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Cela n’a pu passer inaperçu : le 14 février 2023 n’était pas qu’une St Valentin parmi d’autres, mais c’était aussi l’adoption, moins glamour, de la loi sur la fin des moteurs thermiques et hybrides en 2035 par le Parlement Européen. Le lendemain, nous étions avec BMW pour parler de l’hydrogène, et essayer le iX5 Hydrogen à Anvers en Belgique, justement. Sacré hasard ! Revue de détails.
Si vous êtes passionné(e) BMW, dur de ne pas évoquer le sacro-saint six cylindres qui a fait une grosse part de la réputation d’excellent motoriste du constructeur bavarois. Mais oui, en 2035, cela devrait être difficile de pouvoir encore y goûter sur un véhicule neuf. La loi actant la fin des moteurs thermiques et hybrides a tout de même fait débat, notamment face à la récente augmentation brusque du coût de l’énergie. Ainsi, le vote était finalement plus serré qu’attendu, avec 340 voix pour contre 279 voix contre et 21 abstentions. Bref, fin annoncée pour les moteurs thermiques et hybrides, tout du moins pour la grande série. Une clause de réexamen est prévue pour 2026 et de possibles ajustements.
Et comme nous le rappelait Oliver Zipse, Président du Conseil d’Administration du Groupe BMW qui nous a fait le grand honneur d’être présent lors d’une table ronde, BMW a toujours su profiter d’une infinie diversité en carrosseries, moteurs, déclinaisons … Et au thermique a suivi l’hybride (rechargeable), puis l’électrique, parsemés de quelques expérimentations hydrogène, raison de notre passage en Belgique.
Arrivés à Anvers, nous avons rapidement eu la meilleure potentielle introduction au sujet de l’essai iX5 Hydrogen avec cette table ronde en présence d’Oliver Zipse.
Selon lui, l’ADN de la marque munichoise est bien dans la flexibilité de l’offre. Que le dernier chef d’œuvre électrique constitué par l’i7 cohabite sans problème avec un SUV X5 hybride rechargeable à moteur thermique six-cylindres, tout comme avec une M4 purement thermique de 510 ch ou qu’une 320d Touring mild-hybrid, qui rappelle la part importante du diesel chez BMW, dont sont toujours friands les gros rouleurs. La part de marché de 3,4% de la marque, en augmentation, se verra soutenue par l’arrivée d’une offre hydrogène, demandée en sus de l’offre électrique.
M. Zipse faisait alors un point sur l’électrification. Souvenez-vous de celle qui a révolutionné la marque : la petite électrique i3 de 2013, suivant des vagues d’expérimentation sur base de Mini-E et de Série 1 Coupe « Active-E » ; un cycle électrique qui est sur le point de prendre la même forme pour l’hydrogène. Etait alors décidé il y a 10 ans de proposer de l’électrique sur toutes les plateformes initialement thermiques. Un acte marquant dans la démarche durable de BMW. M. Zipse rappelait malgré tout, alors, quelques failles de l’électrification : la complexe installation de l’infrastructure de recharge (notamment en Chine, aux Etats-Unis, en centre-ville..), le coût et la disponibilité des matières premières rares (lithium, nickel, cobalt..), ainsi que le perpétuel compromis sur l’encombrement des batteries, pour le meilleur rapport poids/autonomie.
À lire aussiCitroën ë-Jumpy Hydrogen : un utilitaire pour les longs trajets« L’électrique en seule solution, je pense que cela ne peut pas être possible. Il y aurait une proportion majoritaire de voitures thermiques en circulation, et une faible part de véhicules neufs, ce qui n’est pas une bonne idée. Cela peut marcher. Mais aussi être un vrai désastre » nous rappelait Oliver Zipse. La proportion se fait entre un parc roulant européen de 260 Millions de véhicules, avec seulement 10 à 15 Millions de véhicules neufs. « On a alors besoin d’une vaste variété d’énergies. »
Il y a une place pour une proposition complémentaire, à l’hydrogène, même de diffusion plus faible que l’électrique. Le client-type n’a alors pas accès à une offre de recharge électrique, ou simplement ce client d’une marque premium peut se dire simplement, sur un besoin individuel : « je ne veux pas d’une batterie de 500 kg dans ma voiture ». Seulement, la solution complémentaire à l’électrique doit permettre un vrai gain sur le climat, et ainsi être une source d’énergie zéro émissions.
