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Salon de Shanghai 2025 : un rendez-vous sous haute tension

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Après un salon de New-York à l’ambiance mitigée, c’est au tour de la Chine de s’exprimer avec le salon de Shanghai. Le ton est confiant, et les inquiétudes dissimulées.

Sur fond de guerre économique, le Salon de New-York s’est déroulé dans un climat tendu. Dominés par les fabricants coréens et japonais, les Américains sont restés timides, alors que les marques chinoises étaient aux abonnés absents. Après cette triste fête de l’automobile, c’est au tour de Shanghai de donner la réplique, avec un salon au gigantisme à la hauteur du premier marché automobile du monde. Une occasion pour montrer la puissance des fabricants locaux ? Pas vraiment.

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Pourtant, c’est ce que l’on pouvait croire dès l’une des premières conférences de presse du Groupe BYD, qui s’est apparentée à une déclaration de supériorité. Sur scène, la marque n’a pas fait dans la demi-mesure : volumétrie intérieure exprimée en m³, comparaisons avec des wagons, champ lexical hérité du monde du luxe,… Rien n’est trop gros, rien n’est trop cher pour Yangwang, qui a présenté le U8L, un SUV qui s’étire sur 5,4 m entre le logo avant en or 24 carats à la poupe dépourvue de roue de secours. Cette surenchère n’est pas anodine. Elle symbolise une Chine qui n’a plus à prouver sa maîtrise technique ni son ambition ou sa position sur l’échiquier mondial. Et, ce malgré les menaces économiques de plus en plus pesantes.

Même chose avec le stand BYD qui, à lui seul, a réussi à monopoliser l’attention de la très grande majorité des visiteurs au moment de sa conférence de presse, conclue par six levées de voile. BYD n’était pas le seul à attirer le regard des visiteurs sur ce salon de Shanghai qui cumule, lui aussi, les superlatifs : 1 000 exposants, dont 150 ayant réservé une conférence, se sont partagés les 12 pavillons pleins à craquer, et ce, afin de présenter pas moins de 100 nouveautés ! Impressionnant, de nos yeux d’Européens, désormais habitués à une actualité nettement moins riche. Sans surprise, ce sont les constructeurs maison qui mènent la danse. Et si les concurrents, surtout allemands et japonais, n’hésitent pas à s’exprimer, ils n’attirent pas autant les foules sur leurs stands.

Les marques allemandes veulent séduire

Pourtant, ces derniers font de nombreux efforts pour s’adapter au marché. Toyota, Honda et Mazda, associées à leurs partenaires locaux respectifs, ont présenté un large panel de voitures électriques spécifiques au marché chinois. Même chose du côté des rares exposants américains comme Buick, Chevrolet ou Ford. Du côté des Allemands, la stratégie était bien différente. Essentiellement avec BMW et Mercedes, qui ont présenté sur leur stand des modèles déjà connus chez nous, mais principalement de nouvelles plateformes aussi pensées en amont pour mieux s’adapter à l’Empire du Milieu.

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Le Groupe Volkswagen préféré prendre une trajectoire différente avec pas moins de cinq stands. D’un côté, on retrouvait les marques telles qu’on les connaît, et d’une autre, plus loin dans le parc des expositions, des stands tenus par le partenaire SAIC pour y présenter quasiment les mêmes modèles. Une « différenciation » qui semble vouloir rappeler qui mène la danse, et sans doute redorer l’image auprès des clients davantage tournés vers les marques locales. Cependant, les stands officiels n’ont pas présenté de visions globales pour autant. On y retrouvait une foule de modèles de série réservés aux Chinois, inconnus au bataillon chez nous. Et c’est surtout ici qu’ont été posées les premières pierres de l’explicite stratégie « in China, for China ». Un slogan qui prête à sourire, quand Chery, de son côté, scande sur son stand « in China, for Global ».

