Dacia, l'achat plus si malin ?

Pendant que Dacia fait joujou dans le sable du Rallye Dakar, les prix de ses voitures ne cessent d’augmenter et des concurrents font désormais mieux. Attention à l’embourgeoisement et l’excès de confiance.

Connaissez-vous Yazeed Al-Rajhi ? Cela ne vous dit rien ? Pourtant, ce Saoudien vient de remporter une célèbre course automobile, le Dakar. Remarquez, plus si célèbre. Il semble loin le temps où ce rallye-raid captait l’attention du grand public.

Pour s’y intéresser, ce dernier, il veut un gagnant français (le Vendée Globe l’a bien compris ça). Le public aurait surement davantage entendu parler du Dakar s’il avait été remporté par Sebastien Loeb. C’est ce qu’espérait assurément Dacia. Car cette année, Loeb a une énième fois tenté sa chance au Dakar avec la marque roumaine, engagée officiellement avec un inédit buggy, le Sandrider.

Mais l’aventure a tourné court, avec un abandon dès la troisième étape, dans laquelle le nonuple champion du monde des rallyes est parti à la faute dès le 12e kilomètre. Toujours avec Dacia, Nasser al-Attiyah a fini avec la médaille en chocolat. Première participation, résultat médiocre. On nous sort donc l’excuse de l’apprentissage. Mais franchement, qu’est allé faire Dacia dans cette galère ?

Selon le beau discours officiel, la marque s’est lancée dans le rallye-raid car c’est une discipline en lien avec ses valeurs et son positionnement, qui met désormais l’accent sur l’outdoor. Est-ce que cela a vraiment un intérêt ?

De manière générale, pour les marques, le sport mécanique, cela peut servir de laboratoire technique, mais c’est surtout un outil de communication. C’est une sorte d’investissement publicitaire. Mais ce n’est pas vraiment un domaine où j’attendais Dacia.

Concevoir un engin, participer et s’offrir les services de Sebastien Loeb, cela coûte de l’argent. Des dépenses forcément payées par l’acheteur d’une Sandero. Voilà qui ne colle pas vraiment avec les principes d’un constructeur où un sou est un sou, où l’on passe son temps à dessiner de telle façon un phare ou une poignée de porte pour gagner un centime. Et puis aller faire joujou dans le sable, ce n’est pas un truc de riche ?

Je m’étonne du choix d’une discipline qui se résume médiatiquement au Dakar, un rallye-raid un peu oublié, surtout en Europe, seul débouché commercial de la marque. D’autant que Dacia ne vend pas des baroudeurs purs et durs, il mise plutôt sur les matelas à glisser dans sa voiture pour dormir en forêt !

Alors, si, cette année, le constructeur lance un grand SUV, le Bigster. Mais il n’a pas, du moins pour l’instant, quatre roues motrices. Avec lui, Dacia monte en gamme et s’embourgeoise un peu, puisque le modèle peut avoir un hayon électrique, un toit ouvrant panoramique, une instrumentation numérique…

Heureusement sans perdre de vue ce qui fait sa force. Le Bigster existe ainsi en version hybride à moins de 30.000 €. Ne cherchez pas, il n’y a pas d’offre équivalente pour un SUV de cette taille.

Du moins pas encore. Car après avoir été longtemps seul sur le créneau du bas prix, Dacia est rattrapé par la concurrence. D’ailleurs, cette conquête du segment C semble être une volonté de s’attaquer à un marché où il veut retrouver une longueur d’avance, aidé par la folie des grandeurs tarifaires de la concurrence.

Car sur son créneau historique de l’entrée de gamme, Dacia s’est fait rattrapé et commence même à se faire dépasser. Les voitures proposées par le constructeur sont de plus en plus chères. Il est très loin le temps de la Logan à 7.500 €. Et même de la Sandero à moins de 10.000 €.

Certes, la marque a fait évoluer son positionnement. Oubliez le côté low-cost, car même le client n’en voulait pas, lui qui ne prenait quasiment jamais la version la plus dépouillée. Le renforcement des normes de pollution et de sécurité a aussi poussé Dacia à avoir des voitures de base plus équipées et donc plus chères.

Mais les prix ne cessent de grimper. Le tarif de base de la Sandero a encore pris 500 € début janvier, pour grimper à 12.900 € ! Il avait déjà pris 250 € en novembre. J’espère que ce n’est pas pour rembourser le Sandrider de Loeb dis donc !

La longueur d’avance, Dacia ne l’a plus. Exemple avec la nouvelle Citroën C3. Certes, elle commence à 15.240 €, mais avec 100 ch et la clim. Pour avoir une Sandero de 100 ch avec la clim, il faut dépenser 15.950 € ! La Dacia a quand même l’atout de rouler au GPL pour ce prix.

Mais Citroën est venu percuter de plein fouet le carton de la Spring. Sa C3 électrique commence à 23.300 €. La Spring est plus abordable, mais elle n’a pas le bonus. Et ses prestations sont nettement inférieures. En prenant en compte cela, la C3 est bien plus recommandable. Son équivalent chez Fiat, la Grande Panda, aussi.

L’autre best-seller de Dacia, le Duster, est aussi mis en difficulté, cette fois par une marque chinoise, MG. Alors que Dacia a un SUV hybride à 26.800 €, MG propose son nouveau ZS hybride à 22.990 €. Avec plus de puissance et d’équipements…

Dacia garde l’atout d’une solide image de marque, non usurpée bien sûr, avec un avantage fiabilité. Pendant ce temps, Citroën doit faire face aux bugs de jeunesse de sa C3, MG au moteur mal réglé de son ZS… Une réputation en béton de Dacia qui se traduit par des ventes canons, la Sandero ayant été la voiture la plus vendue en Europe en 2024.

Dacia est une poule aux oeufs d’or pour Renault, avec une très belle rentabilité. Mais avec des prix qui ne sont plus toujours imbattables, la marque doit faire attention à ce que ce succès ne lui monte pas à la tête. Il ne faut pas pêcher par excès de gourmandise financière.

Le roumain doit clairement se ressaisir pour rester incontournable sur l’offre petit prix. Il sait désormais à qui parler, et cette fois, il va devoir faire le suiveur. Le constructeur prépare en effet une nouvelle génération de Sandero, qui sera déclinée en électrique en 2027. Elle devra avoir de meilleurs arguments que la C3.