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Honda n’en est pas à son coup d’essai avec le e:Ny1. La marque japonaise a déjà lancé un anecdotique SUV électrique à la fin des années 90, au destin aussi incroyable que son histoire !
Si de nombreux constructeurs se sont déjà lancés dans la course à l’électrification, les fabricants japonais restent au fond de la grille. Retard à l’allumage ou excès de prudence ? Quelle que soit la raison, ils ont tous pour point commun une arrivée sur la pointe des pieds dans le segment. C’est notamment le cas de Honda, qui ne propose aujourd’hui que le e:Ny1 dans sa gamme. Un SUV au demeurant agréable à vivre et à conduire, mais aux prestations très moyennes. Pourtant, le célèbre constructeur n’en est pas à son coup d’essai, et figure même parmi les premiers à s’être intéressé, non sans avance technologique, à la mobilité sans émission avec le Honda EV Plus.
Toutefois, si le Honda EV Plus a vu le jour en 1997, son histoire remonte véritablement à la fin des années 80. Motivée par les avancées de General Motors en matière de nouvelles motorisations, la marque japonaise a alors réquisitionné quatre ingénieurs pour travailler sur un projet de voiture électrique. Une occasion de déblayer les différentes contraintes techniques imposées par ce type de motorisation, les technologies n’étant pas celles que l’on connaît aujourd’hui.
À lire aussiGM EV1, la voiture électrique qui a marqué l’histoire…Cependant, les choses se sont considérablement accélérées dès 1990, date à laquelle a vu le jour le programme Zero-Emission Vehicle (ZEV-90) de la California Air Ressource Board. Ce mandat, qui avait pour but d’abaisser significativement la pollution de l’air dans l’état américain, stipulait notamment que les voitures électriques devraient représenter 2 % des ventes des constructeurs entre 1998 et 2000. Mais s’ajoutait aussi à cela un complexe système de crédit environnemental pour les voitures de moins de 1 700 kg. Dès lors, la marque japonaise s’est activée. Surtout qu’elle était la dernière des marques japonaises à s’y intéresser, alors que General Motors n’arrêtait pas de briller sous les projecteurs après avoir remporté le World Solar Challenge australien en 1987. Ainsi a été mis sur pied une équipe de 100 personnes dirigées par Junichi Araki, le grand chef de projet.
Conscients des limites de la technologie de l’époque, les ingénieurs ont donc sérieusement modifié une Civic, en lui greffant un moteur électrique disponible sur le marché et une batterie au plomb, à la densité désastreuse. Les ingénieurs avaient bien conscience que les solutions techniques n’étaient pas adaptées, mais le développement d’une nouvelle batterie plus légère prendrait bien plus de temps que prévu. Pour limiter le surpoids, ils ont donc décidé de remplacer les panneaux de carrosserie par des pièces en aluminium, et les vitres par du plastique. Terminé en juillet 1991, le prototype parfaitement fonctionnel a été présenté à J. Araki.
Mais sa réaction a été pour le moins inattendue, et résonne toujours, avec la légèreté permise par la prescription, dans les couloirs de la maison-mère : « vous appelez ça une voiture ? Qu’est ce que vous venez de faire ? Pourquoi ne creusez-vous pas simplement un trou et ne l’enterrez-vous pas ! », a ainsi proféré le chef de projet, vert de rage. Plus tard, ce dernier expliquait sa déception : « si une voiture ne mène pas à une plus grande expérience, autant ne pas la construire. J’ai été tellement déçu qu’ils n’aient pas mis plus de passion dans le projet ». Une passion chère à la marque japonaise, mais qu’il convient toutefois d’édulcorer en raison de la précipitation et de l’inexpérience des équipes d’alors en matière de mobilité électrique.
Dès lors, le département entièrement dédié au développement d’une voiture électrique a redéfini son cahier des charges et son objectif, qui était alors de « fabriquer un bon véhicule électrique sans compromis ». Pour cela, la marque a donc décidé de développer et produire ses propres machines électriques, celles disponibles à l’époque ne répondant en rien aux exigences. Plus petit, plus efficace et doté de nouvelles technologies comme l’absence de balais, ce moteur est devenu une référence sur l’archipel, attirant ainsi d’autres constructeurs japonais vers ces solutions techniques.
Ainsi a débuté en 1992 la phase D du projet, orientée vers la production. Resserrant toujours plus les vis de l’excellence, les décisionnaires ont indiqué, sinon ordonné, que ce véhicule devra être « le meilleur véhicule électrique du monde », exprimant « une conduite propre, silencieuse et douce », tout en étant « avancé ». D’autres prototypes ont pris forme pour être testés, alors que Honda dévoilait en parallèle le EV-X Concept au salon de Tokyo en 1993. Reste qu’un problème de taille subsistait : la batterie.
À lire aussiEssai – Honda e:Ny1 : les consommations et autonomies mesurées de notre SupertestToujours au plomb, celle-ci montrait des signes de dégradation alarmants lors d’une utilisation sous la chaleur de la côte ouest des Etats-Unis. L’utilisation d’une nouvelle chimie apparaissait donc comme une évidence pour les ingénieurs de plus en plus compétents, qui voyaient en la technologie Ni-MH (nickel-hydrure métallique), alors naissante, le salut de leur projet.
