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Pour aller plus vite en voiture électrique, est-il préférable de rouler à 110 km/h et de réduire le nombre d’arrêts, ou de filer à 130 km/h ? Alors que l’équation peut être difficile à résoudre, on a mené le test sur près de 1 000 km.
Depuis longtemps, ce débat fait rage. Et c’est d’autant plus le cas depuis la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui souhaitait limiter toutes les autoroutes de France à 110 km/h au lieu de 130 km/h, afin de réduire les rejets de CO2 et les consommations d’énergie. Une proposition soutenue par de nombreuses personnalités, à l’image de Yann-Arthus Bertrand, militant écologiste entre deux vols en hélicoptère pour photographier le monde vu du ciel…
Si les intérêts écologiques et économiques sont réels, imposer cette limitation n’est toutefois pas la bonne voie selon Elisabeth Borne, qui a décidé d’enterrer la proposition. Selon elle, il peut y avoir des personnes « qui ont besoin de se déplacer sur l’autoroute et qui ont des contraintes de temps », avant de préciser qu’il est toutefois important de communiquer sur les économies qu’on peut faire en roulant moins vite et sur l’intérêt que cela peut présenter pour réduire les gaz à effet de serre, et ce tout en évitant de fonctionner à coup d’interdictions. Bref, le sujet interroge et fait beaucoup parler.
À lire aussiVoyage en voiture électrique : pourquoi la recharge en moins de dix minutes ne vous servira à rien ?Et c’est surtout le cas avec les voitures électriques, où la consommation très sensible aux vitesses peut offrir plus d’autonomie, mais surtout redistribuer les cartes en matière de temps de trajet : avec moins d’électrons à récupérer, la voiture passerait moins de temps aux bornes ! Une fable du lièvre et de la tortue 2.0 en somme. Reste que l’équation n’est pas aussi facile à résoudre. Pour en avoir définitivement le cœur net, on a mené un test grandeur nature.
Avant d’aller dans le détail, revoyons quelques notions théoriques. Selon la mathématique, rouler à une vitesse rigoureusement fixe de 130 contre 110 km/h permettrait de gagner 8 minutes et 24 secondes tous les 100 km. Parcourir une distance de 500 km réclamerait donc 3 h 51 à 130 km/h, contre 4 h 33 à 110 km/h. Soit un écart final de 42 minutes pour un gain de temps de l’ordre de 15,4 %. Mais on ne roule jamais à cette vitesse tout le temps : les bretelles d’accès, barrières de péage ou sorties vers les aires de repos suffisent à faire baisser la vitesse moyenne. En général, cette dernière est de 120 km/h en respectant les limitations, et de 105 km/h quand on fait le choix de se limiter à 110 km/h.
En matière de consommation, il n’y a aucune règle. Cependant, nous observons en moyenne une surconsommation de 26,4 % lors de nos Supertests. Rappelons toutefois qu’il s’agit d’une mesure quasi-instantanée, à une vitesse fixe et sans aucun ralentissement. Mais notons que les résultats sont disparates d’une voiture à l’autre en raison de leurs propres caractéristiques aérodynamique et mécaniques. La BMW i4 eDrive40 a par exemple présenté un écart de 36,8 % en raison d’une consommation très maîtrisée à 110 km/h. Le Tesla Model Y Performance a été le plus homogène avec un surconsommation de seulement 20,4 % entre les deux relevés. La MG 4 Luxury, qui va nous intéresser ici, est restée dans la moyenne générale avec un taux de 26,2 %. Toujours selon la théorie, la compacte électrique a ainsi présenté une autonomie moindre de 21 %, soit 62 km sur l’ensemble d’une charge.
C’est donc avec elle que nous avons décidé de mener notre test entre Paris et Chasse-sur-Rhône, un peu plus au sud de Lyon, à 500 km tout rond de la capitale. Nous avons pour cela fait le choix de deux MG 4 Luxury millésime 2023, parfaitement identiques jusqu’aux Bridgestone Turanza T005 EV 235/45 R18. Le but : valider les différences de temps et de consommation sur une longue distance, mais aussi de calculer le surcoût réel après les recharges et le temps que réclament ces dernières.
