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Les électromobiliens qui s’intéressent à l’histoire des voitures branchées savent, qu’outre-Atlantique, ont existé des Dauphine animées par un moteur électrique. Les amateurs d’anciennes de l’Est de la France, ont même cru en croiser une, rouge, en Moselle. Contacté pour Automobile Propre, son propriétaire nous présente l’histoire de sa Henney Kilowatt. S’il s’agit du modèle le plus diffusé de Dauphine électriques, il existe d’autres réalisations, dont celle effectuée à la demande du violoniste Jascha Heifetz, signalée par un de nos lecteurs.
Dans les années 1950, Renault cherche à s’implanter aux Etats-Unis. Si Volkswagen y rencontre un certain succès avec sa Coccinelle, alors pourquoi pas le losange avec sa Dauphine ? Il va en arriver plusieurs centaines d’exemplaires par bateaux. Mais y a-t-il vraiment une place à l’époque pour plusieurs « microcars » sauce « european » au pays de l’oncle Sam, où les protubérances stylistiques doivent impérativement envahir les volumineux pare-chocs qui soutiennent les capots interminables et les ailerons arrière tourmentés ?
Sans doute que la Dauphine à essence aurait pu s’imposer aux Etats-Unis s’il n’y avait pas eu la Coccinelle. Après tout, leur tenue de route, à toutes les 2, pouvait même paraître plutôt correcte, comparée à celle des mastodontes incontrôlables, dont Ralf Nader, avocat américain, dénonçait la dangerosité dans son ouvrage intitulé « Unsafe at Any Speed » (traduction française rebaptisée « Ces voitures qui tuent »). Sauf que l’allemande soutenait vaillamment une vitesse de croisière relativement élevée dans un meilleur confort et une plus grande précision de conduite.
Avec moitié moins d’exemplaires vendus outre-Atlantique par rapport à la Volkswagen, la Dauphine paye pour un moteur souffreteux (845 contre 1.200 cm3), une image moins robuste, et un réseau de distribution et d’entretien moins présent. La preuve : alors que nombre de Cox des années 1960 roulent encore là-bas, combien, sur plus de 250.000 Dauphine à essence vendues par Renault sur ce vaste territoire peuvent y être croisées sur les routes ?
Renault y croyait pourtant au succès de sa Dauphine aux Etats-Unis ! Tout comme, à la même époque, en la petite voiture électrique, B.-L. England et Russel Feldman, respectivement à la tête de National Union Electric et Eureka Williams. Nous sommes en 1959. Quoique les ventes de la citadine française sont loin d’être anecdotiques outre-Atlantique, la RNUR avait prévu beaucoup plus grand et les Dauphine neuves croupissent à tous les vents sur le sol américain. Elles sont alors bradées à un prix qui en fait l’une des voitures les moins chères du marché. Pour England et Feldman, qui viennent de s’adresser au carrossier Henney Motor, c’est une aubaine ! Voilà une voiture minimaliste et légère, que l’on peut obtenir rapidement en 100 ou 200 exemplaires pour un tarif raisonnable. La commande est passée !
Difficile de dire avec exactitude combien d’exemplaires de Dauphine Henney Kilowatt ont été réalisées. Selon les sources, les chiffres diffèrent, également sur l’autonomie et la vitesse de pointe. A priori, moins de 50 unités ont été diffusées, avec une trentaine sous le millésime 1959, et 8 pour 1960, dont celle de notre témoin de l’Est de la France. La plupart du temps, elles étaient vendues et exploitées par quelques-unes des nombreuses compagnies d’électricité alors en activité aux Etats-Unis. Celles associées au projet se devaient d’en assurer une certaine promotion !
Equipées d’un moteur General Electric, les premières Dauphine Henney Kilowatt recevaient 18 batteries plomb de 2 V montées en série et réparties entre le coffre (à l’avant), et l’unité moteur (à l’arrière). Rapidement jugée inutilisable, leur architecture a été revue pour accueillir 12 accumulateurs de 6 V. A l’époque, on attribuait généreusement à l’engin une autonomie d’environ 80 kilomètres, avec une vitesse de croisière se situant à la lisière des 60 km/h. Pour 2 batteries supplémentaires, la voiture passe de 72 à 84 V avec une dizaine de kilomètres de mieux.
Alors qu’une Dauphine classique coûte environ 1.600 dollars US en 1960, il faut établir un chèque de 4.000 ou 6.000 dollars pour s’offrir, respectivement, la version Henney Kilowatt 72 et 84 V… avec le chargeur, mais sans le chauffage, disponible seulement en gris ou rouge ! Ce dernier, de type Webasto, est facturé 400 dollars de plus. La prix de la petite voiture branchée se situe au même niveau que celui d’une Cadillac Eldorado ! Quel automobiliste particulier pourrait-il être séduit par une telle offre, à moins de nager dans l’aisance et d’avoir un souci de l’environnement disproportionné pour l’époque ? En 1962, fin de l’aventure !
Deux Dauphine Henney Kilowatt existent en France. L’une, au conservatoire Renault, et l’autre, dans les mains de Bernard (prénom d’emprunt), un collectionneur lorrain, passionné d’anciennes et d’engins électriques. Voilà 7 ans qu’il possède son exemplaire, converti avec l’aide d’amis de son club aux batteries NiCd et à la recharge en 220 V (110 V aux Etats-Unis). Afin que les entrailles et une partie de la chaîne de traction électrique soient visibles, les capots avant et arrière ont été percés pour recevoir des vitres. Bernard l’a reçue ainsi. Cette astuce permet aux curieux de constater la présence des batteries, sans risque de dégradation. Grise à l’origine, elle a été repeinte en rouge par son dernier propriétaire américain.