Ce n’est qu’ensuite qu’une flotte de dix Honda CUV-4 (des Honda Civic lourdement modifiées qui annonçaient sans le savoir les lignes de l’EV Plus) a été déployée sur les routes californiennes pour acquérir un maximum de données. Au total, ces véhicules auront cumulé 130 000 km de tests, permettant de mieux façonner la base du prochain véhicule électrique, dont le premier prototype réel obtenait son feu vert fin 1995. Le vrai coup d’envoi a été donné en janvier 1996 par Nabuhiko Kawamoto, le président de Honda à ce moment.
Ce n’est qu’en avril 1997 que le premier véhicule électrique de Honda a vu le jour. Assez fidèle dans ses lignes aux derniers prototypes de développement, le Honda EV Plus avait fait le choix d’un style à part : « tout ce que nous avions en tête était de créer un véhicule électrique avec une carrosserie originale, plutôt qu’une conversion d’un modèle existant. Nous avions mis trop d’énergie dans la voiture pour cela », précise Kenji Matsumoto, qui prenait part au projet dans les années 90, avant d’ajouter que la marque voulait « montrer qu’il s’agissait d’un véhicule électrique ».
À lire aussiEssai rétro – Toyota Prius 1 : elle a toujours eu raison !L’EV Plus se distinguait donc par un faciès dénué de calandre, et une déroutante ceinture de caisse à deux étages. Et pour cause : derrière la partie basse se cachait une bonne partie des modules de la batterie NiMH, d’une capacité totale de 28,7 kWh. Une intégration fidèle à ce que l’on connaît aujourd’hui, mais qui était assez inédite à l’époque pour une application en série. D’un poids de 486 kg, elle offrait alors une autonomie et une durée de vie bien supérieures à des batteries au plomb équivalentes. Honda annonçait entre 95 et 128 km d’autonomie, quand l’EPA a mesuré une autonomie mixte de 130 km, ou de 160 km en ville.
L’équipement se voulait aussi complet pour préserver au mieux l’autonomie. Le véhicule disposait ainsi d’un système de récupération d’énergie à la décélération et d’une pompe à chaleur. Cependant, pour réchauffer plus efficacement les passagers, l’EV Plus embarquait un chauffage au mazout, qui ne fonctionnait que sous les 4 °C pour répondre aux normes californiennes. Voilà qui explique la troublante sortie d’échappement timidement cachée derrière le bouclier lorsque l’on regarde sous la caisse. Côté recharge, seul un ravitaillement en courant alternatif était possible, avec une immobilisation de deux heures sur une prise 220 V.
L’efficience de la mécanique peut prêter à sourire aujourd’hui, mais il est à souligner que les innovations étaient là. Au contraire des performances, puisque les 66 ch/275 Nm de la machine installée à l’avant avaient toutes les peines du monde à faire avancer efficacement les 1 630 kg du véhicule. Avec un 0-30 mph (0-50 km/h) en 4,9 s et une vitesse maximale de 130 km/h, le modèle ne collait pas les passagers aux sièges. Mais Honda voulait à tout prix démontrer ses compétences en matière de motorisation électrique, et que la technologie pouvait aussi rimer avec les performances. Le meilleur juge de paix pour cette mission ? La montagne de Pike Peak !
Ainsi a vu le jour en 1999 une délirante version avec un moteur électrique installé à l’arrière et équipée de batteries supplémentaires. Mené par Teruo Sugita, ce modèle a ainsi décroché un record dans la catégorie naissante des voitures électriques avec un chrono’ de 15:19,91. Voilà qui permettait à Honda de prendre sa revanche sur General Motors, et de s’offrir une belle couverture médiatique.
Mais voilà, malgré son extraordinaire gestation, le Honda EV Plus n’a jamais rencontré le succès en raison d’un prix totalement démesuré de 53 999 $, quand une Civic gravitait autour des 12 000 $. Cependant, pour mieux diffuser son véhicule, Honda a décidé de mettre en place un système de location de trois ans au prix de 455 $ par mois. Le contrat comprenait une assurance tous risques, l’entretien et l’assistance. Mais cela couvrait aussi le remplacement (à faire tous les trois ans) de la batterie, estimée au prix de 20 000 $ !
Voilà qui n’était sans doute pas suffisant. Avant de sortir le dernier modèle des chaînes en avril 1999, la marque aura officiellement loué 325 EV Plus, avec 300 modèles aux Etats-Unis, 20 au Japon et seulement cinq en Europe, dont cet exemplaire Emerald Green religieusement conservé par le centre de développement d’Offenbach en Allemagne. Car il faut dire que l’EV Plus n’est plus vraiment de ce monde : après avoir tenté de maintenir ce véhicule électrique en circulation suite à l’allégement de la norme ZEV, Honda a décidé d’abandonner le segment des électriques, de reprendre la très grande majorité des exemplaires…et de les détruire. Une bien triste fin pour ce véhicule électrique qui, lui aussi, a eu tort d’avoir raison trop tôt !
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