Ces dernières semaines, la Une a enchainé les reportages qui entassent les erreurs et les approximations sur l’électrique. Retrouvez le billet d’humeur de notre râleur en chef.

La bagnole, une passion française. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir la bonne place qu’elle prend dans les JT de TF1. Ce fut encore le cas ce 31 août, avec un reportage au thème sans équivoque : “Voiture électrique : la marche arrière ?”. Dès le lancement, je savais que j’allais tomber de mon canapé.

Le sujet a pris la forme d’un assemblage de séquences, celui recommandé par le manuel du parfait reportage de JT. On fait témoigner un particulier, puis un ou deux experts, le tout entrecoupé d’éléments chiffrés pour contextualiser. Et ici, tout est donc fait pour présenter la voiture électrique sous un angle négatif, en prenant soin de retenir ce qui arrange pour que ce soit dans le bon sens du sujet. 

Le chiffre de ventes mis en avant ? Une baisse européenne de 10,8 % en juillet, sans dire que de janvier à juillet, le marché de l’électrique reste stable (et en hausse en France). Le témoignage de l’expert ? Une pseudo analyse globale du marché à base de poncifs sur le prix élevé des électriques, alors que la guerre des prix est bien lancée sur le segment des modèles familiaux et débute chez les citadines.

Mais le mieux reste le témoignage du particulier. Celui de Véronique, qui vient d’avoir une Volvo EX30 et qui veut déjà s’en débarrasser, à cause de soucis pour recharger. Véronique n’a pas voulu prendre une borne de recharge chez elle, estimant que c’est trop cher. Le chiffre donné par le journaliste ? 1.500 €. Pas totalement faux, mais, chère Véronique, il existe moins cher et un crédit d’impôt… et même de nombreuses marques qui l’offrent à l’achat du véhicule.

Régulièrement, des témoignages sur Automobile Propre montrent quand même qu’on peut rouler à l’électrique sans solution de recharge à domicile. Il faut un peu s’organiser et trouver les bornes à prix raisonnables. Véronique, filmée peu à l’aise devant une borne (on se demande presque si c’est bien sa voiture) aime visiblement aller au plus cher, car elle explique que cela lui coûte 13,07 € pour faire 100 km en électrique, alors que, selon elle, c’était avant 8,59 € avec une essence.

Bon, une électrique rechargée chez soi, on sera plus à 3/4 € pour 100 km. Et puis même, au prix du sans-plomb actuel, faire 100 km avec un véhicule essence équivalent, ce serait plutôt 12 €…

Mais sur TF1, on donne la parole aux Français, on en reste sur l’avis de Véronique. On ne prend pas de recul et d’avis auprès de vrais connaisseurs. Voilà donc un sujet bien orienté assez ridicule. Le souci, c’est que ce n’est pas le premier de l’été. Il y a quelques semaines, pour un 20 Heures, un journaliste de la Une, Sébastien Hembert, a décidé d’organiser un comparatif entre thermique, hybride et électrique, avec une course de Villeneuve-d’Ascq à Etretat. 

Là encore, j’ai deviné la fin avant le lancement du reportage : une grosse galère pour lui, qui a choisi l’électrique et obtenu un temps de parcours nettement supérieur à ses camarades. Le sujet a vite été très commenté sur les réseaux sociaux par les adeptes de la voiture électrique, qui ont rapidement dénoncé les erreurs réalisées avec une telle voiture, voire crié à la manipulation, certaines images trahissant des mises en scène grossières.

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Ce fut d’ailleurs du pain béni pour de nombreux confrères en mal d’actu en plein coeur de l’été. TF1 a allumé la mèche du buzz, beaucoup en ont donc profité pour à leur tour générer du trafic chez eux (et je boucle la boucle donc). Il y a eu les articles pour décrire les erreurs du sujet initial, voire carrément la vidéo Youtube pour refaire le même trajet bien plus rapidement, jusqu’à ceux qui ont cherché à prendre la défense du reporter.

