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Avec le développement rapide du marché de la voiture électrique, les assureurs font face à des défis inédits.
Tesla vient d’annoncer – sans surprise – que sa division assurances prendrait en compte les données de son Safety Score pour moduler ses tarifs en fonction de la qualité des conducteurs.
Rien de totalement révolutionnaire – nous avons vu récemment que ceci existe déjà avec d’autres assureurs, y compris par ici – mais l’information a quand même fait bondir ceux qui sont particulièrement sensibles aux questions de respect de la vie privée, alors d’autres y voient une opportunité de faire baisser leur facture d’assurance en récompense d’une conduite particulièrement vertueuse. Reste à s’entendre sur la définition réelle et objective de « conduite vertueuse » et sur la capacité d’un algorithme à l’évaluer…
Quoi qu’il en soit, on sent bien venir aussi le vent du changement induit par l’électromobilité dans le domaine de l’assurance. En fait, ce dernier souffle déjà sur la nuque des assureurs depuis plusieurs années, sans qu’ils sachent vraiment dans quelle direction il va tourner. Au temps des premières hybrides, on se souvient que certains assureurs proposaient des tarifs très avantageux pour soi-disant favoriser l’écoconduite et le passage à la « voiture verte », anticipant probablement le fait qu’écoconduite serait synonyme de comportements apaisés et donc de plus de sécurité et moins d’accidents. La MAAF notamment avait il y a quelques années une offre particulièrement alléchante pour des voitures de type Prius, aux alentours de 300 euros par an pour une couverture tous risques maximale (à condition d’avoir 50 % de bonus).
Puis le marché de l’électrique a commencé à décoller, et les assureurs ont senti le fameux vent tourner : plus chères, parfois plus difficiles à réparer, et souvent plus puissantes (ou en tout cas plus vives), les voitures électriques n’étaient peut-être plus une si bonne affaire, surtout si vous ajoutez Tesla dans l’équation, avec ses voitures pleines de capteurs et de caméras, que nombre de carrossiers traditionnels refusent de toucher (d’ailleurs Tesla exige de passer par un carrossier agréé, ce qui fait souvent grimper très fort la facture pour un simple défroissage).
Si les prix restent contenus pour le moment, puisque l’on peut encore assurer en tous risques une Model 3 Performance de plus de 500 chevaux pour moins de 900 euros par an, rien ne dit que l’on n’assistera pas à une envolée dans les prochaines années, quand le marché sera mature.
En fait, les assurances ont à faire face à plusieurs défis inédits, qui concernent non seulement les voitures, mais aussi un contexte nouveau créé par l’électromobilité. Ainsi il est désormais possible de « faire le plein » à domicile, ce qui n’ira probablement pas sans poser quelques problèmes d’infrastructure privée. Recharger tranquillement sur la prise domestique du garage (ou de la cuisine en passant le câble par la fenêtre) alors que l’installation électrique n’est pas aux normes peut réserver quelques surprises. Nous avons également vu récemment les questions que pose l’utilisation d’une prise P17 pour la recharge à domicile. Et nous ne parlerons pas des cas – rarissimes mais possibles – de combustion spontanée des batteries, qui peut causer de graves dégâts, voire réduire une habitation en cendres. Autant de scénarios sur lesquels les assureurs se pencheront tôt ou tard pour ajuster leurs tarifs, surtout si même les pompiers renâclent à intervenir en raison des problèmes particuliers que pose l’incendie d’une batterie de voiture électrique. Bientôt une clause interdisant de recharger de nuit ou quand il n’y a personne à la maison ? C’est déjà ce que nous faisons en appartement avec nos VAE.
D’autre part, on sait que la conduite autonome est intimement liée au développement de l’électromobilité, et avec elle le cortège de questions – presque philosophiques – sur l’attribution des responsabilités en cas d’accident. Ceux qui possèdent une voiture dotée d’une conduite autonome de niveau 2 savent probablement de quoi je parle, puisqu’ils auront probablement déjà expérimenté les joies d’un « freinage fantôme » à 130 sur autoroute, ou d’un changement de voie refusé, parce que les capteurs ou les caméras de la voiture ont vu un obstacle qui n’existe pas. Éternelle question : en cas d’accident provoqué par l’un de ces comportements sur lesquels même le conducteur le plus vigilant ne peut avoir qu’une influence limitée, qui est responsable ? Au moment où ces lignes sont écrites, personne n’a vraiment été capable de trancher. Autrement dit, ce sera probablement toujours la faute du conducteur, puisque justement il faut un responsable. Charge à lui ensuite de réunir des preuves et de se retourner contre le constructeur. Bon courage.
Alors bien sûr, dotées de dispositifs de conduite autonome ou très largement assistée, il est déjà démontré que les voitures sont beaucoup plus sûres, puisqu’elles sont capables de pallier les erreurs des conducteurs, et pourraient réduire jusqu’à 82 % le nombre d’accidents. Mais il n’est pas certain que cette nouvelle donne fasse pour autant baisser le prix des primes d’assurance, car il y aura toujours des arguments allant dans le sens d’un maintien des primes au niveau actuel, comme le prix des pièces, la complexité de la manipulation de certains éléments, et même le potentiel danger que représente l’intervention sur un engin électrifié à 400, voire 800 volts.
Autre source de questionnements, le fait que les voitures – et plus particulièrement électriques – sont bardées d’électronique, et le plus souvent connectées. Or qui dit connexion à un réseau dit potentielles failles propices à toutes formes de hacking et d’intrusion, avec tous les problèmes de sécurité que cela implique. Quid de la prise en compte de cette donnée dans la couverture d’un véhicule ? A contrario, les voitures actuelles vont probablement devenir de plus en plus difficiles à voler, pour les mêmes raisons (cf. le redoutable mode Sentinelle de Tesla), ce qui devrait conduire à une baisse de la prime au moins sur ce poste.
Autant d’éléments qui indiquent que, selon la formule consacrée, les assurances vont devoir se réinventer pour s’adapter à la nouvelle donne de l’électromobilité de masse. Elles l’ont déjà fait pour les mobilités douces et urbaines (assurances spéciales pour trottinettes par exemple), elles le feront, ou le font déjà, pour l‘assurance des voitures électriques.
Les assureurs sont comme la nature : ils ont horreur du vide. Juridique et tarifaire.
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