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Non, il ne s’agit pas de vous présenter cette fameuse Bugatti Veyron électrique… produite par Royal Kiddy pour amuser les enfants dès 3 ans ! Automobile Propre vous propose de remonter une nouvelle fois dans le temps, alors qu’Ettore Bugatti est encore le taulier de son usine de Molsheim (67). Dans ce temple industriel qui a participé à élever au rang d’art la carrosserie automobile française, quelque part, dans un coin, on y a assemblé, sur de petits châssis, des batteries et moteurs électriques. Enquête sur ces Bugatti branchées qui ont souvent fait rêver petits et grands dans les années 1930.
« Bugatti a construit des voitures électriques pour les enfants ! », me disait mon père au début des années 1970. « Avec ma Ferrari, j’avais l’air d’un con, ma mère… », aurait sans doute chanté Brassens s’il avait été à ma place, jeune propriétaire d’une Ferrari rouge métallisée à traction par pédales, parfaite pour frimer autour du bac à sable, mais si difficile à faire avancer ailleurs que sur revêtements plats et lisses.
Au fait, pourquoi mon père me parlait-il des Bugatti électriques pour enfants, plutôt que de s’intéresser à mes résultats scolaires ? Tout simplement parce que dans sa famille emportée par la fièvre automobile, son père (très peu de temps), la sœur (à la sellerie) de celui-ci et son mari (homme à tout faire et chauffeur occasionnel) ont travaillé à Molsheim chez Bugatti. J’imagine très bien ce que pouvait ressentir mon paternel, à l’époque, quand son oncle par alliance et aussi parrain, poussait une petite visite à Grandfontaine avec une des voitures de l’usine.
Aussi connue sous le nom de « Baby Bugatti », la Type 52 est une réplique électrique à l’échelle ½ de la célèbre Type 35 « Grand Prix » qui s’est imposée en compétition dès les années 1920. Un jouet ? Oui, si l’on considère que le premier modèle a été construit en 1926 pour les 4 ou 5 ans de Roland Bugatti, deuxième fils d’Ettore. Mais non, si l’on remarque avec quel soin l’engin a été réalisé. « Rien n’est trop beau, rien n’est trop cher », a-t-on usage d’attribuer comme devise à Ettore Buggati. On y est, avec ce beau « joujou » !
Fin avril 2015, une Type 52 est tombée pour 92.000 euros sous le coup du marteau de Christie’s Paris. Il s’agissait de l’exemplaire ayant appartenu à la famille Schlumpf, connue pour avoir rassemblé une collection d’automobiles de prestige, aujourd’hui étoffée et exposée au public à Mulhouse (68). Les futurs rois de Belgique et du Maroc, mais aussi un fils Peugeot, ont eu la leur. D’autres enfants de clients du constructeur alsacien, moins connus mais néanmoins fortunés, ou pour lesquels l’histoire n’a pas retenu l’anecdote, ont roulé dans ces petits « bolides », s’affrontant parfois au sein de compétitions spécialement organisées pour eux. Mais c’est sous le crayonné d’Hergé, pour l’album « Tintin au pays de l’or noir », que l’engin a été immortalisé.
Avec des sièges et une sangle de maintien de capot en cuir, un châssis et une carrosserie en aluminium, la Baby Bugatti existait avec 2 empattements différents : 1,22 ou 1,32 m (capot rallongé), en fonction de la taille des jambes de son jeune utilisateur. Pour une largeur de 0,625 m, ce joyau pour collectionneurs du genre aujourd’hui ne dépasse pas les 2 mètres de long.
Son moteur électrique Paris-Rhône, alimenté par une batterie plomb 12 V, entraînait la Type 52 par son essieu arrière, via démultiplicateur, jusqu’à presque 20 km/h. Il suffisait pour cela que l’enfant actionne l’accélérateur relié à un rhéostat à 6 plots. Equipé de la marche arrière par inverseur au tableau de bord, d’un ampèremètre, d’une suspension avant à lames, de 4 freins à tambour par câbles, et d’une roue de secours, le « bolide » frisait tout de même les 80 kilos sur la balance.
Devant l’enthousiasme exprimé par la clientèle Bugatti face à la Baby, le beau « joujou » sera produit jusqu’en 1930, à environ 500 exemplaires. Anecdotique ce chiffre, vraiment !? En comparaison, il s’est construit entre 1924 et 1931 à peu près 650 véritables Type 35, et variantes, dont elle est la réplique. Le succès du modèle réduit, quoique discret, est incontestable.
Doit-on rappeler le nombre d’exemplaires vendus en 2015 pour certains modèles électriques produits actuellement par les constructeurs automobiles ? Et là, il ne s’agit pas de jouets ! La Type 52 est bel et bien une Bugatti à part entière, c’est-à-dire un engin roulant enveloppé d’une charge émotionnelle et passionnelle importante.
Avec la Type 56, autre engin électrique sorti de l’usine Bugatti, on n’est plus dans la production en série. Ni dans l’univers du jouet ou du modèle réduit. Et pourtant, avec ses 2,15 m en longueur, pour 1,42 m de large, on pourrait en aligner 3 à la place d’une Type 41 « Royale » !
La comparaison ne vous semble par parlante ? Alors voilà : le quadricycle Renault Twizy est environ 20 centimètres plus long ! Et ce n’est pas tout : avec une unique banquette 2 places posée sur une structure ouverte de style phaéton à capote, cette bizarrerie aux allures d’hippomobile semble s’inspirer directement de la Bailey Electric produite aux Etats-Unis à partir de 1907, soit environ 25 ans auparavant. Encore que cette dernière dispose d’un volant, lorsque la Bugatti se contente, pour sa direction, d’une barre franche, aussi appelée « queue de vache » !
La Type 56 n’est pas un prototype à tester avant de le construire en nombre. C’est juste un souhait d’Ettore Bugatti pour se déplacer sur son site industriel et ses environs. Très pratique pour un usage local, notamment dans les vastes propriétés, quelques clients insisteront pour en obtenir un. La Reine Elisabeth de Belgique aura la sienne, parmi les 6 exemplaires vraisemblablement produits au début des années 1930 ! Sensibilisé à la mobilité électrique grâce à la Type 52, Roland Bugatti en utilisera une aussi autour de l’usine de Molsheim.
Le jeu de 6 batteries de 6 V est dissimulé sous la banquette. Pour piloter la Type 56, une barre franche à utiliser de la main gauche, la droite étant occupée à actionner les 2 leviers présents. L’un d’eux fait office de sélecteur de marche : avant, arrière, et parking, avec blocage, par câble, des tambours de frein installés sur les roues arrière. Pour changer de position, le pied droit doit soulever une grille de verrouillage. Le second levier permet, lui, de faire évoluer l’engin selon 4 allures progressives, jusqu’à 30 km/h. La motricité est l’affaire d’un démarreur Scintilla (0,8 kW), habituellement utilisé chez Bugatti pour lancer les blocs thermiques des modèles plus ambitieux. Une pédale sert à ralentir la voiture. Essieux rigides et ressorts à lames portent la caisse dont le cadre et le plancher sont faits de bois. Vraiment pas ordinaire la Type 56 !
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