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Fabien Calvet, de France Routes : ce que pense Monsieur Camion de l’avenir électrique des poids lourds

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Fabien Calvet, journaliste spécialisé camions chez France Routes
Fabien Calvet, journaliste spécialisé camions chez France Routes

Né en 1971, Fabien Calvet collabore au média spécialisé France Routes depuis ses 17 ans. Avec la chaîne Youtube de ce média, ses lecteurs ont découvert les essais de camions électriques avec, en prime, des commentaires fortement teinté de son accent venu d’Occitanie. Comment ce « Diesel Addict », comme il se définit lui-même, imagine le futur des poids lourds ?

Naissance d’un article

Soyez en persuadés, chers lecteurs d’Automobile Propre, les commentaires que vous déposez à la suite de nos articles sont une source inépuisable de sujets. Il y a quelques mois, l’un d’entre vous a glissé dans sa contribution un lien vers une vidéo Youtube où Fabien Calvet expérimente avec un tracteur routier électrique Scania 40 R la ligne des primeurs entre Perpignan et Rungis.

Nous avons découvert un reportage intéressant et très bien ficelé passant par l’aire du Larzac pour une recharge, là où l’un de nos lecteurs avait indiqué avoir lui-même galéré pour brancher sa voiture électrique tractant une caravane. Monsieur Camion, comme beaucoup nomment Fabien Calvet, a dû lui-même dételer puis prendre un sens interdit pour accéder à la station Ionity ouverte sur ce site de l’autoroute A75.

Ce petit clin d’œil du hasard nous a décidés à rencontrer, au moins par le biais d’une chaleureuse discussion téléphonique, ce journaliste qui met de la passion dans ses multiples activités. A l’arrivée, voici une interview que nous dédions tout particulièrement à nos lecteurs qui exercent un métier de la route et à ceux qui travaillent dans des entreprises en rapport avec le transport, que ce soit pour déplacer du fret ou des voyageurs.

Échec du rail sur la route des primeurs

Derrière son périple qui a été récompensé sur Internet de plus de 365 commentaires et 69 000 vues mi-février 2025, Fabien Calvet voulait rebondir sur la disparition du train des primeurs démarré en 1986 puis arrêté avec les années Covid, mais relancé en octobre 2021 et finalement supprimé fin juin 2024. La ligne devait permettre de transporter à l’année 140 000 tonnes de fruits et légumes : « L’acheminement par le rail n’était pas économiquement viable, en plus des retards incompatibles avec les besoins et la nature des charges transportées. Ça ne marche pas ».

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D’où l’idée du journaliste essayeur de tester la ligne avec un camion électrique : « J’ai voulu montrer qu’on pourrait le faire par camion sans émission carbone, mais ça tournerait aujourd’hui au cauchemar parce que l’infrastructure de recharge n’est pas là. Perdre du temps à dételer et raccrocher, un employé ne pourrait se le permettre, et prendre un sens interdit le mettrait hors la loi. Ce sont les limites de l’écologie punitive plutôt qu’évolutive. Pourtant, les constructeurs sont prêts à livrer des modèles électriques ».

Globalement, concernant le transport du fret, « il y a énormément de choses à dire et qui ne sont pas expliquées auprès du grand public. Aujourd’hui, le camion est perçu comme polluant et faisant chier les gens, mais il est à la base de ce que l’on a dans le frigo. Le rail ne pourra jamais représenter au-delà de 2 % du fret routier ».

L’électrique gagnant dans les fortes montées

Si l’infrastructure de recharge n’est pas prête, le camion branché, lui, ressort blanchi de l’expérimentation : « En termes d’aménagement, que ce soit le diesel ou l’électrique, on a un même confort de très haut niveau. Sur le trajet, il y a de fortes côtes pénalisantes pour les reprises et changements de vitesse. Avec l’électrique, il n’y a pas de rupture de charge, le couple est toujours le même, et c’est progressif. On a une conduite fluide et constante, ce qui change réellement la perception au volant. C’est génial ! ».

Le même exercice avec un camion au GNV/bioGNV ne serait pas convaincant : « On aurait alors un veau, sans frein moteur et avec un couple trop limité. On peut avoir 3 800 Nm sur un diesel ». Pour comparaison, les chiffres tombent à 2 500 Nm sur le tracteur routier Volvo FH GNV, 2 300 Nm chez Scania avec le moteur OC13 104, et 2 000 Nm pour l’Iveco S-Way GNV.

