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La version à grande autonomie de l’emblématique Nissan Leaf est-elle capable de boucler un long trajet sur autoroute ? Pour le savoir, nous avons réalisé un Paris – Marseille estival en rechargeant sur le réseau Corri-Door d’Izivia. Un banc d’essai grandeur nature pour tester les performances des voitures électriques sur longue distance, en dehors de leur cadre d’utilisation habituel. Après les Renault Zoé 22 et 41 kWh puis le Hyundai Kona 64 kWh, c’est au tour de la Nissan Leaf e+ de s’y coller.
Un nouveau modèle est entré ce printemps dans la catégorie des voitures électriques dont la batterie dépasse les 60 kWh de capacité. Il s’agit de la nouvelle Nissan Leaf à autonomie étendue, baptisée « e+ ». Avec sa batterie de 62 kWh, elle promet une autonomie de 385 km en cycle mixte WLTP. Son tarif démarre à 37.700 euros bonus déduit, une somme rondelette qui atteint 39.500 euros en finition « Tekna » haut-de-gamme. Après une première prise en main entre Paris et Compiègne lors d’un précédent essai, nous avons souhaité connaître son comportement au cours d’un très long trajet. Une épreuve assez particulière que nous faisons passer à différents modèles de voitures électriques, en dehors de leur champ d’utilisation habituel. La Nissan Leaf e+, comme sa déclinaison classique dotée d’une batterie de 40 kWh, est dépourvue de système de refroidissement « actif » de ses accumulateurs. Une caractéristique inédite qui fait polémique, soulevée par l’histoire du « Rapidgate ».
Ce choix technique est étonnant, alors que la majorité des voitures électriques modèrent la température de leur batterie par un système de refroidissement liquide ou à air climatisé réputé pour leur efficacité. De plus, Nissan a conservé le connecteur au standard japonais Chademo pour la recharge rapide en courant continu de ses nouvelles Leaf. Quel-est donc l’impact de cette configuration sur un trajet longue distance ? Pour le savoir, nous sommes partis de Voisins-Le-Bretonneux, en banlieue sud de Paris pour rejoindre Marseille. Un itinéraire long de 772 km réalisé exclusivement sur l’autoroute, qui nous a réservé quelques surprises.
Après avoir récupéré la Leaf e+ en finition Tekna au siège de Nissan, nous prenons la route peu avant midi. Nous plaçons la climatisation sur 22 degrés, flux faible. Elle n’a pas d’impact sur l’autonomie puisque l’air froid est fourni par une pompe à chaleur très économe. Nous adoptons une conduite classique, sans mode éco mais avec le système « e-pedal » activé en zone urbaine et dans les embouteillages. Celui-ci permet d’accélérer et de freiner avec la seule pédale de droite. Un outil très pratique qui évite au conducteur de jongler sans cesse entre la pédale de frein et d’accélérateur.
Une fois sur l’autoroute, nous utilisons le « Pro-Pilot », une assistance à la conduite comparable à un système de pilotage semi-automatique. Il combine une aide au maintien dans la voie à un régulateur de vitesse adaptatif. Si son utilisation est bienvenue sur de longs trajets en permettant de soulager le talon et la cheville du pied droit, il nécessite de rester très vigilant. Son comportement est en effet aléatoire, par moment nous constatons que le véhicule quitte sa voie sans raison et frôle de trop près les camions. De plus, le régulateur de vitesse est particulièrement brutal.
Lorsque la vitesse de croisière est sélectionnée, le système tente de la maintenir à tout prix. Au cours d’un dépassement par exemple, après avoir freiné automatiquement pour éviter de se rapprocher du véhicule à doubler : l’accélération est brusque dès lors que la voie est libre. En montée, quelle que soit l’inclinaison, la voiture maintien la vitesse coûte que coûte. Conséquence : la consommation s’envole et l’autonomie diminue. Il permet toutefois d’apprécier les vives accélérations qu’offrent la Leaf e+ avec son moteur de 217 ch et 340 Nm de couple.