À lire aussiLimitation à 110 km/h sur l’autoroute : la voiture électrique grande gagnante ?Le protocole a été on ne peut plus simple : il n’y a que la voiture orange qui ne devait pas dépasser la barre des 110 km/h lorsque la signalisation permettait de rouler à 130 km/h. Pour le premier trajet, nous avons décidé de nous arrêter aux mêmes bornes, toutes les deux heures, afin de se mettre dans la peau des conducteurs moyens. Mais aussi pour lisser les coûts de revient (les prix du kWh étaient donc les mêmes) et pour observer les courbes de recharge. Au retour, nous avons joué au jeu du lièvre et de la tortue, où chacun devait optimiser au mieux les recharges pour, difficulté supplémentaire, arriver à destination avec un taux de charge restant de 20 %.
Au final, nous n’avons noté que très peu de différences au terme de ces deux trajets. Et pour cause : la part de portions à 130 km/h sur l’ensemble du trajet, uniquement là où les écarts se creusent, était sensiblement identiques avec 79 % à l’aller et 82 % au retour. Soit un taux moyen similaire à notre trajet autoroutier type qui nous sert lors des Supertests. Que ce soit en matière de consommation, de temps ou de recharge, les écarts sont proches. Nous notons cependant une différence en matière de coût. Voyons tout cela en détail.
Avec une température moyenne de 26 °C le premier jour et de 23 °C au retour, sans vent et sans aucun embouteillage, les deux MG 4 Luxury ont évolué dans des conditions on ne peut plus idéales. Au final, la voiture électrique roulant à 130 km/h a présenté des moyennes de 20,0 et 20,8 kWh/100 km. L’autre véhicule a affiché des valeurs de 16,6 et 17,3 kWh/100 km. On observe donc ici une surconsommation moyenne de 3,4 kWh/100, soit un écart de 20 %. Notons au passage l’excellente performance de la compacte en cette saison, contre une moyenne de 25,4 kWh/100 km avec une température extérieure de 12 °C sur le même trajet.
La nouvelle mouture de la MG 4 Luxury est toujours équipée de la batterie de 61,7 kWh de capacité. Selon l’habituelle règle de trois, cela indique une autonomie totale théorique de 303 km en moyenne à 130 km/h, et de 363 km à 110 km. Soit un écart final de -16,5 %, ce qui se traduit par un rayon d’action inférieur de 60 km à 130 km/h. Dans les faits, cela oblige donc à s’arrêter un peu plus tôt à une borne de recharge. En fonction du maillage local, cela peut donc emmener à s’arrêter trop tôt. Sauf sur l’autoroute A6 que nous avons emprunté, qui dispose à ce jour de stations de recharge tous les 40 km en moyenne. De quoi laisser une certaine souplesse pour optimiser les recharges et donc le temps de trajet, et ce même sans planificateur d’itinéraire, toujours absent à bord de la MG 4.
110 km/h | 130 km/h | Diff. 130 vs 110 | |
Conso. (kWh/100 km) | 17,0 | 20,4 | +3,4 (+20 %) |
Autonomie totale théorique (km) | 363 | 303 | -60 (-16,5 %) |
L’exercice de la recharge peut être déterminant pour redistribuer les cartes en matière de temps de trajet, mais aussi sur les économies réalisées. Car compte tenu des différences entre l’énergie consommée et rechargée, le coût de revient kilométrique en voiture électrique ne se calcule qu’à partir des factures des bornes.
A l’aller, la voiture roulant à 130 km/h a dû récupérer un total de 103,11 kWh en comptant la recharge finale pour retrouver le capital de départ et mettre les deux voitures sur un pied d’égalité. L’autre véhicule a du avaler 84,93 kWh dans les mêmes conditions, soit 18,18 kWh de moins. Au retour nous avons observé un écart de 17,32 kWh entre ces deux véhicules. A noter que pour ce dernier trajet, les deux voitures sont arrivées avec 23 % de charge restante. Ce qui signifie que l’écart aurait été, à quelques poussières d’électrons selon notre base de données, très similaire après une recharge complète finale sur la même borne. En matière d’énergie, la voiture la plus rapide a donc dû injecter en moyenne 17,8 kWh de plus par trajet par rapport à sa concurrente du jour.
