Alfa Romeo Junior

L’Alfa Romeo Junior Veloce pousse tous les potentiomètres de la plateforme e-CMP du groupe. Quels sont ses secrets pour y arriver ? On vous dit tout !

À l’instar des autres marques du tentaculaire groupe Stellantis, Alfa Romeo se lance sur la route de l’électrification totale. La firme italienne a pour cela levé le voile sur le Milano, scusi, le Junior. Comme c’est désormais une habitude, le petit SUV urbain repose sur la plateforme e-CMP largement employée dans le groupe, depuis le Jeep Avenger au Peugeot e-2008, en passant par la Lancia Ypsilon ou le Jeep Avenger. Cependant, l’Alfa Romeo Junior pousse encore plus loin les potentiomètres dans sa déclinaison sportive Veloce : la puissance grimpe à un niveau inédit et le châssis rend la base technique délicieusement sportive. Voici ses secrets pour y parvenir !

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Une machine électrique de Peugeot e-3008 dopée

D’une longueur de 4,17 m, soit autant qu’un Fiat 600e, le Junior utilise donc la même base technique inaugurée par le DS 3 e-Tense. Comme les autres SUV urbains du groupe, il s’équipe d’une batterie de 51 kWh de capacité nette (54 kWh bruts) fournie par CATL, dotée de cellules prismatiques NMC811. En revanche, côté moteur, tout change. Car, quand les autres bénéficient de la machine électrique de type M3 capable de délivrer un pic de 156 ch (115 kW) pour 260 Nm de couple, le Junior Veloce embarque la machine synchrone à aimants permanents  de type M4, que l’on retrouve notamment dans le nouveau Peugeot e-3008.

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Elle aussi développée et fabriquée par eMotors (une joint-venture entre Stellentis et Nidec Leroy-Somer), celle-ci peut techniquement délivrer un maximum de 286 ch (210 kW) pour 345 Nm, à condition que la batterie soit en mesure de délivrer suffisamment de puissance. Cependant, aucune application n’est montée aussi haut pour l’heure : le e-3008 culmine à 213 ch (157 kW). Mais les ingénieurs de Turin ont décidé d’aller chercher le maximum des capacités de cette chaine de traction, avec un total de 280 ch (207 kW) pour le Junior Veloce ! Mais rappelons qu’ils ne sont plus les seuls, et que l’Abarth 600e et la Lancia Ypsilon HF disposeront elles aussi de cette chaîne de puissance.

Un refroidissement amélioré

Pour y arriver, les équipes techniques assurent que seule la gestion électronique de la chaîne de traction, dont le BMS (pour Battery Management System), a été retouchée pour permettre à la batterie de délivrer le plus gros pic d’intensité possible. Le Junior Veloce ne bénéficie donc d’aucune modification des composants (la partie hardware, pour reprendre les termes modernes), qui restent parfaitement identiques aux autres modèles). La batterie reposant toujours sur une tension 375 V selon nos informations, l’intensité a été sensiblement augmentée. Mais comme toujours, si l’intensité augmente, l’échauffement aussi !

Parmi les nombreux paramètres revus, c’est donc le refroidissement des composants (batterie, onduleur, machine) qui a été au centre des attentions, même si le circuit est resté identique. Ainsi, les performances de régulation ont été améliorées par l’optimisation de la gestion électronique, en majorant notamment le débit du liquide caloporteur afin de mieux maintenir la température du pack. Et ce pour bénéficier de plus haut niveau de puissance possible, et le plus longtemps possible.

Ce dernier paramètre a été surveillé de près d’après les ingénieurs, qui indiquent que la chaîne de traction ne baisse pas les bras sur une plage de 100 à 25 % de charge. Lors de notre essai, les pics d’intensité répétés n’ont jamais eu raison de l’endurance des performances. Au terme de notre — très — sportif essai sur les pistes de la marque au nord de l’Italie, avec une température extérieure de 30 °C, nous n’avons pas noté de pertes de puissance significatives. Précisons aussi à ce chapitre que nous avons déjà noté cette bonne capacité à maintenir la puissance avec un Jeep Avenger doté de la même batterie, il est vrai avec des appels d’intensité bien moins importants.

