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Le réseau de bornes de recharge sur autoroutes Corri-Door est-il fiable ? Que vaut la Renault Zoé et sa batterie de 41 kWh sur un trajet de près de 800 kilomètres à vitesse élevée ? Que doit-on encore améliorer pour continuer la démocratisation des véhicules électriques ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons pris la route entre Paris et Marseille via l’A6 et l’A7.
Souvenez-vous, c’était en 2013 : la première version de la Renault Zoé équipée de batteries de 22 kWh venait à peine d’être commercialisée que nous tentions un aller-retour entre la cité Phocéenne et la capitale. Le trajet avait duré quatre jours via les routes nationales. Aucune borne de recharge n’existait à l’époque sur le réseau autoroutier. Quatre ans plus tard, les choses ont beaucoup évolué: il y a désormais plus de 200 stations de charge « rapide » installées sur les aires d’autoroute Françaises et l’autonomie de la Renault Zoé a doublé. Il fallait retenter l’expérience. Nous l’avons fait, à bord d’une Zoé 41 kWh « Edition One Charge Rapide ».
Prévoir les arrêts-recharge est indispensable lors de longs trajets en voiture électrique. S’il y a quelques années la préparation était digne d’une expédition à la Christophe Colomb , ça n’est désormais plus le cas. Il est possible de voyager l’esprit léger en véhicule électrique.
A l’aide de l’application Chargemap qui s’est également améliorée, nous identifions rapidement la première borne sur laquelle nous allons effectuer une première recharge. Elle se situé à 124 kilomètres de Créteil, notre point de départ en banlieue Parisienne. Inutile de planifier les arrêts-recharge sur la totalité de l’itinéraire : il y a une borne tous les 80 kilomètres environ. Pas d’angoisse de panne sèche non plus car plusieurs aires moins éloignées peuvent nous accueillir.
Partis à 8h10 du matin, en pleine heure de pointe, le trafic est complètement saturé sur une vingtaine de kilomètres avant de gagner l’A6, fluide. La Zoé est chargée à 89% et indique une autonomie de plus de 200 kilomètres. Nous plaçons alors le régulateur de vitesse à 120 km/h.
« Le réseau Corri-Door, c’est 200 bornes de recharge rapide réparties tous les 80km qui vous permettent de vous recharger en 20 à 30 minutes, le temps d’une pause café », « Corri-Door, c’est aussi un engagement : […] une technologie de pointe ». Avec un tel argumentaire et même un « engagement », fièrement affiché sur le site internet de Sodetrel, l’opérateur du réseau Corri-Door, nous avions qu’une hâte : arriver à la première station de recharge pour en prendre plein la vue et faire déferler les kilowatts 100% renouvelables .
Hélas, le rêve d’un puissant fleuve d’électrons propres abreuvant la batterie de notre Zoé est vite brisé. Après avoir activé la borne de l’aire de la Réserve avec un Chargemap Pass, le tableau de bord indique 1h40 de temps de charge. Il reste pourtant 24% de batterie et 51 kilomètre d’autonomie. Pleins d’espoir, nous attendons une éventuelle montée en puissance. Rien n’y fait. Il est 11 heures, nous repartons avec 83% de batterie après avoir rechargé 24,8 kWh en 55 minutes. bien loin des « 20 à 30 minutes » annoncés.
Nous poursuivons sur l’A6, presque déserte, régulateur entre 120 et 130 km/h cette fois-ci. La Zoé n’a aucun mal à filer sur l’autoroute, dépassant plusieurs berlines thermiques qui font le choix de rouler moins vite.
Après 1h15 de route, nous arrivons sur l’aire du Chien-Blanc en se disant que cette fois sera la bonne. Il reste 12% de batterie, 23 kilomètres d’autonomie d’après l’ordinateur de bord de la Zoé. Après un moment d’égarement sur l’aire pour trouver la borne Corri-Door qui n’est indiquée par aucun panneau, comme sur la grande majorité des aires équipées, nous lançons la charge. Et là, c’est la douche froide. 2H10. Oui, 2h10. C’est le temps de recharge estimé par la Zoé sur cette borne « rapide ».
Nous acceptons notre sort et tentons de faire passer le temps dans le bâtiment de service de l’aire. Un déjeuner, puis un passage aux toilettes avant de faire un tour dans la boutique. Sur un présentoir, un sac flanqué d’une message interpelle : « la liberté c’est de n’arriver jamais à l’heure ». Nous repartons à 13h20 après avoir chargé 10,9 kWh en 1h05. La batterie est à 84% et l’autonomie estimée à 154 kilomètres.