110 km/h | 130 km/h | Diff. 130 vs 110 | |
Energie rechargée totale (kWh) | 175,11 | 210,61 | +35,5 |
Avec une consommation plus élevée, et donc des recharges plus importantes, il ne fait aucun doute que le conducteur de la voiture bleue (130 km/h) repart avec une facture plus élevée. Mais cela dépend surtout des tarifs appliqués par les opérateurs de la station visée, surtout imposée par l’autonomie restante. En rechargeant aux mêmes bornes pour retrouver le même capital de départ, la différence tarifaire est de 10,60 €. En appliquant le prix moyen national de la recharge sur autoroute de 0,63 €/kWh, l’écart est alors de 11,50 €.
Cependant, lors du trajet retour, le conducteur roulant à 110 km/h a pu profiter d’une station Engie avec un prix de 0,576 €/kWh, contre deux recharges à 0,62 et 0,69 €/kWh respectivement pour l’autre véhicule. Au final, nous avons observé une différence de 14,70 € à l’avantage de la voiture la plus lente dans ce sens. En reprenant le prix moyen en France pour lisser les disparités, on tombe sur un écart de 10,90 €.
Toujours selon cette base, la différence sur l’ensemble de ce trajet aller/retour est donc de 22,36 €, soit 2,28 €/100 km de plus à 130 km/h. A noter que cet écart ne s’observe que dans ces conditions et avec ce véhicule. En fonction des consommations et des pertes lors des recharges avec d’autres modèles, les différences pourraient sensiblement se creuser.
110 km/h | 130 km/h | Diff. 130 vs 110 | |
Coût réel total (€) | 121,32 | 146,6 | +25,28 |
Moyenne nationale (€) | 110,32 | 132,68 | +22,36 |
En pratique, les écarts ne sont pas aussi significatifs qu’en théorie. Dans le détail, nous avons mesuré un gain moyen de 7 minutes et 25 secondes très exactement tous les 100 km parcourus à 130 km/h au lieu de 110 km/h, ou un gain de 6 minutes tous les 100 km sur l’ensemble du trajet. Au bout du compte, la voiture roulant à 130 km/h a pu boucler l’aller/retour en 8h59 (4h28 et 4h31), contre 9h58 (4h56 et 5h02) pour le véhicule limité à 110 km/h. Soit une demi-heure de mieux pour un trajet de 500 km. A noter qu’en faisant le choix de s’arrêter tous les 200 km (toutes les deux heures ou presque à 130 km/h), la MG 4 orange mettait une dizaine de minutes de plus avant d’arriver sur l’aire, ce qui n’est pas vraiment perceptible.
En matière de recharge, on observe deux stratégies différentes, avec plusieurs effets. D’une part, arriver aux bornes de recharge avec un taux de charge plus élevé grâce aux consommations inférieures ne fait pas gagner du temps. Et ce malgré l’excellente courbe de recharge de la MG 4 Luxury, qui est capable de maintenir un plateau à la puissance maximale jusqu’à 55/60 % de charge. On en a pour preuve les relevés lors de notre premier trajet : plus le taux de charge au départ est haut, moins le ratio kWh/min (ou %/min selon vos méthodes de calcul) a été intéressant. La voiture à 130 km/h aurait même pu davantage creuser l’écart si elle n’avait pas rencontré une baisse de puissance sur une borne Fastned en plein pic de chaleur. Statistiquement, la voiture filant à la vitesse maximale, et donc profitant d’un taux de charge plus bas à l’arrivée, a rechargé 31,3 kWh en 30 minutes, contre 27,9 kWh pour celle arrivant avec un taux de charge plus élevé.
À lire aussiEssai – MG 4 Luxury : les temps de recharge et de voyage de notre SupertestLa nécessité d’optimiser les recharges est donc évidente, comme toujours, lorsqu’on veut arriver le plus vite possible à destination. De cette manière, nous avons pu gagner encore trois minutes d’écart entre les deux véhicules au retour. La raison ? Avec une consommation plus stable et un peu plus d’autonomie avec la voiture roulant à 110 km/h, nous avons pu atteindre une station avec 5 % de charge restante. Mais le temps de conduite peut être bien trop long : entre 97 et 5 % de charge, nous avons parcouru 319 km pour 3 h 08 de route !