De type R1090, la Henney Kilowatt (voir vidéo) de Bernard est l’une des 8 produites en 1960. Avec une autre du même millésime, elle a été acquise initialement par la compagnie d’électricité NSP (Northern States Power). D’abord en test, ces 2 exemplaires ont été exploités pour relever les compteurs des abonnés au service et faire la promotion de l’énergie électrique. L’entreprise en a ensuite fait don à l’Université du Minnesota, devenant ainsi des supports pour son programme de premier cycle en génie électrique. Dans une publication interne NSP datant d’octobre 1967 (document joint), c’est bien la voiture achetée par Bernard qui est essayée par la chroniqueuse Barbara Flanagan, du Minneapolis Star Tribune, en compagnie du doyen de l’Université, Athesltan Spilhaus. Entre Bernard et l’établissement universitaire, un unique intermédiaire, en la personne d’un collectionneur privé américain.
La Dauphine Henney Kilowatt de Bernard est en état de rouler. Elle décoiffe, je peux en témoigner personnellement ! Alors qu’elle était exposée au sein d’une manifestation consacrée aux automobiles anciennes, son train arrière s’est mis à vibrer sous l’action de l’accélérateur, comme pour annoncer un départ fulgurant. Puis 2 dalles de la moquette sur laquelle elle se trouvait sont parties d’un coup, me rasant la tête ! « La montée en accélération se fait de façon saccadée », explique Bernard, qui précise qu’une fois un palier atteint, l’engin se déplace alors très régulièrement et en silence.
Sa Dauphine électrifiée, Bernard ne compte pas s’en servir sur routes ouvertes, pas même pour un rallye en anciennes. Ce qui compte pour lui, c’est de la savoir en bon état de fonctionnement. Il a même changé les pneus de mauvaises dimensions qui frottaient l’intérieur des ailes avant en braquant, contre des Michelin de la gamme « Collection ». Le compteur en miles indique un chiffre inférieur à 7.000, soit environ 11.000 kilomètres. « J’estime que cette voiture n’est pas utilisable sur la route de nos jours », justifie Bernard.
Si l’engin imaginé par England et Feldman a abouti à la Dauphine Henney Kilowatt, d’autres ont suivi, souvent restées au stade de démonstrateur ou de modèle unique … jusqu’au début des années 2000 ! D’abord Yardney Electric Corporation, en 1964, présente sa version pour faire la promotion d’une nouvelle génération de batteries argent-zinc. Elle revendique une autonomie de l’ordre de 120 kilomètres. Deux ans plus tard, Battery Power exhibe la Mars I, prête à parcourir environ 200 km sur de plus classiques accumulateurs plomb-acide !
Cocorico, elle est désormais en France et en état de rouler également, la Dauphine électrique convertie par les laboratoires Bell, au début des années 1970, et présentée dans le magazine Gazoline de novembre 2011 (à lire ici). Et plus curieusement, en 2001, au Canada, Feel Good annonce une prochaine série de Dauphine électriques… qu’on attend toujours ! Dommage ! L’idée de recycler une voiture ancienne en l’électrifiant était une idée particulièrement intéressante !
C’est un lecteur d’Automobile Propre qui nous a mis sur la piste de l’Electricar (voir vidéo) du violoniste Jascha Heifetz. Sur le site officiel qui lui est dédié, on retrouve même des photos de l’engin, à l’entrée « Special interests ». Il semblerait que l’artiste était déjà un militant de la mobilité électrique dès les années 1950. Dans un article mis en ligne en octobre 2011 sur le site The Jewish Week, George Robinson lui attribue un document intitulé « My contribution to fighting the smog ».
Et c’est bien pour lutter à sa manière et à son niveau personnel contre le fameux nuage de pollution qui entoure Los Angeles, que Jascha Heifetz aurait été mis en relation en 1967 avec un certain Bob Borisoff, ingénieur en mécanique et concepteur de divers engins électriques. Livrée quelques mois plus tard, l’Electricar, sur base Dauphine 1961, devait lui servir à rejoindre Hollywood depuis chez lui. A l’observation des quelques photos de la voiture, on remarque que le travail effectué est particulièrement soigné, aussi bien au niveau des éléments de la chaîne de traction que de la carrosserie. Même les ouïes d’aération d’origine sur le modèle du losange ont été parfaitement et proprement obturées. Coût de la conversion : 2.000 dollars pour l’achat de la Dauphine d’occasion, auxquels se sont ajoutés 5.500 dollars pour l’opération.
Un document d’époque mentionne 6 vitesses en marche avant. Une erreur ? Peut-être pas ! Mais il ne s’agit pas d’autant de rapports qu’on sélectionne avec un levier, mais de différentes allures obtenues en appuyant plus ou moins sur l’accélérateur. Avec ses 12 batteries de 12 V, l’Electricar pouvait approcher les 100 km/h. Il fallait toutefois conduire de façon moins énergivore pour espérer parcourir de 60 à 80 kilomètres sur une charge de 8 heures.
Avec Automobile Propre, je souhaite remercier tous les lecteurs qui nous proposent différentes pistes pour parler de l’histoire de la voiture électrique. Egalement à Bernard pour son retour d’expérience concernant sa Dauphine Henney Kilowatt.
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