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La marque chinoise Xpeng compte sur le bouche-à-oreille pour faire son trou. Thomas Rodier, le directeur marketing de la marque en France, fait le point.
Automobile Propre – Où en est aujourd’hui Xpeng en France ?
Thomas Rodier – Nous avons immatriculé 511 voitures et livré presque 800, notamment pour remplir nos showrooms ou avoir des véhicules de démonstration (interview réalisée le 10 janvier, NDLR). Nous avons commencé les livraisons aux clients en septembre pour attendre 300 véhicules sur le seul mois de décembre.
AP – Où en est le réseau ?
TR – Cela va très vite. Nous avons déjà 30 concessions ouvertes en France. Nous arrivons dans des zones où l’on a mis un peu plus de temps comme les Bouches-du-Rhône, avec l’aire Aix-Marseille. D’ici à la fin de l’année 2025, nous devrions avoir 60 à 70 concessions. Le but est d’avoir un point de vente Xpeng à moins d’une heure de chez soi partout en France. Nous sommes arrivés à un moment où il y avait beaucoup de transitions dans les réseaux et nous avons signé rapidement des contrats avec des acteurs crédibles. Par exemple Jean Lain, qui est une référence en Rhône-Alpes.
AP – Et quel est l’objectif pour 2025 ?
TR – Notre objectif est d’atteindre 3 500 voitures, toujours avec nos deux modèles G6 et G9. À terme, notre mix va doucement s’établir à 50/50 des immatriculations à des particuliers et professionnels. Pour l’instant, on est à plus de 80 % de B2B sur le G9. Nous avons un nouveau responsable, Guillaume Cohen, qui vient d’arriver pour développer les ventes aux flottes et aux grandes entreprises. Avec le G6, nous allons trouver un peu plus de clients type famille.
AP – La plupart de vos clients optent pour les offres de leasing…
TR – Nous en sommes à plus de 80 %. Nous avons aussi en ce moment une offre pour les particuliers sur le G6 à 470 euros par mois sans apport. À ce prix-là, vous avez un véhicule déjà tout équipé ; il n’y a quasiment pas d’option en dehors de la barre d’attelage…
À lire aussiG7, la nouvelle arme anti Tesla Model Y de Xpeng ?AP – Et le G6 se vend-il nettement mieux que le G9 ?
TR – Nous avons commencé en France avec le G9, pour faire découvrir la marque aux utilisateurs. Sur les premiers mois, c’était 50/50 avec le G6. Aujourd’hui, le G6 est en train de prendre le dessus. Le G9 marche très bien, car il n’a pas vraiment de concurrent dans sa tranche de prix. L’une des surprises, ce que nous immatriculons très peu de versions « standard » : les gens viennent nous voir pour du haut de gamme avec un G9 à près de 80 000 euros qui offre les mêmes prestations qu’un concurrent à 100 000 euros. L’une des forces est aussi la charge rapide avec un 10 à 80 % en 20 minutes…
Xpeng G6 (4,75 m)
Xpeng G9 (4,89 m)
AP – Verra-t-on un troisième modèle dans les showrooms ?
TR – On reste sur deux modèles pour 2025. Mais vous aurez peut-être une surprise d’ici à la fin de l’année. Nous étudions très sérieusement le lancement de P7+, qu’on a présenté au Mondial de l’automobile. C’est une grande voiture, mais elle a beaucoup plu et je pense qu’on peut la lancer à un prix compétitif. La Chaîne EV a lancé une pétition pour la faire venir. On est à l’écoute…
AP – Comment se passe l’après-vente ?
TR – Xpeng a commencé à vendre des voitures en Norvège en 2021. La partie pièces détachée et stocks est déjà mise en place depuis un bon moment ; nous avons un dépôt aux Pays-Bas et un second en construction en Allemagne. Notre objectif est d’être en mesure de livrer des pièces dans un délai moyen de 48 heures, comme tous les autres constructeurs. Nous proposons également à nos concessionnaires d’avoir des stocks pour réparer le plus vite possible.
AP – Qui sont vos premiers clients ?