Cependant, l’électronique ne fait pas tout, et l’arrivée d’air sur les radiateurs, la porte d’entrée du circuit de refroidissement, a aussi une importance. Mais plus la proue est aérée pour répondre aux besoins en matière de régulation thermique, plus les performances aérodynamiques sont dégradées. Pour cela, Alfa Romeo a décidé de couper la poire en deux, en dessinant des ouvertures asymétriques : les ouïes de la partie gauche sont ouvertes, alors que celles de droite sont fermées. Des volets actifs, qui évitent aux designers et aérodynamiciens de se gratter la tête (tout est relatif), auraient été indiqués, mais il s’agit d’un équipement que l’on retrouve surtout sur des voitures haut de gamme.

Un train avant sous LSD

Capable de tourner jusqu’à 15 200 tr/min, la machine électrique est associée à un différentiel mécanique à glissement limité Torsen de Type-D. Fabriqué par le spécialiste japonais Jtekt, il s’agit de la première application au monde à bord d’une voiture électrique à roues avant motrices. Comme tous les différentiels du genre, il aide le train avant à faire passer au sol l’intégralité du couple sans pertes de motricité, comme le faisait la célèbre Alfa Romeo 147 Q2.

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S’il n’en porte pas le nom évocateur, le système du Junior Veloce fonctionne de la même manière. Dans les virages, le dispositif permet de répartir le couple mécaniquement et de ne pas le brider, afin de bénéficier des meilleures performances possibles. Cela réduit nettement le sous-virage naturel des puissantes tractions à l’accélération et améliore la tenue de cap à la décélération. Aussi, sans pertes de couple (ou très peu), les remontées dans le volant (aussi appelées effets de couple) qui figent la direction sont largement atténuées, surtout avec une électrique dotée d’un couple — quasi — instantanée.

Un Torsen, c’est quoi ?

Un Torsen est l’un des quelques types de différentiels à glissement limité (Limited Slip Differential ou LSD en anglais), qui tire son nom de la technologie Torque-Sensing. Installé sur l’essieu moteur (à l’avant ici), il permet une meilleure répartition du couple en fonction des situations. Ainsi, quand le couple est envoyé vers la roue qui a le moins d’adhérence avec un différentiel classique, le Torsen va équilibrer la différence (d’où son nom), via un complexe système d’engrenage à vis sans fin. C’est la friction (aussi appelée couple de frottement) entre les engrenages qui va limiter la vitesse de rotation des roues opposées. Dès lors, la roue qui tourne le plus vite (manque d’adhérence, délestage de la roue intérieure au virage…) sera ralentie alors que l’autre recevra plus de couple. Cela permet de ne pas faire partir en fumée le couple, mais aussi de retarder l’intervention des aides électroniques, plus efficaces lorsqu’elles entrent en action.

En revanche, le taux de répartition est déterminé dès la conception du système et reste fixe ensuite. Aussi, ce jeu d’engrenage qui ne peut pas être désaccouplé entraîne une logique surconsommation d’énergie le reste du temps. Voilà qui peut paraître étonnant à l’heure de la chasse aux kilowattheures. Surtout quand il existe des systèmes électroniques de plus en plus fins qui savent ralentir la roue qui patine avec les freins en fonction des situations et qui, en toute logique, n’implique aucune surconsommation. Interrogés à ce sujet, les ingénieurs de la marque n’ont pas été en mesure de nous chiffrer le niveau de déperdition de ce système, préférant indiquer que ce Type-D est plus petit, plus léger et plus efficient que les autres types existants.