C’est reparti, régulateur à 130 km/h. L’autoroute traverse un champ d’éolienne, et c’est probablement le meilleur moment du voyage. Nous filons silencieusement, sans émettre de gaz nocifs pour notre santé et notre environnement grâce à l’énergie de l’eau, du soleil et du vent. Les bornes du réseau Corri-Door sont en effet alimentées par de l’énergie 100% renouvelable. Le mouvement hypnotique des immenses pales qui tournoient avec vigueur sous l’effet d’un vent puissant ce jour-là nous font presque dévier de la voie.
Nous arrivons sur l’aire de Mâcon Saint-Albin à 14h25. Il reste 25% de batterie et 49 km d’autonomie estimée. Les doigts croisés, la charge est lancée. Nouvelle déception, le temps de charge annoncé est toujours supérieur à 1 heure. De plus, nous devons interrompre la charge pour remonter une vitre de la Zoé. Le moteur coupé pendant la charge empêche de manipuler les commandes électriques. Une fois relancée, nous constatons que la puissance délivrée est toujours aussi faible.
A la fois déçus et intrigués, nous appelons Renault, qui nous a prêté le véhicule, pour tenter de comprendre la situation. Un responsable nous assure que la Zoé fournie est bien une version avec chargeur rapide de 43 kW et nous indique que la charge peut parfois être ralentie si la température de la batterie est trop élevée. Ça ne semble pas être le cas puisque le ventilateur, clairement identifiable par le son qu’il produit, n’est pas en marche. De plus, la température extérieure est plutôt froide : 11 degrés.
« Il suffit d’ouvrir une portière pour que ça fasse chuter la charge »
Nous appelons alors l’assistance technique de Sodetrel. L’opérateur, interloqué par les fluctuations de puissance, nous annonce que nous avons chargé « au mieux à 13 kW » sur l’aire précédente, celle de Chien-Blanc. Ici, sur l’aire de Mâcon « vous avez chargé à 34 kW mais ça a chuté ». Même inconstance lors de la toute première recharge sur l’aire de la Réserve « vous avez chargé à 39 kW mais ça n’a pas duré bien longtemps, ça a chuté de-suite ».
Alors que nous lui demandons pourquoi la recharge est si aléatoire, il explique « Il suffit d’ouvrir une portière pour que ça fasse chuter la charge ». Alors que plusieurs autres utilisateurs semblent également souffrir des faibles puissances, l’opérateur assure qu’il va « faire un rapport et envoyer un technicien pour qu’il vienne constater cette borne qui semble en difficulté ».
Problèmes de charge rapide récurrents avec le moteur Q90
La Zoé Q90 que nous utilisons a sans doute une part de responsabilité dans ces fluctuations de puissance. De très nombreux possesseurs affirment en effet ne jamais atteindre les 43 kW promis par Renault. Plusieurs tests ont montré que la recharge ne dépassait pas 37 kW et passait même sous les 22 kW à partir de 60% de batterie… à tel point que l’antenne Autrichienne du constructeur s’est résignée à remplacer la mention « 43 kW » par « 37 kW » sur ses brochures techniques. En France, Renault n’a toujours pas communiqué à ce sujet.
Dépité, nous regardons les autres automobilistes se « recharger » à la station essence à côté. Eux peuvent faire le plein sans se demander si la pompe débitera assez de carburant, s’il restera du pétrole dans les cuves, s’ils auront le bon badge pour payer… Drôle de monde ou ceux qui polluent le moins rencontrent le plus de difficultés.
Après 55 minutes et 24,9 kWh rechargés, nous quittons l’aire de Mâcon à 15h25 avec 84% de batterie.
Nous avons dépassé la moitié de l’itinéraire. Alors que la lassitude et la fatigue surviennent parfois à ce moment du voyage à bord des véhicules thermiques, il n’en est rien avec la Zoé. C’est au moins l’avantage de marquer l’arrêt toutes les heures et demi de route. Aucun engourdissement, aucune crispation des cervicales habituels lors de longs trajets.