TR – Nous avons des profils très différents, c’est intéressant. Aujourd’hui, nous avons près de 50 % d’anciens clients Tesla, mais aussi des adeptes du « 800 volts ». Une fois qu’on y goûte, difficile de revenir en arrière. Beaucoup de conducteurs de Hyundai ou de Kia sont venus vers nous à la fin de leur leasing. Les taxis sont aussi très intéressés. Ils peuvent économiser facilement du temps à la borne. Mais on a eu aussi un client à Reims qui a troqué son gros Mercedes GLE pour un G9… Le client type est plus jeune que nous le pensions. Il s’agit souvent d’un homme, souvent quadragénaire, plutôt entrepreneur avec de l’appétit pour la « tech » et sans barrière de nationalité sur leur voiture. Ils ne sont pas dans le chauvinisme des marques européennes et s’intéressent à ce qui se fait de mieux sur le marché. Certains clients qui entrent dans nos concessions ont vraiment bossé : ils ont vu des vidéos, ont lu des blogs, observé ce qui se passe en Chine ou en Europe du Nord.
Xpeng est un peu le Who’s who ? de la « tech » chinoise. L’entreprise a été fondée en 2014 par He Xiaopeng (d’où le « Xpeng »). Avec le codeur Liang Jie, il avait lancé dix ans auparavant au milieu des années 2000 le moteur de recherche et navigateur pour mobile UCWeb. L’expérience apporta fortune et réseau aux deux hommes : l’entreprise fut cédée moyennant 4 milliards à Alibaba, l’Amazon de la République populaire.
Pour se lancer dans la voiture, He s’associa avec deux anciens du groupe automobile GAC, Xia Heng and He Tao. Les deux car guys se chargèrent de créer un premier prototype, la Xpeng Beta, présenté en 2016. He se chargea des levées de fonds, séduisant notamment l’actionnariat d’Alibaba, celui du fabricant de smartphone Foxconn ou encore Lei Jun, le patron de Xiaomi. Le modèle évoque davantage la jeune pousse à la Tesla que le constructeur traditionnel. Xpeng se présente d’ailleurs comme une entreprise technologique (conduite autonome, drones, robots humanoïdes, réseau de recharge, intelligence artificielle…) plutôt que comme une marque de voitures.
Le premier modèle de Xpeng, un SUV électrique de 4,45 m fut baptisé G3 et commercialisé en Chine à partir de 2018. La grande berline P7 s’ajouta bientôt au portefeuille. La marque arriva en Europe en 2021 via le très électrifié marché norvégien. Deux ans plus tard, Volkswagen rachetait près de 5 % du capital pour 600 millions d’euros. La marque de Guangzhou a livré ses premiers clients français en septembre dernier. Prochaine étape : le Royaume-Uni. Contrairement à Tesla et à l’image d’autres start-ups chinoises, Xpeng perd toujours beaucoup d’argent : au troisième trimestre 2024, le débours s’élevait à 240 millions d’euros.
Volumes mondiaux de Xpeng :
AP – Evidemment, votre plus gros défi, c’est de faire connaître la marque au plus grand nombre…
TR – Notre technique de communication a été de vraiment essayer d’exploser sur Youtube avec beaucoup de vidéos, d’essais. Lorsque l’on a un bon produit, cela permet de convaincre pas mal de gens. La stratégie a été de faire essayer la voiture à un maximum de monde, justement pour qu’ils puissent en parler. Nous avons vraiment mis l’accent sur la vidéo parce que – je le dis tout le temps – les consommateurs ont besoin de se rassurer : « Est-ce que je fais le bon choix ? ». Youtube nous a donné un chiffre : 57 % des nouveaux acheteurs y vont pour valider leur achat. Nous avons aussi fait du recrutement sur les réseaux sociaux avec des campagnes de génération de lead…
AP – Vous ciblez des gens qui s’intéressent, par exemple, à Tesla…
TR – Nous savons très bien qu’il y a des gens qui ne viendront vers nous que dans très longtemps. Ce qui nous intéresse, c’est les personnes qui sont prêtes à changer. Il y a aujourd’hui un tel parc Tesla… Le Model Y a été lancé en France il y a un peu plus de trois ans maintenant : certains vont vouloir changer. Il y a des nouveaux entrants comme nous qui proposent une alternative intéressante. Nous avons aussi commencé à faire de la publicité traditionnelle sur des moments comme Turbo, sur M6. Et puis chez nous, il y a eu un avant et un après Mondial de l’auto : des gens venaient nous voir avec des idées préconçues et nous disaient après : « c’est sérieux ce que vous présentez là ».
