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Elle n’a peut-être pas fière allure la Teilhol Citadine lancée en 1974, mais à l’époque, elle aurait très bien pu embarquer nombre de citadins, selon les conseils de L’Action Automobile et Touristique. L’engin a en outre été décliné en versions utilitaire Messagette, et Handicar avec accès par l’arrière du conducteur en fauteuil roulant.
Au mois de mai 2016, nous proposions un article autour de l’essai en 1972 d’une Jarret Porquerolles par le magazine L’Automobile. A sa suite, nous recevions un commentaire de Philippe Lacomblez qui nous indiquait en avoir restaurée une. Contact fut pris, par lequel nous apprenions qu’il avait également remis sur la route une Teilhol Citadine. Le temps a passé, et voilà qu’en visitant un salon de l’automobile ancienne à Rennes, il y a quelques jours, je tombe par hasard sur ce passionné également de moteurs rotatifs, sur le stand dédié au club qui continue à faire vivre cette technologie. Nous convenons d’une interview pour cette semaine. Mais devant la richesse de la documentation qu’il nous a transmise, il est apparu évident de consacrer un article à part entière pour les productions électriques de Raoul Teilhol.
La vie de carrossier de Raoul Teilhol démarre dans le Puy-de-Dôme avec la Seconde Guerre mondiale, d’abord comme salarié, puis à son compte avec un atelier qui commence à se développer une fois le conflit terminé. Il fabrique des remorques, puis se met à habiller des châssis Renault d’utilitaires plus ou moins lourds pour des besoins particuliers. L’arrivée du polyester chez Teilhol est consécutif à un coup dur qui a bien failli faire disparaître l’entreprise : le départ des tôliers vers une autre industrie.
A cette époque, on commençait tout juste à parler du polyester pour différentes applications. Nous sommes à la fin des années 1950. Raoul Teilhol joue son va-tout en envoyant un de ses collaborateurs en formation. Dès le retour de ce dernier, il prouve au dirigeant que l’exploitation du polyester va permettre de faire rebondir l’activité de l’entreprise. Et c’est Renault qui va lui offrir une belle opportunité de le faire, en lui confiant la réalisation du module pour les toit surélevés des fourgons Estafette.
Le polyester va permettre à Raoul Teilhol de diversifier encore davantage ses modèles sur-mesure ou en série. Il va, par exemple, appliquer cette technologie à des caravanes. A la fin des années 1960, il va proposer à Renault de réaliser une concurrente de la Méhari sur la base de celle que le public appelle déjà la « 4 L ».
L’aventure de la famille des Rodeo commence : Rodeo 4 sur base Renault 4, puis Rodeo 6 avec la Renault 6, et enfin Rodeo 5 sur base de la nouvelle citadine. Avec elles, une nouvelle usine ouvre à Arlanc, toujours dans le Puy-de-Dôme, à 50 kilomètres du site principal de Courpières. Quel rapport avec la citadine électrique ? Le polyester, justement, qui va permettre de réaliser une carrosserie insensible aux ultra-violets qui saura traverser les années à l’abri de la corrosion, arrimée à un châssis tubulaire soudé. En outre, la petite branchée arrive dans les projets de Raoul Teilhol à la même époque que la Rodeo 4. Un premier prototype est présenté à l’été 1972.
Philippe Lacomblez est incollable sur l’histoire de la Teilhol Citadine. Il aime à parler de la genèse de l’engin, partie d’une anecdote : la perte du permis de conduire en 1972 par Raoul Teilhol, passionné de vitesse. Cette mésaventure aura eu pour effet de faire dire au dirigeant, à destination du préfet de son département, qu’il continuerait à conduite avec une voiture sans permis, originale et de sa conception. Autour du berceau de cette idée : Robert Broyer, styliste chez Renault, à l’époque déjà responsable des lignes de la R12 avec laquelle la Citadine partagera un même prix de vente (environ 22.000 francs TTC en septembre 1977). EDF est mis sur le coup, et une nouvelle usine, géographiquement située entre celles de Courpières et d’Arlanc, est construite pour produire les Citadine et Messagette électriques.
