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Recharge de voiture électrique en copropriété, une progression à basse tension

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Borne de recharge copropriété
Borne de recharge copropriété

L’équipement en points de recharge en habitat collectif progresse, mais il reste beaucoup à faire.

La France vient donc de franchir fièrement début mai 2023 le cap des 100 000 points de recharge de véhicule électrique ouverts au public. Le mouvement est désormais bien lancé et la progression devrait être exponentielle, avec un objectif de 400 000 points d’ici 2030, ce qui devrait être réalisable sans trop de difficultés, sauf énorme imprévu (Covid 19 reste tranquille s’il te plait, on ne t’a pas sonné).

Ça c’est pour les points de recharge publics, mais ils ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, soit, pour parler chiffres, seulement 10% du nombre total de prises sur lesquelles on peut recharger un véhicule électrique en France, qui sont donc 1 million. Les 900 000 restantes étant installées dans des lieux privés, essentiellement les parkings d’entreprises, les résidences individuelles et les copropriétés. Selon Enedis, 52% des points de charge estimés privés sont situés chez les particuliers et 43% dans les entreprises.

Rappelons également que la recharge rapide sur voie publique ne représente que 10% des recharges, le reste s’effectuant à domicile (environ 85%) et en entreprise (environ 15%).

Puisque nous sommes dans les chiffres, restons-y encore un peu, car cela permettra d’éclairer notre sujet du jour.

  • Près de la moitié des Français (44%) vit en résidence collective (Source : INSEE).
  • Dans le parc privé, on dénombre environ 180 000 copropriétés disposant de plus de 10 logements et d’un parc de stationnement, ce qui représente environ 7 millions de places de parking.
  • Aujourd’hui environ 2% des copropriétés sont équipées d’infrastructures de recharge.

Vous avez compris. Malgré la progression spectaculaire des stations et bornes de recharge publiques, il reste un très gros angle mort quant aux possibilités offertes à celles et ceux qui voudraient franchir le cap de la propulsion électrique : celui de la recharge en copropriété. Un sujet que nous avons déjà souvent abordé, mais qui mérite que l’on s’y attarde de nouveau afin de faire le point… et constater que cela n’avance pas très vite.

Et pourtant, au cours des deux dernières années, l’opinion publique à l’égard des véhicules électriques a connu une évolution radicale. Autrefois considérée comme une exception, l’achat d’un véhicule électrique est désormais devenu un geste courant, et cette tendance ne fait que s’intensifier mois après mois. Les promoteurs immobiliers sont par conséquent de plus en plus confrontés à la nécessité de s’adapter rapidement à ce nouvel enjeu, car de plus en plus de clients s’interrogent sur la disponibilité de bornes de recharge dans leur parking. Selon Patrice Ravel, Président de la Commission Technique de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, il est indéniable qu’à l’avenir, il sera difficile de vendre des projets immobiliers si une infrastructure collective de recharge adéquate n’est pas mise en place.

La copropriété, nouvel eldorado des fournisseurs de recharge ?

Avec 7 millions de places potentiellement éligibles à un équipement en points de recharge, le marché a de quoi faire saliver. Mais il est loin d’être aussi « simple » et fluide que celui occupé par les grands opérateurs de réseaux comme Ionity, Fastned, Electra et autres. Tout d’abord en raison des résistances qui se font jour au sein des syndics de copropriétés et des bailleurs quant à l’équipement en bornes de recharge. Des résistances qui s’expliquent par des raisons techniques et pratiques liées à une méconnaissance du secteur, et qui laissent penser qu’il est compliqué de tirer des prises spécialisées dans les parkings. Mais aussi pour des raisons économiques, quand une majorité de copropriétaires ne souhaitent pas contribuer aux frais d’installation pour une minorité d’électromobilistes.

A cela s’ajoute certainement une petite dose d’idéologie anti-voiture électrique, telle que l’on peut la rencontrer dans la population générale. Autre paramètre à prendre en compte, qui rend également l’électrification des parkings en habitat collectif plus difficile, l’éparpillement du marché. Ce qui explique qu’à part quelques exceptions, comme un ZePlug par exemple, il existe peu d’opérateurs nationaux dans ce secteur, le gros du gâteau étant jusqu’à présent accaparé par des petites entreprises et artisans indépendants locaux.

Car, si tout point de charge supérieur à 3,7kW doit être installé par un professionnel ayant la mention IRVE (Infrastructure pour la Recharge de Véhicule Électriques et Hybrides Rechargeables), pour un électricien de métier, acquérir les compétences et cette mention n’est pas très compliqué. Il suffit en effet de suivre une formation, puis de faire la demande de la mention auprès d’organismes comme Qualifelec, Afnor Certification ou Qualit EnR. Une fois cette qualification obtenue, le professionnel IRVE est considéré comme un expert pour les infrastructures de bornes de recharge. Autre avantage pour lui et ses clients, le certificat IRVE est également obligatoire pour l’obtention de la prime Advenir, qui permet de financer une partie de l’installation.

Le « droit à la prise », un sésame en mousse ?

Vous en avez certainement entendu parler. Derrière ce terme très « républicain » se cache un droit introduit par un décret en… 2011. Je suis sûr que vous pensiez que c’était beaucoup plus récent. Un texte qui indique que tout utilisateur de véhicule électrique, qu’il soit propriétaire ou locataire résidant en copropriété peut faire valoir son droit d’installer – à ses frais – un dispositif de recharge sur sa place de parking.

Ce qui se traduit concrètement par l’installation d’un point de recharge raccordé au compteur des parties communes de l’immeuble. Il peut s’agir d’une simple prise domestique renforcée ou d’une borne spécifique, ce qui nécessite également la mise en place d’une solution de facturation des consommations.