L’hydrogène est alors stockable et transportable et le premier lieu de stockage est au sein du véhicule. Il existe diverses formes de transport de l’hydrogène, un des paramètres forts de sa durabilité, à surveiller. L’hydrogène vert est alors la solution optimale. M. Zipse était persuadé qu’il était plus facile de convertir une station-service existante à l’hydrogène que la complexe installation de bornes de recharge rapide pour véhicules électriques. Surtout que cette énergie est autant valable pour l’automobile (alors toujours prévu comme minoritaire) que pour l’aviation, le trafic maritime, les camions, etc. Une pluralité d’usages intéressante, qui verra d’ailleurs développer des stations hydrogène adaptées conjointement pour les autos et les camions. Plus ces usages se développeront, avec notamment plus de voitures à hydrogène vendues, plus le secteur se démocratisera.
On dénombre 7 stations d’hydrogène rien qu’à Munich, au fief allemand de BMW, 13 en Suisse, 48 en France dont 12 qui délivrent 700 bars de pression (source : h2-mobile.fr), tels que réclamés par nos prototypes iX5. Ainsi il existe 81 stations sur le continent américain ; 214 en Europe et Moyen-Orient ; 560 en Asie et Pacifique (Septembre 2022). Un réseau qui doit se développer pour être davantage réaliste ! Il est prévu de réduire la distance entre deux stations à 100 km d’ici 2027.
À lire aussiRenault : un concept de SUV à hydrogène, écologique et inclusifLa clé de cette flotte de prototypes est de continuer à anticiper 2035, sous la forte pression politique. Se côtoieront notamment électrique, hydrogène et e-fuels. Ce carburant alternatif pour les thermiques est d’ailleurs plus indiqué selon Oliver Zipse pour convertir certaines autos du parc roulant en place ; et une très infime proportion du parc de véhicules neufs. Le but majoritaire de toute cette stratégie restant d’avoir une offre disponible et accessible et pour le meilleur gain pour le climat. Que la flexibilité qui est chère à BMW permet de pouvoir éventuellement changer ses plans et ses structures en surveillant la demande des marchés.
Merci à la disponibilité d’Oliver Zipse pour ces échanges d’importance en vue de 2035.
On le notait dans le paragraphe précédent : l’iX5 Hydrogen est à cette source d’énergie ce qu’étaient les Mini-E et BMW Active-E pour l’électrique : une flotte de véhicules prototypes pour démontrer l’avancement et la flexibilité de BMW dans le domaine, face à de nombreux médias et politiques. L’aboutissement de 4 ans de développement.
La plateforme retenue est donc celle du X5 et de la Série 5 de nom de code CLAR – MKL, pour une auto haut de gamme avec une autonomie importante. Oliver Zipse prouvait alors qu’investir dans une plateforme spécifique sans le succès attendu était très risqué pour l’entreprise et que la flexibilité de l’adaptation d’une plateforme existante était alors la bonne solution pour une logique industrielle : d’un besoin naît un dimensionnement de projet avec la technologie adéquate.
Ainsi, le iX5 Hydrogen est en quelque sorte une voiture électrique, mais avec une pile à combustible et deux réservoirs d’hydrogène compressé à 700 bars ; la solution globale est ainsi bien plus efficiente que les premières expérimentations hydrogène avec un moteur thermique.
Le principe est d’avoir une voiture électrique sans inconvénients : le plein d’hydrogène est très comparable en durée à un plein d’essence, et coûte un peu plus cher, mais sans en être si éloigné, avec nos tarifs à la pompe actuels, assez élevés. Comptez une centaine d’euros pour remplir les 6 kg d’hydrogène, pour garantir une autonomie d’environ 500 kms.
