AccueilArticlesPourquoi M6 Turbo se trompe dans son dernier reportage sur le coût de la voiture électrique

Pourquoi M6 Turbo se trompe dans son dernier reportage sur le coût de la voiture électrique

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Capture M6
Capture M6

Après les reportages « vérité » discutables de TF1 qui nous avaient déjà passablement agacés au cours de l’été dernier, complétés ensuite par quelques saillies des économistes maison, c’est désormais M6 qui s’y colle.

L’émission Turbo du 3 novembre s’est donné pour mission de comparer précisément les coûts liés à l’usage de la 208 dans la même finition, avec les mêmes options, mais avec une différence : l’une est hybride et l’autre électrique. Jusque là tout va bien. Mais, si l’intention parait louable, et que les deux journalistes semblent au départ dotés des meilleures intentions d’impartialité dans un reportage tourné à Lyon et dans ses environs, cela se gâte assez rapidement quand il s’agit d’aborder les coûts de recharge de l’électrique.

Les calculs sont pas bons Kevin

Alors que les deux compères expliquent les possibilités de recharge en parking public, avec un prix du kWh aux alentours de 20 à 30 centimes, le  tarif indiqué sur les « superchargeurs », soit les chargeurs haute puissance, parait assez délirant puisque le journaliste indique un tarif de 90 centimes au kWh. Une donnée assez étonnante, voire hors de propos quand on sait que le coût moyen de la recharge sur les bornes haut débit en France se situe plutôt entre 50 et 60 centimes du kWh, voire moins dans certaines stations Tesla en fonction de l’affluence et de la fréquentation (on est parfois à 39 centimes par kWh) ou chez un opérateur comme IE Charge avec ses promotions pouvant descendre régulièrement jusqu’à 25 centimes du kWh. En fait, je ne crois pas que quiconque ait déjà croisé une borne avec un tarif de 0,90 €/kWh. En tout cas cela ne m’est jamais arrivé, ni sur la route, ni dans les nombreuses interviews d’opérateurs de recharge que j’ai faites à ce jour.

Autre incongruité, la recharge à domicile, où les journalistes indiquent un coût moyen entre 10 et 15 euros pour une batterie de 50 kWh avec un tarif de 15 centimes par kWh. Pas besoin de sortir une calculette pour comprendre que les calculs ne sont pas bons Kevin. En effet, 50 x 0,15 € n’a jamais fait 10, et encore moins 15 euros, mais plutôt 7,50 euros.

En conclusion, le reportage indique que le coût de recharge de la 208 électrique pour 720 kilomètres serait de 72,60 € alors qu’un plein de carburant pour la 208 hybride est de 60,40, « soit un surcoût de 12 euros pour l’électrique ».

Refaisons le calcul avec les vrais chiffres. Si l’on recharge chez soi en heures creuses (ce qui est le cas de pratiquement 100% des possesseurs de VE en habitat individuel), le coût pour 50 kWh sera donc de 7,50 euros (ou un petit peu plus avec les pertes). Avec une voiture consommant en moyenne 15 kWh/100 km, on va parcourir 333 km. Pour couvrir 720 km, cela coûtera donc en réalité 16,21 euros. On est bien loin des 72,60 euros, n’est-ce pas ?

Si l’on refait le même calcul avec des recharges sur des superchargeurs à 59 centimes du kWh, le coût de la recharge sera de 29,50 euros. Pour couvrir 720 km, le prix sera donc de 63,78 euros. Certes, si l’on reprend le calcul de M6 par rapport à l’hybride, on est un peu au-dessus, mais cela se joue dans un mouchoir de poche. Si ce cas de figure est appelé à se reproduire fréquemment et que l’on est un gros rouleur, même avec une borne de recharge à domicile, il vaut mieux alors souscrire un abonnement à un opérateur de recharge de façon à bénéficier d’un coût au kWh bien inférieur, situé généralement entre 20 et 30 centimes du kWh.

Reste le cas des résidents en habitat collectif sans possibilité de recharge à domicile, qui reste effectivement problématique, et qui concerne encore près de la moitié de la population. Pour ces derniers, prendre un abonnement à un opérateur peut également représenter une bonne solution, en attendant de pouvoir faire valoir son droit à la prise. L’autre solution étant de souscrire un abonnement à un parking public de proximité avec bornes de recharge.

Bref, il n’est ni très fair-play ni très professionnel d’utiliser des données biaisées, erronées, voire, pire, inexistantes pour établir un bilan comparatif.

« Je préfère la liberté, donc je prends le thermique »

Cela étant, pour être complets, rendons grâce à M6 de ne pas avoir fait l’impasse sur le coût total d’utilisation, qui reste largement en faveur de l’électrique, notamment en termes d’entretien, jusqu’à deux fois moins cher et deux fois moins fréquent selon leur propres termes, à moduler évidemment selon la politique des constructeurs à cet égard.

Alors, le reportage de M6 est-il vraiment et délibérément à charge contre le VE ? Clairement, non. Soyons indulgents, même si l’on sent du départ un léger parti pris en faveur du thermique (ou de l’hybride, c’est pareil), il y a un vrai effort pédagogique des présentateurs, qui semblent quand même assez bien connaître le sujet, et ont essayé d’être relativement exhaustifs, dans la mesure de ce que ce format permet. Mais cette accumulation de petites erreurs de calculs empilées au doigt mouillé a pour effet de laisser penser au public profane que l’électrique ne représente pas une alternative économique intéressante en regard des contraintes – réelles ou imaginaires – qu’il impose. Ajoutez à cela l’effet d’amplification lié à l’autorité d’un grand média, et le résultat dans l’esprit des novices peut être désastreux.

Allez messieurs, encore un petit effort, on y est presque. Et non, même si vous « choisissez le thermique parce que vous préférez la liberté », l’hybride n’est pas vraiment la solution. Nous y reviendrons la semaine prochaine.

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