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En 2023, la part des électriques dans les immatriculations des véhicules d’entreprise a péniblement atteint la barre des 11 % en France (deux fois moins que pour les particuliers). Les flottes peinent à se convertir. Alors, comment convaincre les professionnels de sauter le pas vers l’électrification ? Nous avons échangé avec deux lecteurs : Nicolas, Fleet Account Manager pour le groupe Louyet en Belgique et Thibault (pseudo), patron d’une PME en Normandie.
Adoptée en 2019, la loi d’orientation des mobilités (LOM) impose un quota de 20 % de véhicules électrifiés aux entreprises dont la flotte dépasse les 100 véhicules, et cela, dès 2024. Mais nous sommes loin du compte. Dans son rapport annuel, Transport & Environnement a analysé les flottes des 3 447 grandes sociétés concernées par la loi. Résultat : la part des électriques n’atteint même pas les 8 %.
Mais la situation pourrait bien évoluer plus vite qu’on ne le pense. En effet, selon le Journal des Flottes, le gouvernement souhaite proposer des mesures pour contribuer au verdissement de l’économie. Et certaines devraient cibler les voitures thermiques. Il y aura le renforcement du malus, mais aussi une évolution des avantages en nature. Une hypothèse est effectivement à l’étude pour favoriser l’électrique.
À lire aussiLe nouveau ministre de l’Industrie veut prendre des mesures pour relancer les ventes de voitures électriquesUn texte de loi dans ce sens pourrait inciter de nombreuses entreprises à sauter le pas. En effet, en s’attaquant aux avantages en nature, l’État veut toucher au portefeuille de l’entreprise et du collaborateur. Selon Stéphane Montagnon, directeur du pôle consulting chez Holson, cela concernerait « entre 1 et 1,2 million de voitures en France ». Il précise que c’est probablement la « meilleure mesure à prendre ».
Reste à connaître le curseur choisi par le gouvernement pour désavantager les thermiques. L’hypothèse la plus probable est que l’augmentation sera significative. Un document de 2023 préconisait de passer de 30 à 60 %. Une telle mesure se traduirait par une réduction du pouvoir d’achat pour les salariés. Mécaniquement, ils pourraient pousser leur employeur à proposer des véhicules de fonction électriques.
En attendant une annonce officielle, nous avons souhaité comprendre pourquoi les entreprises ont encore du mal à se tourner vers l’électrique. Nicolas Gosseye, Fleet Account Manager au sein d’un groupe belge, nous explique que certaines idées reçues ont encore la vie dure. « Malgré l’acceptation plutôt généralisée des entreprises belges, les clichés sur l’autonomie limitée, le temps de recharge et le coût à l’achat perdurent ».
Il constate qu’une problématique persiste : la gestion de la recharge. « Quand le salarié n’a pas la possibilité de recharger à domicile, parce qu’il vit dans un appartement ou dans une maison sans place de parking, c’est plus compliqué », explique-t-il. La Belgique fait pourtant partie des meilleurs élèves en Europe. Environ 70 % des nouvelles immatriculations de véhicules électriques sont des voitures de société.
C’est notamment lié à une fiscalité (très) avantageuse pour les voitures électriques au détriment des voitures thermiques. C’est donc la preuve que cela marche. En Belgique, toutes les entreprises ont le droit à des avantages fiscaux. Et cela, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité. Notre Fleet Account Manager travaille donc avec des petites et moyennes entreprises, mais aussi de grandes multinationales.
Et tous les secteurs sont représentés : tech, finance, construction, santé, etc. Selon Nicolas, la fiscalité est d’ailleurs « la motivation principale pour passer à l’électrique ». Ensuite, il y a le coût d’utilisation (TCO) et seulement pour finir, l’impact écologique. Nicolas pense tout de même que « certaines entreprises choisissent vraiment l’électrique pour réduire l’impact climatique de leurs activités ».
« Passer à la voiture électrique permet aux entreprises de montrer qu’elles adoptent une démarche responsable, une certaine audace et une volonté de s’adapter au changement », ajoute Nicolas. Électrique ou thermique, il constate que le segment des SUV reste le plus prisé. Les berlines électriques arrivent juste derrière, notamment grâce à leurs bonnes performances en termes d’efficience et d’autonomie.
Pour convaincre les entreprises de passer à l’électrique, il faut donc jouer sur la fiscalité, mais est-ce le seul argument ? Nous avons échangé avec Thibault, patron d’une PME à Rouen dans l’immobilier. « Pendant longtemps, je me suis dit que l’électrification de notre flotte était un luxe réservé aux grandes entreprises ». Pourtant, aujourd’hui, son entreprise dispose de six Volkswagen ID.3 et de deux ID.4.
À lire aussiTémoignage – Ce médecin se rend chez ses patients en Tesla Model 3 Performance« En tant que patron d’une petite entreprise, je devais veiller à chaque euro dépensé, et les véhicules électriques me semblaient encore trop chers et peu adaptés à nos besoins. Nos trajets sont assez variés, avec des déplacements dans toute la Normandie, parfois sur de longues distances, et j’avais des doutes sur l’autonomie et les possibilités de recharge pour mes équipes ». Finalement, il a sauté le pas en 2022.
« Cela représente un investissement initial, bien sûr, mais avec les aides de l’État et les économies réalisées sur le long terme, notamment en entretien et en carburant, je pense avoir pris la bonne décision ». Il précise que ses collaborateurs sont très satisfaits de leurs véhicules et que « personne ne reviendrait en arrière ». Au contact de ses clients, il a remarqué que cela pouvait avoir un impact sur l’image de sa société.
« Ce qui a tout changé pour nous, c’est la pression grandissante des enjeux environnementaux et les nouvelles réglementations. On entend parler des ZFE et il se trouve que la ville de Rouen est concernée. Alors j’ai commencé à faire évoluer ma position ». À ce propos, avec Marseille et Strasbourg, Rouen a récemment obtenu une dérogation sur l’interdiction des Crit’Air 3. Celle-ci va être repoussée de deux ans.
Petite précision : tous les collaborateurs de Thibault ont la possibilité de recharger leur voiture électrique à la maison. Et comme le disait Nicolas, c’est ce qui fait toute la différence. Le patron rouennais a fait installer quelques bornes aux abords des bureaux, mais il n’y en a pas assez pour brancher l’ensemble de la flotte. Thibault tient à nous dire que lorsqu’il renouvellera sa flotte, « ce sera encore pour de l’électrique ».
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