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De tous temps, Détroit est le berceau de l’automobile américaine. Mais avec l’arrivée en masse de la mobilité électrique, des nouvelles technologies et des déplacements de demain, la Silicon Valley semble lui voler la vedette. De quoi porter la ville de San Francisco au rang de Motor Town 2.0.
D’aucuns diront que la ville de Détroit est la capitale de l’automobile américaine. Depuis le début du siècle dernier, la mégalopole située au nord des Etats-Unis a donné naissance à tous les plus grands constructeurs automobiles à l’image de Cadillac, Chevrolet, Chrysler, Ford ou Pontiac. Mais Détroit n’est pas qu’une énorme zone industrielle où les fabricants ont décidé d’implanter leur usine. Elle abrite aussi une très large partie de l’ingénierie mécanique aux USA, ainsi que l’antenne locale d’une poignée de constructeurs étrangers, dont PSA ou Michelin.
Après des années fastes, la ville surnommée Motor Town (et qui a donné son nom à au label musical Motown) s’est inclinée face à la mondialisation naissante quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La fermeture de l’usine Packard en 1958 a entrainée dans son sillage le déclin de Détroit, qui a fini par sombrer. Fermetures après fermetures, crises après crises, la mégalopole a perdu de sa superbe au point de demander, en 2013, sa mise en faillite avec une dette de plus de 18 milliards de dollars.
Si la ville reprend son souffle peu à peu après cette triste période, la Silicon Valley, au sud de San Francisco, a depuis longtemps adopté une courbe inverse. Située sous les palmiers de la Californie, cette zone a fait des nouvelles technologies sa force depuis les années 70. Elle a été une pépinière pour de nombreuses entreprises implantées dans le segment de l’électronique ou de l’informatique. Adobe, Apple, Hewlett-Packard ou même Intel ont vu le jour dans le City by the Bay. Avec l’arrivée du phénomène 2.0, d’autres start-up comme Facebook, Google ou eBay ont fait de la Silicon Valley leur fief.
Elon Musk s’est aussi installé sur ce bout de terre fertile pour les start-up afin de développer sa vision novatrice de l’automobile avec Tesla. Reposant sur les techniques de communications et de commercialisations directement empruntées aux sociétés du numérique, la marque américaine ne pouvait pas faire un meilleur choix que la Silicon Valley pour mettre sur roues les voitures de demain, toujours plus connectées et autonomes.
En faisant le choix de tourner le dos à l’historique capitale américaine de la mécanique, Tesla a inauguré un nouveau chapitre en devenant le premier constructeur automobile à s’installer en périphérie de San Francisco. Elle a ainsi ouvert une nouvelle voie permettant à d’autres constructeurs de venir s’y implanter. C’est le cas notamment de Lucid Motors (dont l’arrivée de la berline Air entièrement autonome est imminente), qui a choisi Newark, de l’autre côté de la baie, comme QG.
Mais les constructeurs historiques lorgnent aussi la Silicon Valley pour le développement de leur voiture et notamment les Big Three que sont FCA, Ford et General Motors. Car ces grands groupes entrent peu à peu dans la danse des voitures électriques et bardées de technologies. Et malgré leur puissance industrielle, leur fragilité ne leur permet pas d’accéder totalement aux technologies, à moins de se rapprocher des entités déjà établies qui, elles, n’ont pas à supporter un lourd investissement dans des usines. Un échange de bons procédés donc et il n’est ainsi pas rare de voir des entreprises comme Apple, Microsoft ou Nvidia, toutes installées dans la Silicon Valley, fournir leur expertise aux fabricants automobiles. A l’inverse, Chrysler s’est rapproché de Waymo en fournissant des Pacifica pour le développement des voitures autonomes, et d’autres marques ont formé des unions entre ces deux mondes, à l’image de Ford avec Google.
Ainsi, les grandes marques américaines ont pour la plupart déménagé tout ou partie de leur centre de recherche et de développement dans la Silicon Valley, séduits par la réactivité de la région et la proximité géographique avec leurs partenaires. Ces mêmes entreprises impliquées à leur manière dans le segment de l’automobile, à l’image de Lyft ou d’Uber (qui a notamment utilisé une flotte de Volvo XC90 autonome), mais aussi du géant de la recherche sur internet : suivant les traces de Cupertino, Google s’est longuement intéressé à la voiture avec son projet de Google Car. Il est alors assez courant de voir évoluer dans les rues chics de la Silicon Valley et de San Francisco des prototypes de voitures autonomes et ultra-connectées de toutes les marques.
En revanche, la Silicon Valley avoue vite ses limites face à Détroit à ses heures de gloire. Du fait de la disposition géographique et de la densité existante, aucune usine automobile ne poussera au sud de San Francisco, et ce malgré la demande de nombreuses marques souhaitant faire naître d’énormes campus très à la mode. Ainsi, à l’image des Gigafactory de Tesla ou de Waymo qui est retourné à Détroit sa production, la fabrication des ces automobiles américaines sera toujours délocalisée en dehors de la Silicon Valley, voir même des Etats-Unis.
Quant à son salon annuel, il ne fera sans doute jamais de l’ombre au rendez-vous automobile de Détroit, l’une des plus grandes messes de l’automobile au monde. Mais qui parle de futur, parle forcément de nouveaux modes de présentation. Avec la sérieuse perte de vitesse des salons traditionnels, les constructeurs ont saisi le potentiel médiatique (et financier) des présentations individuelles et, c’est d’actualité, dématérialisées. Si Ford n’a pas fait le choix de la Silicon Valley pour lancer le Mustang Mach-E (le pied de nez à Tesla dans la ville d’Hawthorne était sans doute plus fort), le choix de la Californie a été tout à fait logique : un lever de rideaux dans le Michigan aurait évoqué le passé de la marque, en surface incohérente avec l’image inédite et futuriste du premier SUV électrique de la marque à l’Ovale Bleu.
Le sud de San Francisco se montre plus que jamais comme la nouvelle Motor Town. Ou comme la Electric Motor Town : délaissant les pistons, injecteurs et autre pompes à essence au profit d’unités électriques, de connectivités et de conduite autonome, les voitures américaines de demain seront originaires de la capitale du circuit imprimé, laissant derrière elles la ville de Détroit et plus d’un siècle d’automobiles thermiques et analogiques.
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