Petit rappel physique, l’hydrogène va alors s’engager dans une réaction d’oxydo-réduction avec l’air, au sein de la pile à combustible, positionnée au sein du compartiment avant du véhicule. La réaction voit opérer un mouvement d’électrons, engageant une production d’électricité … et le produit final n’est que de l’eau, unique rejet à l’échappement !
À lire aussiFaire le plein de sa voiture à hydrogène, un futur danger pour la planète ?La pile à combustible voit alors adaptée sa tension à celle du moteur électrique arrière -provenant de l’iX (295 kW)- et de la batterie par un convertisseur DC-DC positionné sous la pile. Notons que les cellules de la pile à combustible sont partagées avec la Toyota Mirai, au cœur du partenariat entre les deux marques autour de l’hydrogène. Néanmoins, « l’enveloppe » de la pile à combustible est spécifique à BMW.
L’auto, ici simple propulsion, est normalement motorisée uniquement par le système à pile combustible, avec 125 kW. Mais la batterie positionnée à l’arrière, au-dessus du moteur électrique, peut fournir 170 kW de puissance supplémentaire « en boost », pour atteindre une puissance cumulée de 295 kW, soit 401 ch. De quoi permettre une vitesse de pointe d’environ 185 km/h, et un 0 à 100 km/h en moins de 6s. De quoi garantir des performances à même de séduire l’amateur de plaisir de conduite BMW !
La batterie est alors chargée par la pile à combustible et par les phases de freinage régénératif, à la manière d’un véhicule électrique.
Jürgen Guldner, Project Manager de la technologie Hydrogène chez BMW nous rappelait les cas d’usage idéaux de l’hydrogène : accès limité aux infrastructures de recharge électrique, besoin de flexibilité et longs voyages réguliers, conditions climatiques froides et usagers de remorques tractées.
M. Guldner nous assure alors que l’investissement cumulé sur l’hydrogène et l’électrique serait dans tous les cas inférieur de 20 à 34% à l’investissement à venir uniquement électrique, concernant l’Europe d’ici 2050 (source : Clean Hydrogen Partnership). Il nous confirme aussi que les deux sources d’énergies ont des analyses de cycles de vie (production, utilisation, recyclage) similaires, en sachant que la réduction d’émissions de CO2 est effective uniquement via des productions d’énergie de façon renouvelable ou à faible taux de CO2. Les émissions de CO2 sur tout le cycle de vie sont alors équivalentes entre les deux, transport de dihydrogène sur longue distance inclus.
Pour rentrer plus dans le détail des matériaux rares dont on entend souvent parler pour les véhicules électriques, M. Guldner nous précise que les véhicules à pile à combustible ont besoin de plus de 100 kg de moins de ces matériaux ; les batteries dédiées de 90% de moins de matériaux rares. Le platinum, matériau rare majoritaire des piles à combustible, ayant un taux de recyclage élevé.
Il est ensuite grand temps de prendre le volant de notre prototype de iX5 Hydrogen avec nos experts Timo Christ, Manager d’essais de développement et Volker Formanski, Chef du Développement fonctionnel et Système de Pile à combustible. Stylistiquement, notre X5 se différencie par quelques détails bleus auxquels on est habitués sur les électriques « BMW i », des jantes spécifiques ainsi qu’une calandre et une grille de bouclier imprimées en 3D. Aucune différence à bord et on n’est pas déboussolés lors des premières minutes de roulage : l’auto n’est « qu’une » bonne voiture électrique ! Silence, douceur, réactivité restent les maitres mots bien connus, et la réactivité est d’ailleurs exacerbée, même en mode de conduite Eco Pro, pour bien montrer la performance bien ancrée dans l’ADN de la marque à l’hélice. Pour être plus précis, la voiture donneuse est plus exactement un X5 hybride rechargeable, dans une version non restylée. Nos experts m’indiquaient alors que le poids est pour le moment globalement similaire sur cette version hydrogène, sans avoir encore véritablement travaillé à l’optimisation des composants en ce sens. Ainsi, l’auto reste imposante et d’une certaine masse (inférieure cependant à un véhicule électrique équivalent) qui reste assez sensible au volant sans toutefois être désagréable : ce n’est pas une ballerine !