Sur cette première étape, nous plaçons le Pro-Pilot à 130 km/h sur les tronçons d’autoroute autorisés. L’autonomie restante affichée sur le tableau de bord fond comme neige au soleil, si bien qu’en arrivant sur l’aire de Chien-Blanc le long l’A6, il nous reste seulement 5 % de batterie. Nous avons parcourus 260 km et la consommation moyenne s’est élevée à 19,4 kWh/100 km. Difficile donc d’atteindre les 300 km en une seule charge à la vitesse maximale sur autoroute, contrairement à d’autres voitures électriques dotées d’une batterie de capacité similaire à la Leaf e+.
L’aire de service n’est pas équipée de panneaux indiquant l’emplacement de la borne de recharge « rapide » du réseau Corri-Door. Nous la trouvons finalement, et tentons de s’y recharger. Pour cela, nous utilisons le badge Izivia, l’opérateur du réseau et filiale d’EDF. La Nissan Leaf e+ étant équipée d’un connecteur au standard japonais Chademo, nous ne pouvons accéder aux bornes dotées de prises Combo, le standard européen pour la recharge rapide et ultra-rapide. Un petit handicap, à une époque ou le Chademo est en passe d’être abandonné sur le vieux-continent au profit des puissances de charge phénoménales offertes par le standard Combo.
Au moment ou nous chargeons, il fait 28 degrés à l’extérieur. Dans l’habitacle, la température monte rapidement et nous devons impérativement utiliser la climatisation. Elle fonctionne, le temps de trouver les informations de recharge sur le tableau de bord. Elles ne peuvent hélas être consultées que lorsque la voiture est allumée, contact enclenché. Alors que la jauge de température de la batterie indique une augmentation de la chaleur, nous constatons que le véhicule charge à 41 kW, déjà éloigné des 50 kW promis par la borne et 100 kW promis par Nissan. Mais surprise, après 8 minutes et 4,5 kWh récupérés, la recharge s’interrompt brutalement.
Ni la borne, ni le véhicule n’indique la raison de cet arrêt soudain. Difficile de savoir lequel des deux est à l’origine de cette déconvenue. La responsabilité est probablement partagée. Nous tentons alors de relancer la charge à six reprises, toujours sans succès. La borne accepte de lancer la session mais la stoppe immédiatement, sans débiter le moindre électron. Désemparés, nous essayons alors de contacter le service d’assistance d’Izivia, l’opérateur du réseau. Le numéro de téléphone indiqué sur la borne décroche sur un automate, que nous suivons scrupuleusement. Mais à l’instant où l’on est censés être mis en relation avec le personnel, un robot énonce froidement un autre numéro de téléphone, en boucle. Surpris, nous l’appelons sans grand succès puisque lui aussi répète inlassablement les dix chiffres. Une situation effrayante, digne d’un épisode de Lost. Nous sommes échoués sur une aire de service sans aucune possibilité d’assistance.
Avec acharnement, nous parvenons enfin à lancer une session de charge active. C’est la huitième tentative. La Leaf recharge cette fois à une puissance maximale de 27 kW, soit deux fois moins qu’espéré. Cette session nous interpelle. En effet, plusieurs bruits étonnants proviennent du capot de la voiture et de la borne. D’abord, le ventilateur de la borne semble successivement monter en puissance puis diminuer de façon cyclique. Puis, le connecteur émet régulièrement un cliquetis. Sous le capot, deux bips se font entendre de temps en temps. Rien ne semble se passer correctement. La courbe de charge fournie par Izivia le confirme : la session a été instable. Tout au long, la puissance n’a cessé de fluctuer étrangement.
Au final, nous avons récupéré 45,8 kWh en 2h25 dont seulement 1h47 de charge effective. La puissance de charge moyenne n’a donc pas dépassé les 25,7 kW, une performance franchement décevante pour une première session de charge sur ce long trajet. Mais ce n’est pas la seule mauvaise surprise : les huit sessions de recharge nous ont été facturées 23,76 euros dont 2,79 euros avec le Chargemap Pass ! Via le badge Izivia, l’opérateur fait payer 1 euro par tranche de 5 minutes, quelle que soit la puissance délivrée. Une tarification totalement injuste, puisqu’une voiture rechargeant rapidement et consommant donc davantage d’énergie paye moins cher qu’un véhicule chargeant plus lentement.