Malgré cela, et peut-être aussi pour toutes ces raisons, le marché de la borne individuelle en copropriété peine à décoller comme il le devrait, et à suivre la demande. Et encore, nous ne parlons que des lieux disposant d’un parking souterrain directement attenant à la résidence, où le déploiement des chemins de câbles et de l’infrastructure sont finalement assez faciles. Pour les résidences avec parking en surface, ça se corse, car l’installation d’une infrastructure de recharge suppose de gros travaux de génie civil, avec notamment la nécessité de creuser des tranchées pour enterrer les câbles électriques…

Sans recharge en habitat collectif, pas de ZFE

La possibilité de recharger leur voiture à domicile et, dans une moindre mesure, sur leur lieu de travail, constitue donc une préoccupation majeure pour les résidents en habitat collectif, et un enjeu crucial pour les acteurs du marché, et même les politiques. Cette préférence de recharge à domicile s’explique par des considérations pratiques et économiques évidentes. Selon une étude réalisée par l’installateur ChargeGuru, relayée par l’association Avere France et reprise par la société spécialisée Michaud dans un livre blanc sur le sujet, la recharge à domicile permet une économie moyenne de 418,80 euros par an par rapport à une voiture thermique. En revanche, cette économie n’est pas applicable aux véhicules qui se rechargent exclusivement sur les bornes publiques, car les tarifs au kilowatt-heure peuvent être jusqu’à cinq fois plus élevés, en fonction de l’emplacement et du type de borne de recharge.

Rappelons que près d’un français sur deux réside en habitat collectif. La capacité de recharge à domicile est donc d’une importance primordiale pour les années à venir afin d’éviter qu’elle ne devienne un obstacle aux objectifs ambitieux de transition progressive vers des véhicules thermiques plus respectueux de l’environnement. Si les propriétaires de maisons individuelles peuvent facilement s’adapter à cette situation, l’électrification intensive des immeubles collectifs représente un défi bien plus complexe. Comme le rappellent également les auteurs du livre blanc Michaud, c’est précisément là que se trouve le principal enjeu, car les zones à faibles émissions de mobilité sont souvent associées aux grandes agglomérations, à une forte densité de population et donc à une prédominance de l’habitat collectif.

Plusieurs possibilités d’équipements et de facturation

Sur ce marché très morcelé, plusieurs solutions sont proposées et adoptées selon le contexte et les choix des syndics de copropriétés. Soit celui-ci décide de prendre en charge les travaux d’infrastructure (en gros, le câblage à partir du compteur jusqu’aux places de parking) et de répartir la charge sur l’ensemble des copropriétaires, déduction faite de la prime Advenir d’aide à la conversion vers l’électromobilité. Soit il sous-traite l’intégralité du déploiement, câblage et bornes inclus, à un prestataire externe spécialisé, qui prend en charge l’intégralité des coûts, et se rembourse en facturant un coût fixe de location ou de vente de la borne, ainsi que les recharges, directement aux utilisateurs, les résidents. Outre les milliers d’indépendants locaux, qui sont souvent choisis pour la première solution, les principaux acteurs de la deuxième sont des entreprises déjà bien établies, comme Zeplug, Waat, ou encore Park’n’Plug.

Mais le matériel ne serait pas grand chose sans le logiciel pour le faire fonctionner. C’est ainsi qu’à ces prestations s’ajoutent désormais des solutions de gestion « tout-en-un », souvent en mode SAAS, qui permettent de facturer les utilisateurs selon des critères de plus en plus fins. Nous avons parlé en début d’article du fait qu’une partie des recharges se faisaient en entreprise. C’est un paramètre qui s’ajoute donc à l’équation de la gestion de flottes, de la prise en charge des frais de route des collaborateurs, avec également une répercussion fiscale sur les avantages en nature.

En effet, quand un collaborateur doté d’une voiture de fonction fait un plein d’essence ou une recharge électrique sur une borne publique, il est aisé pour l’entreprise de tracer ses dépenses et de les prendre en charge en fournissant une carte société. C’est moins facile quand le collaborateur recharge sa voiture à domicile, a fortiori sur une borne en copropriété dont il n’est pas forcément propriétaire.

C’est pour ces cas d’usage récents que certaines entreprises – souvent des start-up – proposent des solutions de gestion intégrée prenant en compte l’ensemble des situations de recharge, en les agrégeant dans un logiciel (et souvent une app mobile) qui lui-même va se greffer au CRM de l’entreprise. Celle-ci sera donc à même de connaître toutes les dépenses de recharge du salarié, et de les prendre en charge selon le cas. Y compris si celui-ci recharge chez lui en vue d’un déplacement professionnel, ou pas. Parmi ces entreprises, on retrouve un géant international comme Geotab, mais aussi de jeunes pousses comme Monta ou Load Stations.

Sensibilisation et pédagogie

On le voit, les solutions ne manquent pas, et un nouveau décret 2022-1249 du 21 septembre 2022 dont la mise en application est imminente entend encore faciliter le déploiement des solutions de recharge en copropriété. Les solutions techniques, juridiques et logicielles sont là, tout est réuni pour que ce marché prenne un sérieux coup de boost. Il reste maintenant à convaincre encore et encore les décideurs, et à faire en sorte que ces derniers ne soient plus des freins à l’équipement massif des copropriétés.

Cela passera par de la pédagogie, de la sensibilisation et de la formation, au risque de voir émerger une nouvelle « fracture sociale », celle de l’accès à la recharge selon que l’on réside en habitat individuel ou collectif.

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