Une partition surprenante pour des journalistes automobiles qui savent assurément que rouler en électrique en 2024 n’est plus une gageure. Est-ce motivé par une envie de générer à leur tour du clic chez eux, en montant carrément les pros électriques contre les anti ?

La défense tient sur un élément : le confrère de la Une s’est mis dans la peau d’un conducteur novice. Une mise en scène qui revient souvent dans les médias non spécialisés en automobile… et qui m’énerve toujours autant. Je me demande si un conducteur lambda, qui n’y connait rien à la voiture électrique, va en prendre une, voire en acheter une, et se lancer comme ça direct dans un grand trajet, sans s’être informé et un peu entrainé.

J’en doute. Bien sûr, l’électrique doit s’apprivoiser, ce qui donne assurément de premiers trajets à son bord mal goupillés. On peut se dire que c’est ce que le reportage de TF1 voulait montrer. Mais face à une bronca en ligne, Sébastien Hembert a fini par reconnaitre que son trajet retour s’était mieux passé, grâce justement à son expérience à l’aller. Souci : il n’en a rien dit à l’antenne.

Ces deux reportages jouent ainsi sur une ligne de crête. On ne peut pas dire que c’est de la fake-news, mais on est assurément dans la mal-information. Par incompétence, angle biaisé assumé ou recherche de buzz, on donne une image très négative de l’électrique, confortant les poncifs dans les esprits de ceux qui pensent du mal et ne changeront pas d’avis.

Si TF1 n’a pas à dire que du bien de l’électrique, un tel média peut rester équilibré. Car j’élargis cette chronique a un autre aspect. Ces reportages servent sur un plateau un aspect qui revient souvient chez les opposants de l’électrique : il n’est pas normal que ce genre de voiture demande un apprentissage. C’est donc la preuve qu’elle n’est pas facile à l’usage. Ce n’est pas au conducteur de s’adapter à la voiture.

Une thermique, on monte dedans et zou, on ne se pose plus de question. Faire le plein dans une station-service la première fois de sa vie ? C’est inné, pas besoin de l’apprendre ! Se tromper de carburant, se retrouver à sec ? Les dépanneurs n’ont jamais vu ça avec des conducteurs de thermique, ces derniers ont toujours su éviter les erreurs sans qu’on leur dise comment !

Evidemment, une électrique, cela va au delà de savoir la brancher. Il faut savoir gérer son autonomie et ses arrêts recharge. Elle demande un peu de formation. Mais est-ce si compliqué et si anormal d’avoir à apprendre face à une nouvelle technologie ? 

Cet été, j’ai emménagé dans une maison neuve, avec un système de chauffage/clim ultra-moderne. Houla, moi je ne savais qu’allumer mes vieux radiateurs électriques, c’était simple, et voilà qu’on me sort un bidule plein de fonctionnalités sur écran tactile. Et bien… j’ai demandé à l’installateur de m’expliquer comme cela fonctionne. Dingue !

Pour en revenir à nos autos, finalement, beaucoup de ceux qui se refusent à un apprentissage de la conduite électrique ont déjà dû faire face à une révolution technologique, avec écrans tactiles et assistances à la conduite partout. J’imagine qu’un bon vendeur leur a expliqué cela à la livraison.

Il en est de même avec une électrique, souvent équipée d’un équipement dédié : un planificateur d’itinéraire, qui conseille les bons arrêts recharge. Et avant de hurler à la complication de l’électrique, ne vous faites pas plus bête que vous êtes, par pure mauvaise foi face au changement : vous savez vous servir d’un GPS ? Et bien c’est la même chose, ça va avec.

Un équipement que TF1 a d’ailleurs totalement omis dans sa course jusqu’à Etretat. Encore une mal-information, et qui aurait surement donné un tout autre reportage s’il avait été utilisé, alors que le GPS l’a surement été. Mais peut-être avec un résultat qui arrange moins pour le buzz ?