrent à nos yeux. Le premier remplace les traditionnels compteurs. Grâce à sa forme incurvée, il élimine tout reflet et se révèle parfaitement lisible. Chacun des trois cadrans est personnalisable, et il est également possible d’afficher la carte de navigation en pleine largeur. Pas grand-chose à reprocher à cette interface.
L’écran central est bien connu, puisque repris des Panamera et Cayenne. Le logiciel s’avère bien pensé, avec des menus assez intuitifs, même si une Tesla Model S apparaît encore plus limpide. Le système de programmation des voyages est capable de prendre en compte le temps de charge, et de choisir les stations avec une certaine pertinence. Bien vu ! En option, cet affichage peut être doublé d’un autre, placé directement face au passager… Et qui semble bien inutile : il s’agit exactement de la même interface, avec simplement des fonctionnalités supprimées. En plus, l’option est chère (1.032 €).
Enfin, la console centrale est remplacée par un écran tactile à retour haptique (une vibration valide l’appui sur une commande). Traditionnellement, cette technologie est un véritable nid à traces de doigts et celui placé à bord du Taycan ne fait pas exception. Surtout, c’est à cet endroit qu’apparaissent les raccourcis et le bouton permettant de revenir à un menu précédent… Sur l’écran du dessus ! Voilà qui défie toute logique et complexifie inutilement les manipulations. Autre grief : les buses de ventilation se commandent, comme sur une Tesla Model 3, via l’écran central. Mais il faut pour accéder à ce menu, d’abord cliquer sur l’écran inférieur, avant d’aller fouiller dans les paramètres. Bien plus compliqué que sur l’américaine. Et cela apparaît comme une coquetterie d’autant plus inutile que les aérateurs sont bien visibles… Et dotés d’une sorte de bouton en leur partie centrale, qui ne commande absolument rien.
Il a été donné pour tâche aux ingénieurs de Porsche de développer la voiture électrique la plus sportive du marché. Voilà pourquoi ils n’ont pas lésiné sur la puissance : la Turbo comme la Turbo S annoncent ainsi toutes deux une puissance de 625 ch, pendant une durée de 10 secondes. Quel intérêt alors de dépenser 30.000 € de plus dans la deuxième ? Pendant une durée de 2,5 secondes, celle-ci peut grimper jusqu’à 761 ch, alors que la Turbo plafonne à 680 ch. Mais cela n’est disponible qu’en activant le mode Sport Plus. Et en utilisant le Launch Control. Et seulement au démarrage. Soit finalement assez rarement.
Malgré une masse de 2.305 kg pour la Turbo (10 kg de moins pour la Turbo S, grâce aux disques de frein en carbone-céramique), le Taycan est loin de se traîner. On passe de 0 à 100 km/h respectivement en 3,2 secondes et 2,8 secondes. Comme Tesla, Porsche a pris le parti d’une accélération plutôt brutale au démarrage, dans les modes de conduite les plus sportifs. Pour amplifier le phénomène, une boîte de vitesses à deux rapports permet des accélérations encore plus détonnantes. Le cerveau est projeté au fond de la boîte crânienne, et cela ne se calme (un peu) qu’au-delà de 160 km/h. Mieux, grâce à des rapports de pont plus longs, le souffle s’épuise bien moins vite que chez Tesla.
Porsche insiste sur le fait que son Taycan présente un dynamisme digne de la marque. En effet, l’agilité est au rendez-vous et la masse moins sensible que sur une Model S d’un gabarit pourtant équivalent. De nombreux réglages (suspension, direction, répartition de couple entre l’avant et l’arrière…) varient en fonction du mode de conduite choisi. Le plus homogène nous semble le mode Sport, idéal compromis entre maintien de caisse et confort. En sortie de virage à l’accélération, le couple du moteur arrière de 550 Nm (alors que le moteur avant développe 400 Nm sur la Turbo S et 300 Nm sur la Turbo) aide l’auto à pivoter, pour le plus grand plaisir du conducteur. Avare en sensation à des vitesses raisonnables, le Taycan semble s’alléger et mieux communiquer avec son pilote à mesure que le rythme s’accélère. Une caractéristique partagée avec les autres modèles de la gamme.
Notons que la Turbo S est livrée de série avec des jantes de 21 pouces, optionnelles sur la Turbo. Celles-ci prodiguent une adhérence hallucinante, mais ont l’inconvénient de gommer les sensations. Nous préférons la monte pneumatique de base (20 pouces), aux réactions plus progressives.
La bonne surprise provient des consommations relevées lors de notre essai, qui ont oscillé selon les conditions de conduite et le rythme entre 19 kWh/100 km et 30 kWh/100 km. La moyenne relevée, qui est aussi la valeur à retenir sur autoroute, est de 23 kWh/100 km. Des valeurs à peine plus élevées que celles d’une Tesla Model S, voilà qui s’avère une bonne surprise, tant les dernières voitures électriques haut-de-gamme des constructeurs traditionnels nous ont déçu sur ce point.
Las, le Taycan ne dispose pas d’une batterie aussi généreuse que la californienne : une capacité totale de 93,4 kWh, pour une capacité utile de 83,7 kWh. De quoi tout de même bénéficier d’une autonomie aux environs de 350 km sans crainte.
Grâce à son architecture électrique de 800 Volts, le Taycan promettait également une charge extrêmement rapide, ce que nous avons pu vérifier sur la station Ionity de Neckarburg, en Allemagne. Effectivement, un pic à 260 kW a été tenu pendant plusieurs minutes, avant de se stabiliser à un plus modeste mais toujours remarquable 200 kW. Même au-delà de 90 %, on conserve toujours un bon 80 kW. De quoi passer de 10 % à 90 % en une demi-heure, plus que satisfaisant.
On peut sans crainte affirmer que le résultat est à la hauteur des ambitions de Porsche. Le Taycan est une berline sportive haut-de-gamme séduisante, aboutie et performante… Et qui semble rencontrer le succès : Porsche a dû embaucher pour satisfaire la demande. Le nombre de précommandes (30.000 enregistrées) dépasse en effet la production annuelle. Il semblerait donc que les clients ne soient pas rebutés par les tarifs très élevés, de 155.552 € pour la Turbo et 189.152 € pour la Turbo S… Sans compter les nombreuses et coûteuses options qui ont vite fait de faire passer le cap des 200.000 €.
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