Sur ce trajet retour, nous avons donc noté un écart de 10 minutes de recharge : la voiture bleue a cumulé 32 minutes d’immobilisation, contre 22 minutes pour la voiture roulant moins vite. L’exercice permet ici de resserrer l’écart à seulement 21 minutes pour un trajet de près de 500 km. En jouant un peu plus avec les chiffres, on pourrait aussi déduire un forfait de quatre minutes par arrêt (qui prend en compte les évolutions dans les aires, les étapes de raccordement,…). Economisant un arrêt, la voiture électrique calée à 110 km/h n’a donc que 17 minutes de retard.
110 km/h | 130 km/h | Diff. 130 vs 110 | |
Temps de roulage | 5h02 | 4h31 | -31 min. |
Temps de recharge | 22 min. | 32 min. | +10 min. |
Total | 5h24 | 5h03 | -21 min. |
Les conducteurs ayant une physiologie différente les uns des autres, chacun jugera de son côté des avantages à rouler à 110 km/h. Cependant, a aucun moment la conduite à ce rythme n’a été lassante ou soporifique. Estimer que rouler à 130 km/h tient plus en éveil semble peu être tenir de l’effet placebo : la quantité d’informations à traiter rapidement pompe de l’énergie sans que l’on puisse s’en rendre compte.
Et c’est la même chose à 110 km/h car, malgré un niveau sonore moins élevé à bord, la conduite n’est pas de tout repos. Et c’est notamment le cas sur les autoroutes à deux voies, où l’on neutralise la voie de gauche en doublant un véhicule plus lent (généralement autour des 90 km/h). Il faut donc constamment regarder dans les rétroviseurs pour ne pas gêner les trains de voitures déboulant derrière à 130 km/h, voire plus… Là se trouve la plus grande difficulté lorsqu’on roule à 110 au lieu de 130 km/h, ce qui n’est ni agréable pour le conducteur, ni pour les autres usagers.
À lire aussiEssai – MG 4 Luxury : les consommations et autonomies mesurées de notre SupertestAu-delà de cet aspect qui ne s’observe que les jours où la circulation est fluide et sur les portions à deux voies, la conduite à 110 km/h peut en revanche s’avérer moins stressante pour ceux qui débutent dans le monde de la mobilité électrique, où qui veulent apprendre à connaître un nouveau modèle. Avec bien moins de variations de consommation, il est plus facile d’estimer l’autonomie de sa voiture électrique et de mieux anticiper les recharges.
Au bout du compte, ce test en conditions réelles montre qu’un lièvre reste un lièvre : si l’écart de près de 20 minutes peut paraître marginal après un trajet de plus de 5 h 00, rouler plus vite permet bel et bien de prendre de l’avance. Et ce même avec une voiture électrique, où la consommation supérieure bloque plus longtemps le véhicule aux bornes. Reste qu’arriver plus vite à destination a un coût : sur une même base tarifaire, nous avons noté une différence de 11,20 € pour un voyage de 500 km. Chacun donnera du sens ou non aux résultats en fonction du critère qui lui semble le plus important.
En revanche, précisons ici que ces conclusions s’appliquent à la MG 4 Luxury et dans les conditions de notre essai : la compacte a présenté des valeurs d’autonomies particulièrement étonnantes sur autoroute et, surtout, sa courbe de recharge a permis de maîtriser les écarts lors des ravitaillements même lorsqu’ils n’ont pas été optimisés. En fonction de la météo, du trafic routier et du véhicule, les résultats peuvent radicalement changer. Les voitures qui mettent le plus de temps à recharger, où qui disposent d’une courbe de recharge moins intéressante pourraient, conditionnel de rigueur, gagner du temps en roulant plus lentement. C’est ce que nous avions estimé avec la Renault Twingo e-Tech. Mais il faut souligner qu’elle se prête bien moins à l’exercice du long voyage que la voiture électrique chinoise.
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