Avec 85% de batterie, nous repartons en direction de l’Aire de Solaize au sud de Lyon, située à 209 km. De nouveau, nous utilisons le Pro-Pilot réglé à 120 km/h en prenant soin de modérer ses accélérations sportives dans les dépassements. Quelques embouteillages en traversant la capitale des Gaules permettent de faire baisser la consommation et de mettre à profit la e-pedal. En arrivant sur l’aire de service, où l’emplacement de la borne est bien indiqué par des panneaux, de gros orages éclatent. Il fait 32 degrés, l’atmosphère est moite et la température de la batterie a encore augmentée. Il nous reste 20 % d’énergie et devons recharger assez pour rejoindre Marseille, à un peu plus de 300 km.
Nous utilisons le badge Izivia pour lancer la charge, mais il faudra trois essais pour y arriver, sans climatisation. L’habitacle se transforme peu à peu en sauna et la pluie tombant, nous ne pouvons laisser les vitres grandes ouvertes. Toutes les opérations de branchement du véhicule et d’identification sur la borne se font sous l’averse et la foudre menaçante. Nous envions les automobilistes qui, non loin, font leur plein de carburant abrités sous la généreuse marquise de la station. Pénible, cette session de charge l’est d’autant plus que la puissance de charge ne dépasse pas 20 kW. Nous patientons 1h26 pour récupérer 29 kWh, avant de quitter l’aire.
Lassés d’attendre dans des conditions inconfortables, nous repartons avec 73 % de la batterie et 279 km d’autonomie restante. C’est insuffisant pour rejoindre directement Marseille, distant de 305 km. Il faut donc prévoir un troisième arrêt-recharge sur l’aire de Montélimar Ouest à 138 km. La nuit se lève, la fatigue arrive : cela fait déjà plus de 9 heures que nous avons pris la route. Petite consolation : les projecteurs LED sont efficaces aussi bien en position croisement qu’en plein phare et illuminent la route d’un blanc clair et pur. Nous roulons cette fois à 110 km/h avec le Pro-Pilot en raison d’un pic de pollution qui impose de ne pas dépasser cette vitesse. Une majorité de véhicules respecte cette limitation temporaire, probablement inquiétée par les panneaux à messages variables indiquant la présence de contrôles radar.
Nous parvenons à la borne Corri-Door de l’aire de Montélimar Ouest peu après 22 heures. A côté, une station Ionity est en cours d’installation. Nous n’aurions pas pu l’utiliser même si elle était en service. Les bornes de ce réseau ultra-rapide sont en effet équipées de connecteurs Combo, incompatibles avec la Nissan Leaf. Leur grande fiabilité et puissance de charge élevée aurait considérablement réduit notre temps de charge si la batterie du véhicule était correctement refroidie et dotée d’un connecteur Combo.
A notre arrivée, il reste 23 % de batterie et la jauge indique que sa température est très élevée. La charge est lancée rapidement et, belle surprise, elle ne s’interrompt pas ! Dès la première session, nous rechargeons sans aucun problème jusqu’à 68 %, la capacité nécessaire pour rejoindre Marseille et terminer ce périple. La puissance n’a pas changée : elle plafonne toujours péniblement à 20 kW. Branchés pendant 1h09, nous avons récupéré 24 kWh pour un coût de 25 euros.
Exténués, nous atteignons le sud de Marseille au cœur de la nuit au terme d’un trajet qui a duré 13h40, contre environ 8 heures en voiture thermique. Il est 1h18, le compteur affiche 772 km parcourus à une vitesse moyenne de 78 km/h et 12 % de batterie restante. La consommation moyenne s’est élevée à 17,9 kWh/100 km, correct pour un trajet effectué à vitesse élevée. L’accumulateur est très chaud, la température extérieure de 26 degrés n’aidant pas à son refroidissement.