Il y a malgré tout une grande nouveauté à bord de cet habitacle : les palettes au volant pour contrôler le freinage régénératif. Une première sur une BMW électrifiée, enfin ! Une occasion d’expérimenter le dispositif avant une éventuelle arrivée en série. Seulement ici, cela manque étonnamment de naturel : la palette « + » permet d’augmenter le frein moteur, quand les concurrents coréens et, il me semble, la grande majorité des constructeurs ayant le même dispositif proposent l’inverse : plus on clique sur la palette +, plus on tend vers la roue libre et inversement pour augmenter le frein moteur en approche d’un ralentissement ou d’un virage. Il est étonnant que BMW propose cette voie, sachant que les leviers de boites automatique des véhicules thermiques de la maison étaient réputés être dans le « bon sens », issu de la compétition : on rétrograde en poussant le levier vers l’avant, dans le même sens que le conducteur est « projeté » lors du freinage. Ou alors à l’inverse, on prend l’habitude de demander d’augmenter le frein moteur, donc du côté +… Sûrement une question d’habitude.
À lire aussiHopium : la Normandie vient en aide à la voiture à hydrogèneLors de l’essai, nous avons pu assister à une démonstration de plein d’hydrogène vert puis refaire un appoint sur notre véhicule d’essai. Il convient alors, tel un plein de GPL, de bien verrouiller le câble à l’embout de la trappe à carburant. L’auto dialogue alors avec la pompe, avant d’autoriser le ravitaillement à 700 bars. Rien de bien sorcier, finalement ! 32,80 € les 3,280 Kg, soit un demi réservoir. Une station avec un hydrogène moins cher, mais moins « vert » aussi … La consommation se mesure alors en kg de dihydrogène aux 100 km, et nous avons relevé 1,7 kg/100 km. Il conviendra de rassembler d’autres expériences pour comparaisons !
Véritablement orientée sur l’expérimentation hydrogène, cette dizaine de prototypes n’est pas équipée de tout l’attirail d’aides à la conduite évoluées, conduite semi-autonome de niveau 2 et consorts. On sait malgré tout que la marque bavaroise excelle dans le domaine, et particulièrement dans la transparence d’exécution. Elle bénéficie néanmoins des récents sons agrémentant le roulage électrique réalisés par le compositeur Hans Zimmer, apparus sur les i4, iX, i7 et désormais déployés sur les dernières hybrides rechargeables de la marque. Des sons évoluant et en fonction de la vitesse de roulage et de la pression d’accélérateur, pour ne pas être trop intrusifs. Le prototype a même des autres modes d’affichage et des playlists musicales associées ; décidément il fait bon vivre à bord de ce prototype hydrogène BMW, mais une BMW i7 rutilante nous attend déjà pour nous ramener à Bruxelles.
Les autos seront mises à disposition des médias, de politiques, etc. La première auto de série à inaugurer l’hydrogène, à utilisation indirecte d’électricité, n’est pas encore connue, mais elle arrivera avant la fin de la décennie sur l’imminente nouvelle plateforme technique Neue Klasse. On nous a évoqué la modernisation des usines pour appréhender cette nouvelle plateforme multi-énergie, notamment pensée pour l’électrique et l’hydrogène. La recherche combinée d’électrification à base de véhicules électriques et à hydrogène promet les meilleurs gains en baisse des émissions de CO2.
La démonstration est convaincante, rassemblant l’agrément de conduite, zéro émissions à l’utilisation, de l’électrique, avec une utilisation facilitée (moins dépendante de l’infrastructure, si le réseau se développe suffisamment) notablement par un temps de ravitaillement équivalent à nos pleins de carburant traditionnel. On ne peut que tomber d’accord sur le fait que tous les automobilistes n’ont pas les mêmes usages ni les mêmes besoins. Et que le maintien de la pluralité de solutions d’énergies envisagée par la marque à l’hélice est rassurante quant à « la grande annonce » de 2035. A suivre.
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Voiture électrique13 décembre 2024
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