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Les médias se montrent volontiers alarmistes sur l’impact des véhicules électriques sur le réseau de distribution de l’électricité. Lors d’une table ronde qui s’est tenue à l’Assemblée nationale le 8 février dernier, concernant le développement en France des maillages en bornes de recharge pour VE, le représentant de RTE a donné des pistes intéressantes de réflexion. Nous en complétons la liste, avant de vous laisser la parole pour vous approprier le débat.
Quel temps fait-il chez vous aujourd’hui ? Curieuse question !? Oui, et non, car elle a un objectif : se permettre de relativiser toutes les prévisions, quelles qu’elles soient ! Début octobre 2016, le très alarmiste et récurrent scénario de l’hiver le plus froid depuis 100 ans avec une dangereuse surcharge du réseau électrique qui imposerait des coupures de jus a été une nouvelle fois agité. L’hiver n’est pas fini, mais nous sommes tout de même à la fin de mois de février. Où sont les conditions météorologiques catastrophiques annoncées pour notre pays ?
Est-il possible aujourd’hui de dire avec une marge d’erreur raisonnable combien de véhicules électriques circuleront en 2030 ? Non ! Tout nombre annoncé actuellement qui se révèlerait proche des constats effectués à cette échéance ne relèverait pas forcément du plus total hasard, mais serait sans doute la conséquence d’un travail sérieux doublé d’un nécessaire facteur chance. Déjà, les estimations plus ou moins officielles formulées il y a quelques années sur le développement des VE chez nous ne sont pas confirmées.Si nous sommes bien en-deçà, la situation actuelle n’invalide pas forcément ce qui a été communiqué pour un horizon éloigné de plus de 10 ans.
Quels chiffres privilégier et retenir ? En 2012, un exercice de prospective effectué en interne à l’Ademe imaginait pour 2030 une flotte de 35 millions de véhicules, dont 4% électriques, soit 1,4 million d’unités. Au début de ce mois de février, un article publié par La Croix et intitulé « Le développement des voitures électriques met le réseau sous tension » rappelait un parc de 6 millions de VE attendu par les pouvoirs publics. Lors de la table ronde programmée à l’Assemblée nationale il y a une quinzaine de jours, Thomas Veyrenc, directeur du département Marchés chez RTE, a fait sa simulation pour la même échéance avec 4,5 millions de VE, « objectif de la PPE » (programmations pluriannuelles de l’énergie), indiquant avoir également travaillé sur une hypothèse à 15 millions.
Les énergéticiens s’accordent à dire que c’est principalement un recours massif et simultané à la recharge rapide qui pourrait déstabiliser véritablement le réseau électrique. Aujourd’hui, la puissance délivrée par les bornes rapides est de l’ordre de 50 kW.
A l’automne dernier, DBT a présenté dans le cadre du Mondial de l’Automobile le premier chargeur universel ultra-rapide de 150 kW. Quelques mois plus tard, plusieurs constructeurs automobile allemands (BMW, Daimler, Ford, et Volkswagen pour Audi et Porsche) ont annoncé avoir créé une coentreprise pour développer à travers l’Europe un réseau composé de bornes à 350 kW, selon le standard Combo CCS. Doit-on imaginer encore plus de puissance réellement exploitée en 2030 ?
Lors de sa prise de parole le 8 février dernier devant des parlementaires et différents intervenant, Thomas Veyrenc est donc parti d’un objectif de 4,5 millions de véhicules électriques en 2030, rappelant que les puissances de ravitaillement s’étaleront de 3 kW, avec les bornes normales (lentes), jusqu’aux recharges les plus rapides.
Il a prévenu qu’on arriverait alors à plusieurs dizaines de gigawatts d’appel de puissance supplémentaire avec un calcul simpliste.
D’ailleurs, le document intitulé « La mobilité électrique : en route vers la transition énergétique », mis à disposition par Enedis, évoque, pour seulement 1 million de VE qui feraient le plein de leurs batteries simultanément, un appel de puissance de 22 ou 40 GW, soit 22 et 40% de la puissance totale disponible du parc de production français, pour des scénarios respectifs de recharge 100% accélérée et 100% rapide. « Il n’y a aucune raison que les actions de recharge soient toutes synchrones. Pour un parc de 4,5 millions de véhicules, la contribution à la pointe du soir, va plutôt être de l’ordre de 5 GW », a-t-il modéré.
Pourtant, le directeur du département Marchés chez RTE estime qu’avec un pilotage efficace des recharges, en 2030, les besoins à mobiliser pour couvrir l’appel de puissance supplémentaire ne devraient pas excéder 3 GW.
« Dans nos modèles, on va considérer que la recharge des véhicules électriques peut être pilotée, et panachée entre différents modes, – lent, accéléré, rapide -, et surtout différents types », avance-t-il. Si l’on imagine spontanément le scénario dit de « charge naturelle » qui consiste à faire démarrer l’opération dès que l’utilisateur arrive chez lui et branche sa voiture électrique sur le secteur, il n’est pas plus compliqué d’imaginer une incitation financière à la différer.
Simple, mais efficace, selon lui. Ainsi « un asservissement à un signal tarifaire, comme l’eau chaude sanitaire avec le déclenchement automatique des chauffe-eau la nuit ». Il chiffre : « En panachant 60/40, entre naturelle et pilotée, on serait plutôt à 3 GW d’appel de puissance supplémentaire en 2030 ».
Dans ses scénarios avec pilotage de la recharge, pour un appel de puissance supplémentaire qui serait restreint à 3 GW, Thomas Veyrenc a inclus le recours à des technologies plus fines de pilotage, avec des « batteries intelligentes », et « une communication bidirectionnelle entre le véhicule, la batterie et le réseau, avec ce qu’on appelle parfois le ‘vehicle to grid’ ».
