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Sans remettre en cause l’intérêt du développement des véhicules branchés, l’Organisation des Nations Unies (ONU) n’hésite pas à alerter quant aux problèmes majeurs entourant la production de batteries lithium-ion.
Dans son rapport de presque 75 pages intitulés « Coup d’œil sur les produits de base : Numéro spécial sur les matières premières stratégiques des batteries », la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) alerte quand à la concentration des matériaux dans un petit nombre de pays. Parmi eux, le Chili et la République démocratique du Congo (RDC) qui sont bien loin de constituer des exemples positifs en matière d’impacts environnementaux et de droits sociaux.
L’ONU met en perspective ces problèmes avec ses projections de développement des voitures rechargeables : 23 millions d’unités nouvellement lancées sur les routes dans les 10 ans. Estimé actuellement à 7 milliards de dollars (6,22 milliards d’euros), le marché des batteries dédiées à la mobilité électrique devrait atteindre 58 milliards de dollars (51,5 milliards d’euros) d’ici 2024. Voilà pourquoi l’organisation appelle à ce que les problèmes entourant la production de ces accumulateurs soient réglés au plus vite.
Avant de détailler les problèmes causés par la production des batteries, la CNUCED tient à rappeler en quoi ces dernières sont indispensables dans la lutte contre le dérèglement climatique : « Elles sont susceptibles de contribuer de manière significative à l’atténuation des émissions liées au transport ».
L’organisme se souvient qu’en 2010 ce secteur était responsable de 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il avertit, qu’en volume, ces rejets pourraient quasiment doubler d’ici 2050 « en raison de l’augmentation de la demande de transport par habitant dans les économies en développement et émergentes ».
La CNUCED justifie l’exploitation des batteries lithium-ion, face aux autres technologies, du fait de leurs performances plus élevées et toujours en amélioration : densité énergétique, capacité de stockage, puissance, plus grand nombre de cycles de recharge/décharge, vitesse de régénération.
En outre les processus et coûts de production devraient s’alléger, et les chimies se diversifier. Le tout rend ces accumulateurs durablement séduisants auprès des constructeurs de véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Actuellement, et pour encore longtemps, ce sont les modèles à cathode NMC sur lesquels les chercheurs s’activent le plus. Comme leur nom l’indique, outre le lithium, elles contiennent du nickel, du manganèse et du cobalt. Tout en diminuant en particulier la part de ce dernier élément, les cellules NMC ont gagné en durée de vie. A l’anode, du graphite, naturel ou artificiel.
Entre 2018 et 2027, la part de marché évaluée par la CNUCED, pour l’emploi de cette technologie de batterie dans les véhicules électriques, passerait de à 28 à 63%.
Les ressources terrestres mondiales de cobalt sont estimées à environ 25 millions de tonnes, dans différents gisements. Cet élément est associé au cuivre dans des sédiments (RDC et Zambie), au nickel (Australie et dans les pays insulaires voisins ainsi qu’à Cuba), au sulfure de nickel-cuivre (Australie, Canada, Russie, Etats-Unis).
Avant l’Australie et Cuba, c’est en RDC que se trouvent les plus importantes réserves de cobalt. Ce qui explique que ce pays fournit 66% des besoins mondiaux pour cet élément, dont 20% proviennent de mines artisanales où le travail des enfants et la violation des droits de l’homme ont été identifiés.
« On estime que jusqu’à 40.000 enfants travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses, avec un équipement de sécurité inadéquat, pour très peu d’argent, dans les mines du sud du Katanga », souligne la CNUCED. Ces jeunes sont exposés à de multiples risques physiques et à des abus psychologiques. Une situation jugée de plus en plus inacceptable du côté des constructeurs de véhicules électriques et des fabricants de batteries, avec une sortie programmée en 2025 par le gouvernement de RDC.
En outre, l’abandon des sites miniers peut être à l’origine de la contamination de l’eau potable par l’acide sulfurique produite naturellement par l’action de l’eau et de l’air sur le soufre contenu dans les minéraux. L’uranium présent dans la roche est la cause de problèmes de santé et de malformations congénitales.
Les 2 formes d’extraction (roche et saumure) du lithium posent également des problèmes sociaux et environnementaux. « Par exemple, les communautés autochtones qui vivent dans la région andine du Chili, de la Bolivie et de l’Argentine (qui détient plus de la moitié de l’approvisionnement mondial en lithium sous ses marais salants) depuis des siècles doivent lutter avec les mineurs pour accéder aux terres et à l’eau communales », rapporte la CNUCED.
L’industrie en place s’accapare une grande quantité d’eau souterraine, dans une région désertique reconnue comme l’une des plus sèches du monde. Et ce, pour pomper la saumure. Il est question de 1,9 million de litres d’eau employés pour produire une tonne de lithium. « Dans le Salar de Atacama, au Chili, les activités minières ont consommé 65 % de l’eau de la région. Cela a un impact important sur les agriculteurs locaux – qui cultivent du quinoa et des lamas de troupeau – dans une zone où certaines communautés doivent déjà obtenir de l’eau provenant d’ailleurs », révèle l’organisme.
A ceci s’ajoutent la dégradation des écosystèmes, les dommages au paysage, la migration forcée des populations locales, des problèmes de santé (irritation des voies respiratoires par les poussières de lithium, œdème pulmonaire).
L’extraction du graphite est également la cause de libération de poussières et de particules fines dans l’atmosphère du fait de l’usage d’explosifs pour fracturer les roches. Ce phénomène touche dangereusement la santé des communautés installées à proximité des sites concernés. Il a également un impact significatif et néfaste sur la faune et la flore.
Graphite, cobalt et lithium concentrent la grande majorité des inquiétudes soulevées par la production des batteries lithium pour véhicules électriques. Ce qui se traduit aussi par un manque de sécurité au niveau de l’approvisionnement avec des risques élevés de resserrement des marchés, de flambées des prix de ces éléments et au final des tarifs des batteries lithium-ion NMC.
A travers le rapport publié le 28 juin 2020, l’ONU préconise de faciliter les recherches sur les technologies de batterie qui dépendent moins des matières premières critiques tout en permettant de développer encore les performances, notamment en matière de densité énergétique.
Ainsi, par exemple, en employant pour l’anode, au lieu du graphite, du silicium. Cet élément apporte aux cellules lithium-ion, de plus petites tailles, une plus longue durée de vie. Sous forme de silicates, il compose plus de 25% de la croûte terrestre.
Autre option mise en avant par la CNUCED : utiliser des stratégies de surveillance dynamique des cycles des matières premières, depuis l’extraction jusqu’au recyclage, en passant par le raffinage et les divers traitements. Outre des filières devenant plus vertueuses, cette action faciliterait la détection précoce des risques d’approvisionnement. Elle pourrait être associée à la constitution de stocks stratégiques pour gommer les risques de pénuries.
Aujourd’hui des mines seraient condamnées à la fermeture, comme celle de Glencore en RDC, à cause de la présence d’uranium. L’ONU met en avant le travail de chercheurs qui ont mis au point un système d’échange d’ions permettant d’extraire le cobalt de façon vertueuse avec ce type de gisement.
L’organisation plaide également pour la mise en place d’une filière efficace de recyclage fonctionnant selon le principe de l’économie circulaire à l’échelle des pays consommateurs. A la clé : réduction des coûts de production et des impacts sur l’environnement, création de nouvelles entreprises et d’emplois. Le recyclage à haut rendement suppose cependant que les batteries soient conçues en conséquence et qu’une norme en ce sens soit mise en place.
Philippe SCHWOERER
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