A l’approche de Lyon, nous devons désactiver le régulateur de vitesse, placé à 124 km/h. Le trafic est très encombré, parfois à l’arrêt sur la portion d’autoroute traversant la ville. Nous marquons l’arrêt en banlieue Lyonnaise, sur l’aire de de Solaize. Il est 16h45 et il reste 40% de batterie, soit 90 km. La charge est toujours aussi lente : nous patientons 45 minutes pour 19,2 petits kWh. On se résigne. Mieux vaut porter le regard vers Marseille, qui n’est plus très loin. Nous quittons l’aire avec 84% de batterie.
A 130 km/h, le prochain et ultime arrêt-recharge est vite rejoint. Il s’agit de la borne de l’aire de Montélimar-Ouest. Il est 18h53, le soleil est déjà bien bas. Il reste 23% de batterie et 52 km d’autonomie. Aucun cadeau, pas même pour célébrer la dernière recharge avant l’arrivée : le débit est toujours faible. 1H10 sont nécessaires pour récupérer 29,7 kWh. Alors que la nuit est bien tombée et que la lune se lève, nous repartons. Il est 20h05 et nous disposons de 92% de batterie pour boucler les 171 derniers kilomètres.
Le quartier de la Pointe-Rouge, à l’extrême sud de Marseille, est atteint à 21h50. Le temps semble être passé vite, nous avons pourtant mis 13h40 pour relier Paris à Marseille. Pas fatigués, nous consultons le montant facturé des recharges effectuées sur le réseau Corri-Door avec le badge Chargemap Pass. Stupéfaction… le total des recharges nous a coûté 81,84 euros.
Le tarif imposé par l’opérateur Sodetrel est injuste, inadapté et franchement inacceptable. Il facture en effet 1,32 euros pour 5 minutes de recharge aux possesseurs de badges en itinérance comme celui de Chargemap. Outre les écarts de tarifs appliqués aux différents utilisateurs (0,70€/5 minutes pour les abonnés, 1€/5 minutes pour un paiement via l’application ou le site Sodetrel…), il n’est pas du tout adapté à la quantité d’énergie fournie.
Charge lente et tarif inadapté : la double peine
C’est une double peine : non-seulement nous avons doublé notre temps de recharge avec des puissances bien inférieures à celles promises mais nous avons payé deux fois plus cher. Comment construire un argumentaire favorable aux véhicules électriques lorsqu’à trajet égal, ces derniers paient 11 euros de plus leur énergie qu’un véhicule à essence ?
En effet, sur un Paris – Marseille, une Clio essence dont la consommation à 130 km/h est d’environ 6,5 l/100 km consomme 69 euros de carburant (au tarif actuel assez haut) et dispose de l’assurance de pouvoir s’approvisionner n’importe-ou à un débit stable.
Nous avons du débourser plus de 81 euros, alors que le coût réel des 144 kWh consommés sur la totalité du trajet est d’environ 18 euros (tarif EDF « contrat garanti » non-résidentiel avec option électricité renouvelable 36 kVa à 0,125€/kWh HTVA)
STATISTIQUES DU TRAJET | |
Kilomètres parcourus |
775,5 |
Vitesse moyenne (km/h) |
89 |
Consommation moyenne (kWh/100) |
18,6 |
Consommation totale (kWh) |
144 |
Temps de charge |
4 h 50 |
Énergie économisée (kWh) |
6 |
Temps de trajet |
13h40 |
Nous aurions pu diviser par deux le temps de charge si la puissance délivrée par le réseau Corri-Door avait été stable et optimale et que la Zoé avait mieux géré la recharge. En bouclant le Paris – Marseille en 11h15 au lieu de 13h40, la différence avec le temps de parcours des véhicules thermiques (7h30 à 8h) n’aurait pas été si considérable. Un écart qui aurait également pu être comblé par une facture d’énergie deux fois moins élevée. Si les technologies à bord des véhicules électriques et le déploiement des bornes de recharge ont beaucoup évolué en quatre ans, il reste encore beaucoup d’efforts à fournir pour faciliter les grands trajets.
COMPARAISONS | ||
2013 | 2017 | |
Modèle |
Renault Zoé 22 kWh |
Renault Zoé 41 kWh Q90 |
Consommation moyenne (kWh/100) |
13,7 |
18,6 |
Consommation totale (kWh) |
120 |
144 |
Vitesse moyenne (km/h) |
52 |
89 |
Temps de charge cumulé |
6h40 |
4h50 |
Arrêts recharge |
7 |
5 |
Temps de trajet |
16h30 + 1 nuitée |
13h40 |
Kilomètres parcourus |
877 |
775,5 |
Sur autoroutes |
12 % |
96 % |
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