Chez Volkswagen, on pouvait donc y découvrir les premiers concepts pensés pour une clientèle chinoise toujours plus connectée. Des projets, certes, mais qui continueront de porter le badge d’une marque qui comptait il n’y a pas si longtemps parmi les plus diffusées dans l’Empire du Milieu. Au contraire d’Audi, ou plutôt des marques Audi : en Chine, Ingolstadt a fait le choix de se scinder en deux, avec Audi « 4 anneaux » et Audi « 4 lettres », tel qu’identifié sur le plan du salon ! Cette dernière marque ne sortira pas des frontières, et l’étonnante Audi E5 Sportback restera une curiosité locale, au même titre que de nombreuses voitures chinoises.

Des voitures plus connectées, mais moins intelligentes ?

Le faux break fait même le choix d’oublier la Premium Platform Electric (PPE) de la marque aux anneaux, au profit de l’Advanced Digitized Platform (ADP) développée en partenariat avec SAIC, son partenaire local. Une tendance partagée avec tous les autres constructeurs, asiatiques et européens, qui ont fait le déplacement à Shanghai. Les aspects techniques sont survolés, au profit des innovations logicielles. N’allez pas demander quels efforts ont été faits pour atteindre des meilleurs niveaux d’efficience. Ce qui compte, ce sont les innovations trouvées pour rendre les autos toujours plus connectées, intelligentes. Car, si les déclinaisons à empattement allongé sont toujours plébiscitées, le logiciel est devenu plus que jamais le nerf de la guerre. Les marques ne vendent plus seulement des voitures, mais des expériences numériques embarquées, intégrant IA, services connectés et automatisation poussée. C’est désormais ce qui distingue un modèle populaire qui sera vite éliminé, d’un modèle incontournable sur le marché chinois.

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En la matière, c’est BYD qui a attiré toutes les attentions, une fois encore. Car, au milieu de toutes ses nouveautés, la marque chinoise a surtout lancé le système God’s Eye, autrement dit… l’Œil de Dieu. Déjà annoncé il y a quelques semaines, le système de conduite semi-autonome de niveau 2+ (classification marketing non acceptée par la norme SAE) arrive à un moment où le gouvernement chinois met un très sérieux coup de frein à la frénésie collective en matière d’aides à la conduite. L’élément déclencheur : le récent accident d’une Xiaomi SU7, qui a couté la vie à trois personnes malgré les tentatives du conducteur de reprendre le contrôle des béquilles électroniques capricieuses.

Si la marque n’est pas de cet avis, les autorités chinoises ont alors imposé aux constructeurs de calmer le jeu en la matière, et interdit l’utilisation de termes trompeurs comme « conduite autonome » ou « conduite automatique ». Tesla, qui a brillé par son absence au Salon de Shanghai et en perte de vitesse en Chine, a même été contraint de mettre un terme à l’essai gratuit du Full Self-Driving et de le renommer en Intelligent Assisted Drive. Les constructeurs ont donc dû revoir à la hâte leurs discours avec bien plus de modestie. Et voilà qui a sans nul doute poussé Xiaomi à faire profil bas : malgré l’effervescence autour de sa berline électrique, le PDG Lei Jun a décidé de snober la grande messe de l’auto en Chine et de ne pas tenir de conférence de presse.

Suivre pour survivre

Le Salon de Shanghai 2025 n’a pas montré ce que sera la voiture de demain. D’ailleurs, contrairement aux grands salons européens ou japonais souvent centrés sur le concept ou la vision, les constructeurs chinois ne spéculent plus sur l’avenir : ils ont mis en avant des modèles concrets, industrialisables, commercialisables. Mais le rendez-vous a surtout souligné l’émergence d’un nouvel équilibre mondial, dans lequel la Chine veut de plus en plus dicter les normes, les usages et les rythmes de l’innovation automobile, que les autres marques étrangères sont obligées de suivre pour survivre dans un marché devenu ultra-concurrentiel et technologiquement dominé par les acteurs locaux.

Dans ce contexte, la réussite passera moins par la performance mécanique que par la capacité à proposer un écosystème digital intégré, maîtrisé et adapté aux spécificités du marché chinois. Et c,e même si les acteurs locaux, fabricants auto comme fournisseurs de batterie, ont plus que jamais mis le paquet sur la haute tension avec des plateformes spécifiques et des recharges canons. Bref, malgré une ambiance teintée d’incertitudes économiques, le salon de Shanghai n’a pas seulement montré où va l’automobile. Il a surtout révélé qui veut tenir le volant.

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