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Les réseaux de recharge se multiplient, à la plus grande satisfaction des électromobilistes. Mais l’autonomie des voitures électriques est-elle réellement la question à régler en priorité ?
Lorsque je roulais fréquemment (voire exclusivement) à moto, les divers engins que j’ai eu la chance de posséder ou de piloter étaient loin d’être des chameaux puisque généralement leur consommation se situait entre 5 et 8 litres aux 100 km et que leur réservoir contenait entre 11 (oui !) et 20 litres de carburant, réserve incluse.
Vous êtes rompus aux calculs d’autonomie en kWh, mais je suis sûr qu’il ne vous sera pas très difficile de trouver le rayon d’action des motos en question : entre 220 et 250 kilomètres dans le meilleur des cas, sans trop essorer la poignée, et si possible vent dans le dos.
Une autonomie un peu riquiqui, donc, puisque équivalente sinon inférieure à celle de nombreuses voitures électriques actuelles. Et pourtant cela n’a jamais posé l’ombre d’un problème. Y compris à l’occasion de roadtrips au long cours tels que nous les pratiquions à l’époque en mode horde sauvage, pour nous rendre en Corse, en Italie, en Angleterre ou n’importe où ailleurs en Europe. Je me souviens même d’un périple de feu de plus de 3 500 kilomètres dans l’Ouest américain avec des Suzuki Intruder (tout petit réservoir aussi – 13 litres – comme c’est la règle sur ce genre de chopper) où la « recharge » en essence ne posa jamais l’ombre du début d’une question, même au fin fond de l’Arizona. Bon parfois c’était un peu chaud, mais on finissait toujours par trouver un truck stop au milieu de nulle part pour refaire les niveaux.
Pourquoi ? Vous l’avez : parce que l’infrastructure était là pour nous sécuriser et nous rassurer. En gros – et c’est encore le cas aujourd’hui, même si le nombre de stations-service en France (et probablement en Europe) a été divisé par 4 depuis 1980 – nous étions et nous sommes encore certains de trouver une pompe à essence dès que nous en avons besoin, partout, n’importe où. D’autre part nous sommes certains qu’elle fonctionnera et que nous pourrons faire le plein en quelques minutes. Enfin, nous savons que nous pourrons payer celui-ci facilement, avec notre carte de crédit ou en liquide.
Ce qui donne une équation à quatre variables.
Du coup, sans vouloir relancer une énième fois le sujet du rayon d’action des véhicules électriques en mode la poule ou l’œuf, il m’apparaît comme de plus en plus évident que la question est avant tout une question d’infrastructure (les points de recharge), avant d’être une question de technologie (les batteries et leur gestion). Tesla l’a bien compris, même si la marque californienne joue sur les deux tableaux, technologie et infrastructure. Dans le même mouvement, le consortium européen Ionity lui emboîte le pas avec pour objectif de rattraper rapidement son retard, ce qu’il est en train de faire avec 70 stations en France à ce jour.
Pour faire simple, imaginons que nous disposions d’un réseau de chargeurs aussi dense et facile à utiliser que le réseau actuel de stations-service. Dans ce contexte, posséder une voiture qui ne propose que 250 à 300 kilomètres d’autonomie serait-il un problème ? Il me semble que non. Juste, au pire, un petit désagrément de devoir s’arrêter toutes les deux ou trois heures pour recharger, ce qui finalement tombe assez bien puisque la recommandation de sécurité et de confort est de faire une pause toutes les deux heures. Alors bien sûr, nous rêvons tous d’une voiture électrique avec 700 voire 1 000 km d’autonomie (ou au moins 500 km réels à 130), mais est-ce vraiment indispensable ?
Pas sûr. Cette approche permettrait alors aux constructeurs de se concentrer sur la vitesse de recharge avec des batteries plus petites, donc moins lourdes, donc plus eco-friendly, et aux opérateurs de recharge de s’occuper de leur réseau afin de le rendre aussi dense, fiable et facile à utiliser que l’est une vulgaire pompe à essence depuis les années 30.
Idyllique, n’est-ce pas ? C’est sans compter malheureusement avec la propension du marché à compliquer ce qui pourrait être très simple en vue d’attraper le client, de l’enfermer dans un système propriétaire, et de le garder contre son gré. En cela, les opérateurs de recharge fonctionnent encore avec des réflexes du passé, face à une clientèle qui est pourtant en quête de comportements commerciaux modernes, comme ceux qui consisteraient à rendre les choses ouvertes, interopérables, et surtout à laisser le client libre de ses choix, ce qui au final s’avère toujours payant pour toutes les parties en présence.
C’est peut-être là que doit intervenir le politique, dont le rôle consisterait à promouvoir un standard et à harmoniser le marché sans pour autant tomber dans un interventionnisme contreproductif. Cela semble sur la bonne voie avec notamment le standard CCS, mais cela prend du temps.
Résumons : dans un monde idéal, les constructeurs optimisent, les opérateurs déploient, et les gouvernements harmonisent. Et peut-être qu’on ne parlera plus jamais d’autonomie ?
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