Mais il est bien inutile de trop s’attarder sur ces considérations à bord d’une voiture à vocation sportive. Car, même si cela pourra sacrifier l’autonomie, qui graviterait autour des 330 km avec ce Veloce, les sensations délivrées par ce système sont bien plus naturelles qu’avec les meilleurs des systèmes électroniques. Toutefois, il n’atteint pas le niveau de sorcellerie d’une configuration à deux machines électriques indépendantes (à l’avant sur les Honda NSX ou Bugatti Tourbillon, à l’arrière sur les Lucid Air Sapphire ou Maserati Grantursimo Fologre), que seule la fée électrique peut permettre. Mais rappelons qu’un tel dispositif n’est pas compatible ni avec la plate-forme technique, ni avec le standing du Junior.

Un châssis amélioré

Installer un Torsen, c’est — très — bien. L’associer à des trains roulants coopératifs, c’est mieux. Pour cela, le Junior Veloce reçoit une suspension spécifique abaissée de 25 mm et des barres antiroulis plus épaisses sur les deux essieux. Le boîtier de direction a aussi été recalibré pour offrir un rapport de démultiplication de 14,6:1, annoncé comme le plus direct de la catégorie. Si le train avant est effectivement le plus incisif que nous avons rencontré sur une voiture électrique du groupe, il faudrait attendre de s’aventurer sur l’autoroute pour juger de la stabilité à haute vitesse.

Le système de freinage est confié à l’avant à des disques de 380 mm pincés par des étriers à quatre pistons. C’est aussi gros que sur une Kia EV6 GT, un crossover de 585 ch pour 2 200 kg ! A l’arrière, le système est plus traditionnel. Preuve en est avec les disques qui paraissent bien frêles derrière les grosses jantes de 20 pouces. Superbes, celles-ci sont chaussées de Michelin Pilot Sport EV de 225/40 R20. Ces gommes relativement étroites s’expliquent en partie par une masse totale de 1 590 kg. À titre d’exemple, le Volvo EX30 Single fait le choix de pneus de 245/40 R20. Un choix nécessaire, de l’aveu des ingénieurs suédois rencontrés récemment, pour supporter les 1 775 kg du SUV mais aussi pour délivrer avec bien plus d’efficacité les 272 ch et 343 Nm de couple.

Stellantis frappe fort avec l’Alfa Romeo Junior

Pour la déclinaison haut de gamme du Junior, les ingénieurs d’Alfa Romeo se sont donc lâchés afin de tirer le maximum d’une base technique pourtant très sage au départ. Habituée à alimenter une machine électrique de 156 ch, la batterie gave désormais le plus puissant moteur électrique compatible avec cette plateforme, tout en se permettant l’insolence de surpasser le Peugeot e-3008. En résulte des performances très correctes sur le papier, avec un 0-100 km/h annoncé en 5,9 s.

Aussi, la présence d’un train avant inédit chez les électriques de ce niveau de gamme est à souligner. Mise au point par l’équipe technique en charge des Alfa Romeo 8C Competizione, 4C , des Giulia et Stelvio Quadrifoglio ou autre Giulia GTA, rien que ça, la solution offre de bonnes parties de plaisir à son volant. Seuls regrets : une distribution du couple linéaire qui peut même interroger sur la présence des 280 ch, et l’absence d’artifices auditifs pour mieux engager le conducteur. Bref, il manque la petite étincelle pour allumer le passionné, mais Junior Veloce colle la banane tout de même.

En tout cas, Stellantis démontre une nouvelle fois ses ambitions dans le segment des voitures électriques. Non content de compter dans ses rangs la Maserati Granturismo Folgore, dont les choix techniques nous ont liquéfié le cerveau et font d’elle l’une des électriques les plus technos du moment, le groupe offre désormais un SUV capable de donner les sensations d’une petite GTI. De quoi faire naître le fantasme d’autres déclinaisons sportives similaires chez les autres marques, dont des hypothétiques Peugeot e-208 ou e-308 PSE, qui risquent toutefois de ne pas voir le jour. Dommage, mais la Fiat 600e et Lancia Ypsilon HF arrivent, avec 280 ch au programme pour elles aussi !