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« Tel est pris qui croyait prendre » : ce proverbe, que nous devons à Jean de la Fontaine illustre parfaitement une tentative de manipulation de l’opinion publique dont plusieurs constructeurs automobiles, emmenés par Aston Martin, se sont rendus coupables.
Peu de temps après que le gouvernement britannique a annoncé l’interdiction, dès 2030, de la vente des véhicules à moteur thermique, une certaine presse s’est fait l’écho, outre-Manche, des conclusions d’une « étude » intitulée « Décarbonation du transport routier : il n’y a pas de miracle ». Parmi les recommandations du document, on peut lire : « La priorité devrait être accordée à la décarbonation du carburant, pas du véhicule ».
Selon ce « rapport », une voiture électrique, dont l’empreinte carbone serait plombée par la fabrication de la batterie, devrait parcourir plus de 78 000 kilomètres avant d’émettre moins de CO2 qu’un véhicule thermique de la même catégorie. Un chiffre qui n’a pas manqué d’étonner plusieurs experts et scientifiques dont les études ont conclu à des résultats beaucoup plus favorables aux véhicules électriques.
Relayée par la plupart des titres grand public du Royaume-Uni comme le Sunday Times, le Daily Mirror ou le Daily Telegraph, l’information n’a pas manqué de faire réagir Auke Hoekstra. Cet expert en mobilité électrique de l’Université Technologique d’Eindhoven (Pays-Bas) a déjà démonté par le passé plusieurs études biaisées ou carrément trompeuses, du même acabit.
Il se rend compte que le rapport en question n’est pas disponible sur internet : le document avait été envoyé directement aux différents journaux. L’ayant finalement obtenu par The Times, il découvre qu’en fait il ne s’agit pas d’une réelle étude, mais plutôt d’une brochure financée par Aston Martin, Honda, McLaren et Bosch, et publiée par l’agence Clarendon Communications. En décortiquant les hypothèses et les données sur lesquelles se sont basés les auteurs du « rapport », il constate qu’elles sont complètement fantaisistes. Les émissions de CO2 dues à l’extraction et la production du carburant de la voiture à essence n’ont par exemple pas été prises en compte.
En refaisant correctement les calculs, Auke Hoekstra obtient un résultat fort différent : le point d’équilibre entre les émissions d’un véhicule thermique et de son homologue électrique se situe à 25 000 km et non 78 000.
À lire aussiVoiture électrique : un bilan carbone bien meilleur que prévuL’histoire ne s’arrête pas là, car Michael Liebreich, le fondateur de l’agence Bloomberg New Energy Finance et ami de Hoekstra, se décide à enquêter sur l’origine de l’étude. Il découvre que la société Clarendon Communications n’existe que depuis quelques mois, qu’elle a pour seuls clients des constructeurs comme Aston Martin, Honda ou McLaren, qu’elle n’a aucun salarié et qu’elle a été fondée par Rebecca Stephen, une infirmière qui travaille à mi-temps pour le NHS, le système public de santé au Royaume-Uni. En poursuivant ses investigations, Liebreich aperçoit que Rebecca Stephen est en fait l’épouse de James Stephen, le directeur des relations publiques chez Aston Martin. Ils habitent ensemble à la même adresse que celle du siège de l’agence Clarendon Communications et leur maison s’appelle Clarendon House…
Du coup, la publication des résultats de cette fausse étude qui noircit l’empreinte écologique des voitures électriques devient une « affaire ». Elle éclate au grand jour lorsqu’elle apparaît en première page de The Guardian, l’un des plus grands quotidiens du royaume, sous le titre #Astongate, en référence au Dieselgate.
En réponse à une question du Gardian, Rebecca Stephen n’a pu qu’admettre la vérité : la fameuse « étude » a en réalité été « compilée » par les entreprises qui l’avaient commandée.
Matt Western, le député travailliste qui a rédigé la préface du rapport de Clarendon Communications s’est dit choqué par la révélation du scandale. « J’ai accepté de rédiger cette préface pour faire avancer la cause des véhicules propres, pas l’inverse », a-t-il déclaré, en ajoutant : « Je n’étais pas du tout au courant des liens qui existaient entre l’agence de communication et Aston Martin ».
Quant à Francis Ingham, le directeur général de l’Association des entreprises de communication, il a condamné les méthodes utilisées par les protagonistes de cette affaire. « Les agences de relations publiques telles que Clarendon doivent lutter contre la désinformation, pas la diffuser », a-t-il commenté.
À lire aussiLes consommations énergétiques cachées des véhicules thermiquesBernard DEBOYSER
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