Philippe Lacomblez n’hésite pas à dire que ces engins ont été inspirés par l’Isetta, pour la face avant ouvrante qui permet l’accès à bord. Mais à la différence près que cette partie se lève sur la Teilhol, plutôt que de faire un mouvement transversal, en faisant basculer au passage le volant. L’avantage qu’il y voit : pouvoir se garer face à un trottoir, ce qu’autorise la longueur de l’engin. Si cette dernière est de 2,12 m (contre 1,38 m pour la largeur, et 1,55 m pour la hauteur), en jouant avec le porte-à-faux avant, l’encombrement sur la largeur d’une place de stationnement n’est plus que de 1,69 m, soit 4 centimètres de moins que la bouille d’une Renault Zoé. A l’arrière de la Citadine : un hayon. Sur chacun des côtés : une vitre coulissante.
Le Quick Drop : c’était cette technologie prometteuse de remplacement en quelques minutes du pack des Renault Fluence. Finalement, les Teilhol électriques disposaient d’un système encore plus judicieux, via une ouverture latérale qui permettait de retirer et réinstaller une nouvelle batterie plomb 280 Ah avec un simple chariot à roulettes.
Si rien n’indique dans l’histoire de l’entreprise qu’un réseau était prévu pour faire l’échange minute des accumulateurs afin de voyager à moyenne distance, les professionnels exploitant des messagettes avaient la possibilité, avec 2 packs en rotation, de s’affranchir de 8 heures d’attente consacrées à la recharge. Le tunnel recevant le pack de 8 blocs 12 V 100-110 A (275 kilos), réalisé en une seule pièce avec le plancher, était conçu pour isoler les occupants des émanations ou projections d’acide lors des recharges ou d’un choc du véhicule.
En version conduite intérieure (600 kilos en ordre de marche + 250 kilos de charge utile) ou utilitaire (400 + 450 kilos), les Teilhol électriques disposaient d’une banquette avant démontable pour 2 personnes. Amortie par une suspension pneumatique, l’unique roue arrière assure la propulsion de ces engins. Celles à l’avant sont directrices. Toutes les 3 sont équipées d’un système de frein hydraulique à assistance électrique.
« Petite, économique, c’est la ‘Citadine’ par excellence. Propre, silencieuse, elle est appelée à un bel avenir. Conçue pour apaiser le bruit et la fureur de la circulation urbaine, c’est la voiture anti-pollution. Essayez-la plutôt ! », invite la documentation d’époque. Les intéressés pouvaient contacter les établissements Teilhol au « 73/94.00.50 », un numéro qui a bien sûr évolué avec les années, mais qui ne répond plus depuis le début de la décennie 1990, suite à la faillite de l’entreprise.
Le pack batterie de la citadine, qui autorise une autonomie comprise entre 75 et 100 kilomètres, alimente un moteur électrique Unelec ou Leroy-Somer de 4 kW sous 96 V en courant continu avec excitation séparée, piloté par un variateur électronique à thyristor. L’ensemble emporte le véhicule à 50 km/h, – sa vitesse maximum -, en 10 secondes.
La documentation de l’époque indique le scénario à respecter pour démarrer une Teilhol électrique, après s’être assuré que le cordon de recharge n’est pas branché, et que le sélecteur de sens de marche est en position arrêt : « Introduire et tourner la clé de contact. Le voyant rouge doit s’allumer. Mettre le contacteur de sens de marche en position ‘Avant’ ou ‘Arrière’. Le voyant rouge s’éteint et le voyant orange s’allume. Enlever le frein à main et appuyer progressivement sur la pédale d’accélérateur ».