Pour Fabien Calvet, les motorisations au gaz naturel ont toutefois un intérêt : « Elles n’ont du sens qu’avec du biogaz. L’homme est très fort puisque, de sa propre merde, il arrive à produire du carburant. Pour un centre d’enfouissement de déchets avec production de biogaz, il serait stupide de rouler au gazole. Il est plus intéressant que les camions de collecte fonctionnent au bioGNV. L’Allemagne est très en avance sur le sujet avec ses méthaniseurs dans les petites villes ».

Un mix de carburants alternatifs pour le diesel

Pour le journaliste de France Routes, imaginer se passer du diesel est une aberration : « Pour certaines catégories de camions, comme les convois exceptionnels, le transport de grumes depuis les forêts, la montagne, etc., on a des consommations qui atteignent les 60 l/100 km. Les batteries d’un camion électrique ne tiendraient pas. Et s’il tombe en panne d’énergie en pleine montagne, on fait comment ? Il faut rester lucide sur ce qui est faisable ou non. Le technicien que je suis et spécialiste des camions a une vision qui n’est pas celle des politiques qui n’y connaissent rien. Un camion, ce n’est pas une voiture ».

Globalement, Fabien Calvet estime que la marche forcée vers l’électrique est dangereuse : « J’ai peur qu’on entre dans un phénomène irréversible qui fasse crever les constructeurs européens, surtout ceux qui fabriquent des voitures. Le risque est moins grand pour les camions, car les Chinois ne se sont pas encore positionnés dessus et n’ont pas de réseaux en Europe. Vis-vis des transporteurs, il y a une obligation de résultats qu’ils ne peuvent fournir ».

Pour faire fonctionner les moteurs diesel des poids lourds, la solution passerait par « un mix de carburants alternatifs » : « On a du B100 fait avec de l’huile de colza, qui pose cependant la question de la disponibilité des terres pour l’alimentation. On sait faire du XTL à partir de restes alimentaires collectés auprès de chaînes comme McDo, KFC ou Burger King. Il est même possible d’en faire avec des déchets en plastique, et il y en a plein les océans. C’est ce qu’utilise mon fils pour ses courses de camions ».

L’hybride abandonné sur les camions

Fabien Calvet regrette la disparition de l’hybride : « Le sujet a complètement été abandonné pour les camions. Scania avait fait des essais dessus et c’était génial. On arrivait au bout de la journée à obtenir une baisse de 15-20 % de la consommation. Tu pouvais faire ton Lille-Paris sur le moteur diesel, et en arrivant en région parisienne, tu appuyais sur le bouton ZE et tu roulais à l’électrique avec une autonomie comprise entre 60 et 100 km. Le camion qui entre dans la capitale pour une livraison va faire tout au plus 20 bornes ».

L’hybride pouvait donner une autre image des poids lourds : « Les camions sont vus comme polluants et dangereux. Avec l’hybridation, dès que la vitesse tombait en dessous de 50 km/h, la motorisation passait en mode VE. En réduisant les nuisances sonores à la traversée des villes et villages, on améliore l’image des transporteurs avec un impact positif sur la qualité de vie. Dommage, l’hybride est pourtant abandonné ».

Le journaliste de France Routes n’est pas contre l’électrique, mais pour un mix de solutions : « La capacité d’énergie nécessaire à recharger les camions s’ils étaient tous électriques serait énorme. Je reconnais l’intérêt ainsi que le côté technologique qui est passionnant. Pour une entreprise comme Fedex qui fait des Paris-Toulouse pour transporter des plis et colis, l’électrique a du sens ».

Les casquettes de M. Camion

L’ouverture de Fabien Calvet à l’électrique et à la mobilité durable s’apprécie au regard de ses nombreuses casquettes et de ses engagements. Celui qui, quand il avait dix ans, écoutait Max Meynier à la radio avant de s’endormir, mérite amplement son surnom de Monsieur Camion. Il se souvient encore de son premier article pour France Routes sept ans plus tard : « C’était sur un Volvo F12 personnalisé avec un coucher de soleil. Cet article, c’était le Graal : j’étais publié dans le truc que je lisais depuis gosse ».