Nous avons déboursé pas moins de 56,75 euros pour les recharges en utilisant le badge Izivia. Si le tarif paraît élevé, il reste moins coûteux que si l’on avait utilisé un badge d’opérateur de mobilité comme le Chargemap Pass ou Kiwhipass. Cela reste également bien moins cher que le carburant que nous aurions dépensé en réalisant le même trajet en voiture thermique (entre 70 et 90 euros pour un véhicule de même catégorie). Une injustice nous interpelle cependant : alors que les conducteurs de voitures à essence ou diesel payent leur plein selon la quantité d’énergie, nous avons été facturés au temps passé sur les bornes. Un principe agaçant et pénalisant pour les utilisateurs de voitures électriques. Ainsi, il est compliqué de connaître à l’avance combien coûtera une recharge sur le réseau Corri-Door.
Nous avons aussi été déçus par la puissance de charge acceptée par la Nissan Leaf e+. Alors que le constructeur promet une capacité maximale de 100 kW en courant continu, nous n’avons jamais dépassé les 41 kW en pic et les sessions de recharge se sont effectuées en moyenne à une puissance de 20 kW. Un très gros défaut pour les trajets longs sur autoroute. Un problème qui trouve sa source dans le système de refroidissement passif de la batterie. Sollicité lors des recharges et sur la route à vitesse élevée, le pack se préserve pour éviter la surchauffe en bridant ses performances. Si Nissan affirmait il y a quelques mois avoir corrigé le tir par une mise-à-jour logicielle, nous n’avons manifestement pas pu constater ses effets.
En conséquence, nous avons accusé un temps de charge de 5h09 dont seulement 4h25 de charge « effective ». Un écart qui s’explique par les nombreux refus de la borne et interruptions inopinées. Bien trop long et fastidieux pour envisager un trajet de plusieurs centaines de kilomètres sur autoroute. Au vu des conditions dans lesquelles nous avons effectué ce Paris-Marseille, difficile aussi d’imaginer emporter sa famille ou ses amis pour une escapade aussi lointaine.
Pour que ce genre de trajet devienne envisageable en voiture électrique, il reste à réaliser de gros progrès. Les constructeurs automobiles doivent d’abord respecter leurs promesses concernant la puissance de recharge, rarement atteintes en conditions réelles. Il est nécessaire que leurs choix sur les technologies et standards embarqués soient compatibles avec une utilisation simple, polyvalente et cohérents avec leur époque. Pourquoi persévérer avec le standard étranger et presque obsolète Chademo lorsque le standard européen Combo plus performant et fiable se répand à grande vitesse ? Pourquoi ne pas avoir prévu de système de refroidissement actif de la batterie sur la Nissan Leaf e+, dotée d’une batterie de 62 kWh naturellement orientée vers des trajets longs ? Si le véhicule est tout à fait capable d’honorer les trajets du quotidien dans sa configuration actuelle, il peine à boucler de longs trajets comme celui que nous lui avons fait subir.
Enfin, côté recharge, il est impératif pour les opérateurs de fiabiliser le fonctionnement des bornes, particulièrement celles situées sur autoroute. Il n’est pas possible d’inciter à passer à l’électrique lorsque le réseau présente autant de dysfonctionnements. Rien de pire que de se retrouver coincé sur une aire d’autoroute, sans moyen de contacter l’assistance technique. Leur tarification doit aussi être clarifiée et ajustée pour que les clients puissent savoir à l’avance combien ils vont dépenser au cours de leur trajet et payer équitablement l’énergie et l’infrastructure qu’ils utilisent.
Comparaison des performances sur nos essais entre Paris et Marseille
Nissan Leaf e+ 62 kWh | Hyundai Kona 64 kWh | Renault Zoé 41 kWh | Renault Zoé 22 kWh | |
Durée du trajet | 13h40 | 13h40 | 13h40 | 16h30 (par les nationales) |
Consommation moyenne (kWh/100km) | 17,9 | 16,9 | 18,6 | 13,7 |
Durée des recharges* | 4h25 | 3h30 | 4h50 | 6h40 |
Coût des recharges (Pass utilisé) | 56,75 € (Izivia) | 55,17 € (Chargemap | 81 € (Chargemap | 0 € (Concessions Renault) |
Nombre de recharges | 3 | 3 | 5 | 7 |
*Temps de charge net, hors problèmes techniques, interruptions, attente à l’authentification et au lancement.
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