Pas plus compliqué que sur les voitures électriques actuelles ! Instable sur ses 3 roues la Citadine ? Ce n’est pas l’avis de Philippe Lacomblez qui assure qu’avec les batteries positionnées de façon assez basse, entre l’essieu avant et la roue arrière, l’engin dispose d’une bonne stabilité qui la préserve de basculer dans un virage. Il avertit cependant qu’un freinage trop brutal peut entraîner le soulèvement de la voiture par l’arrière.
En novembre 1974, le magazine L’Action Automobile et Touristique rendait son verdict sur la citadine de Teilhol, au moyen de ces appréciations : « Première fois qu’un véhicule électrique est vendu au public » ; « Un léger bruissement qui n’est pas sans rappeler celui du métro » ; « Cette absence de bruit à l’arrêt dans les embouteillages est particulièrement déroutant au début », « Premiers prototypes à plein rendement (60 km/h) aussi bruyants qu’une Fiat 126 » ; « Les accélérations sont assez franches, la direction très douce, la visibilité avant parfaite, l’habitabilité très suffisante pour deux personnes dans un confort acceptable » ; « Elle roule avec une autonomie somme toute suffisante pour ceux qui font le même trajet tous les jours, domicile-travail ». L’article modère le prix d’achat élevé en proposant aux lecteurs de faire par eux-mêmes leurs calculs, avec, pour base : 1,20 franc d’électricité aux 70 kilomètres, contre 15 francs d’essence pour la même distance. Conclusion de l’auteur essayeur : « L’époque s’y prête ! ».
Pour construire ses voitures électriques, Raoul Teilhol n’est pas partie d’une page complètement blanche, en dehors de la structure. Le train avant, par exemple, est repris de la Fiat 500, dont on retrouve également les enjoliveurs, le volant (sauf le cache central qui permet d’activer l’avertisseur sonore) et les manettes installées sur la colonne de direction.
Les optiques de phare, il faut les chercher chez Renault (Estafette, Dauphine, R4, R8, R10). Environ 500 exemplaires de Teilhol électriques ont été produits, entre 1974 et 1986. C’est finalement très peu : un peu plus de 40 unités par an en moyenne ! A comparer aux 100.000 Rodeo 4, 6 et 5.
Plusieurs carrosseries (fourgon, plateau nu, benne, etc.) avaient été imaginées pour les Messagette, principalement écoulées auprès de grandes entreprises comme EDF ou Air France. Les documents de l’époque indiquent que la Messagette, sauf option, pèse 200 kilos de moins sur la balance, à porter au crédit de la charge utile. Une performance en partie obtenue par un pack plus limité : 4 batteries 12 V 88 Ah (114 kilos). L’autonomie reste la même, mais pour une vitesse maximale limitée à 25 km/h.
Un détail qui peut prêter à sourire : l’engin est conçu pour pouvoir tracter une remorque, ce que ne permettent pas les voitures électriques actuelles dans leur majorité. Des versions réservées à un usage en sites fermés figuraient au catalogue. Elles étaient destinées à équiper les terrains de golf, usines, ports, parcs, etc.
Ellectra Kimsi : C’est ce quadricycle électrique qui était assemblé en Vendée il y a une poignée d’années, à destination des personnes handicapées. Son concept rappelle beaucoup celui de la Teilhol Handicar : Un essieu arrière qui s’abaisse pour permettre l’accès à bord par derrière (ouverture de la porte électrique) avec un fauteuil roulant qui, lorsqu’il est solidarisé avec la structure du véhicule, devient le siège du conducteur. L’ancienne électrique dispose, pour ce modèle, de 4 roues, contrairement aux Citadine et Messagette. Un strapontin permet d’embarquer un deuxième passager.
Automobile Propre et moi-même remercions vivement Philippe Lacomblez qui nous a ouvert sa très grande richesse documentaire concernant les Teilhol électriques. Nous allons lui donner la parole dans un prochain article, où il nous dira tout de sa passion pour les anciens microcars branchés, et des restaurations qu’il a entreprises.
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