Le document réalisé par Enedis chiffre, par tranche d’un million de véhicules électriques, une part de 0,5 % de la consommation totale française en électricité. Et concernant le V2G, « la puissance stockée cumulée d’un million de batteries des véhicules électriques représenterait environ 3,5 GW, soit 3,5 % de la puissance disponible totale ». Le directeur du département Marchés chez RTE ne s’est pas arrêté au strict cadre de la mobilité électrique lors de son intervention à l’Assemblée nationale.
Il a tenu à croiser le surplus d’appel de puissance qu’elle pourrait provoquer, avec une baisse notable envisagée par ailleurs. Le besoin de 5 GW pour la mobilité électrique, selon lui, ne se traduit « pas forcément par des moyens qu’il va falloir construire en plus ». Et justement, « 5 GW, c’est par exemple l’éclairage public et résidentiel », illustre-t-il. D’ici 2030, les besoins en électricité pour ce groupe de consommateurs devraient baisser de moitié, selon ses estimations.
L’éclairage public et résidentiel serait-il le seul domaine où l’on peut s’attendre à des baisses de consommation électrique ? Avec des maisons de mieux en mieux isolées, ne doit-on pas imaginer que le chauffage pourrait aussi enregistrer des baisses importantes de la demande en énergie ?
Si l’on voulait prendre le problème avec comme seule issue possible l’intégration de 4,5 millions de VE sans augmenter les chiffres de production, consommation et puissance du parc électrique, sans doute pourrait-on y arriver. Il y a cependant un enjeu supplémentaire : faire croître simultanément la part des sources renouvelables dans le mix énergétique, en accompagnant la fermeture de centrales nucléaires et en réduisant l’impact sur l’environnement des installations thermiques fossiles.
En commentaire de leur troisième version de leurs scénarios énergétiques, les experts de l’association négaWatt estiment que notre consommation globale pourrait être divisée par deux « tout en maintenant un haut niveau de service ». Actuellement, l’électricité et le chauffage des logements et des bureaux représentent 42% de l’énergie grillée dans notre pays.
Leur document souligne les gains potentiels dus à une meilleure efficacité à la production comme à la consommation. Il montre aussi qu’il serait possible de fermer le dernier réacteur nucléaire en 2035, le pétrole importé étant, lui, réservé à des usages non énergétiques. Tout cela est cependant fortement dépendant des politiques publiques qui seront poursuivies. Déjà de grandes divergences pointent dans les programmes annoncés par les candidats aux élections présidentielles. Les gouvernements qui se succèderont jusqu’en 2030 et après voudront-ils bien s’inquiéter des travaux de négaWatt ?
Dans ses scénarios pour la modération du surplus d’appel de puissance en début de soirée, du fait du développement de la mobilité électrique, avec à nouveau un gain important sur la consommation, Thomas Veyrenc imagine un système « qui permettra de traiter les questions de flexibilité qui sont associées à l’intermittence des EnR, donc d’avoir une bonne compensation entre les phénomènes de recharge et les injections d’électricité qui viennent des énergies renouvelables ».
De plus en plus de réseaux exploitent ces dernières : Béa35 avec la coopérative Enercoop, Corri-Door avec EDF, le couloir de la CNR le long du Rhône, Bluely avec la CNR, des superchargeurs Tesla, etc.
L’association entre les véhicules électriques et les énergies renouvelables se fait de plus en plus évidente. Au-delà de toute idéologie, il y a une raison essentielle à cela : les batteries des VE, en seconde vie ou encore embarquées dans les véhicules, sont à la base des architectures V2G, V2B et V2H, qui branchent ces engins au réseau, aux bâtiments ou à la maison.
S’appuyant sur des batteries de Leaf, de préférence en récupération, le dispositif xStorage Home lancé par Nissan en France en fin d’année dernière se charge aux heures creuses pour une restitution, par exemple, lors des pics de consommation, éventuellement de façon rémunérée quand il s’agit de soutenir le réseau. « Connectée à une source d’alimentation électrique résidentielle et/ou à des sources d’énergie renouvelables comme les panneaux solaires, cette unité offre une flexibilité qui pourrait bien révolutionner la façon dont nous gérons notre consommation d’énergie », promet le constructeur japonais pour lequel l’association EnR et VE est une évidence depuis longtemps.
Incertitudes sur la politique publique en matière d’énergie à court, moyen et long termes, sur le succès du développement des véhicules électriques, sur les économies possibles en rapport avec la consommation d’électricité, etc. Mais aussi de nombreuses technologies qui sont encore dans les cartons ou en attente de financements et applications avant de pouvoir doper les énergies renouvelables en offrant des solutions de stockage efficaces. Les batteries ne sont pas les seules à pouvoir tenir ce rôle.
Il y a aussi des systèmes qui exploitent l’hydrogène, la pression d’un gaz ou les volants d’inertie. De plus en plus d’acteurs professionnels perçoivent désormais très nettement le lien entre les VE et les EnR. En revanche, aujourd’hui, il est clairement impossible de poser avec certitude des chiffres autour de l’impact des premiers sur le mix français. Ils seront peut-être en réalité de l’ordre de la moitié, du double, ou du triple des valeurs calculées ! Pourtant, la multiplicité des scénarios peut aider à bien préparer le terrain. En envisageant le pire probable, on écarte le risque d’être à un moment débordé par le succès de la mobilité électrique. L’écueil à éviter : que les médias manient ces projections pour ruiner l’image des VE !
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