À lire aussiRenault Scenic vs Xpeng G6 : la référence électrique française affronte l’outsider chinois !AP – Y a-t-il un impact des demandes des conducteurs européens sur le produit fabriqué en Chine ?
TR – Le consommateur européen n’attend pas les mêmes choses qu’un consommateur chinois. J’étais récemment en Chine avec l’un de vos confrères : il a trouvé le G6 local très mou. En Europe, le même modèle répond aux besoins de dynamisme accru avec un réglage spécifique, même si notre ADN est plutôt du côté du confort. À leurs débuts en Europe, nos voitures faisaient beaucoup de « bips ». On les a largement supprimés. Nous avons aussi adapté nos aides à la conduite. Il fallait, par exemple, beaucoup forcer le volant pour sortir du mode de conduite semi-autonome. Cela n’a pas plus aux utilisateurs, nous l’avons assoupli : les mises à jour que l’on reçoit en Europe sont européanisées. Nous avons aussi un système de beta testeurs auquel vous pouvez vous inscrire si vous êtes client Xpeng via votre application. Nous voyons sur les forums que pas mal de nos clients français ont participé, cela nous aide à améliorer les véhicules. Cela rendra les utilisateurs encore plus exigeants, car ils voient qu’on est capable de faire évoluer leur véhicule.
AP – Et à moyen terme, comment voyez-vous l’avenir de Xpeng ?
TR – Nous restons très humbles. Nous allons grossir tranquillement avec notre réseau, fournir de bons produits. Et il y aura des nouveaux modèles. Aujourd’hui, nos produits ont été adaptés pour le marché européen. La marque prépare des produits spécifiques pour l’Europe. Le segment « C », c’est le cœur des volumes chez nous…
Comme les autres véhicules assemblés en Chine, les Xpeng sont touchés par des droits de douane mis en place l’an dernier par l’UE. Ici, la note se monte à 31,3 % (10 % de base + 21,3 % en « extra »). Le directeur exécutif de la marque en Europe du nord, Jens Olsen, a récemment indiqué que le constructeur recherchait activement « une implantation industrielle » sur notre continent. Où ? Pour l’instant, mystère.
Incidemment, l’agence de presse Reuters faisait savoir il y a quelques jours que des constructeurs chinois seraient intéressés par le rachat de deux usines Volkswagen en sous-régime en Allemagne, à Dresde et Osnabrück. La dépêche ne précise pas l’identité des marques candidates. Un tel accord — politiquement explosif — ne pourrait être signé qu’avec l’aval de Pékin et du gouvernement allemand dessiné par les prochaines élections du 23 février.
Incidemment encore, Xpeng et Volkswagen ont beaucoup en commun. En 2023, Wolfsbourg avait acquis 4,99 % du capital de Xpeng Motors contre un chèque de 600 millions d’euros. Les deux groupes ont également prévu de développer deux modèles pour le marché chinois. Les groupes travaillent aussi sur le développement d’un réseau de recharge ultra-rapide en République populaire. Attention : cela ne signifie pas que Xpeng serait le candidat au rachat des usines allemandes.
Dans tous les cas, la création d’une usine Xpeng en Europe serait le dernier avatar d’une tendance accélérée par les récentes restrictions douanières. Le géant chinois BYD construit actuellement une usine à Szeged, en Hongrie, et prépare une implantation en Turquie. Grâce à un accord avec Stellantis, les Leapmotor T03 sont désormais assemblées à Tychy, en Pologne. Chery a pour sa part redémarré une ancienne usine Nissan à Barcelone.
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