Le journaliste spécialisé a aussi été champion de courses de camions en particulier aux 24 Heures du Mans, président de la commission camions pour la Fédération française du sport automobile, directeur des courses pendant 10 ans pour le Dakar : « Là, mon rôle a été de remettre de l’ordre du côté des camions. C’est un univers très différent des voitures. Etienne Lavigne, le patron du Dakar, avait dit de moi : ‘Seul un camionneur saura parler aux camionneurs’ ».

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Le début des essais de camions électriques pour France Routes remonte à cinq ou six ans : « Le premier que j’ai eu entre les mains, c’était un proto du Mercedes eActros 300. C’était un porteur 19-26 tonnes pour des livraisons en urbain et périurbain. Là, l’électrique fait sens. Le camion mis en circulation trois ans plus tard avait beaucoup évolué, bien plus qu’un diesel entre son proto et son modèle commercialisé. Il y a eu pas mal de balbutiements, de rectifications et de changements notables au niveau de la conception ».

Truck of the Year

Parmi ses casquettes à faire pâlir la collection personnelle de notre Maxime Fontanier, Fabien Calvet est aussi au jury pour le prix international du camion de l’année. Pour 2025, c’est le tracteur routier Mercedes eActros 600 qui a été distingué : « Il affiche des performances et des rendements jusque-là inconnus, dont cette consommation de 90 kWh/100 km, contre 120 kWh avant lui. C’est du jamais vu d’obtenir plus de 20 % de progrès en un an. D’où une autonomie de 500-600 km, très améliorée par rapport aux 300 km des gros porteurs auparavant ».

En 2024, c’était déjà un camion électrique qui avait été mis en avant par le trophée Truck of the Year : « C’était le Volvo FH Electric dont l’architecture reprenait la boîte et le pont des modèles diesel, un peu comme un rétrofit. Les deux éléments étaient communs au trois motorisations en comprenant celle au gaz. Mais là, le Mercedes eActros 600 est très différent avec son e-axle qui remplit à lui seul ces fonctions en plus du moteur. On à une régénération qui permet de se passer le plus possible des freins mécaniques et d’en garder tout le potentiel en cas de besoin ».

Ces progrès font dire à notre confrère : « Dans les dix ans qui arrivent, on va assister concernant les camions à autant de changements que depuis les cent dernières années. Nous avons aussi le prix ‘Truck Innovation Award’ qui lui, à la place de distinguer un camion tout récemment commercialisé, récompense des concepts ou prototypes. En 2025, c’est MAN qui l’a reçu pour son hTGX à moteur thermique H2. C’est une nouvelle piste à condition d’avoir de l’hydrogène vert obtenu, par exemple, d’éoliennes produisant pour rien ou au Maroc en pompant de l’eau dans la mer ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Fabien Calvet pour son accueil au téléphone, sa disponibilité et son témoignage que nous avons sollicité. Un grand merci également à notre lecteur qui avait signalé la vidéo Youtube du Perpignan-Rungis de France Routes.

Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.

Avis de l'auteur

Au delà du contexte climatique qui pousse à la mobilité durable, informer sur l'électrique, c'est autant parler des points positifs que de ce qui pose problème. Alors que 2024 a été émaillé de rapides reportages déséquilibrés sur le sujet car uniquement à charge, les essais de camions réalisés par Fabien Calvet sont très équilibrés concernant l'intérêt pour les transporteurs d'exploiter les modèles branchés. Ce qui ne va pas, il ne se prive pas de le dire, et ce qui va, il sait très bien le mettre en avant aussi. Donner la parole à ce journaliste spécialisé permet de mieux comprendre là où ça coince avec les camions électriques et ceux fonctionnant au gaz. Parmi les points qui ont retenu notre attention, ce carburant alternatif XTL produit avec des déchets en plastique. Comme ces derniers débordent littéralement en divers coins du globe, c'est une piste à ne pas négliger. Des bateaux ont été équipés pour récupérer cette pollution des mers qui cause perturbe la faune. Avec de sérieux débouchés, ce scénario ne peut que s'étendre. En prolongement de la présente interview, nous allons solliciter un dirigeant d'entreprise dont l'activité est justement de produire ce carburant synthétique proche du gazole. Si l'entretien avec Fabien Calvet a été aussi chaleureux et détendu, c'est aussi parce que le métier que je souhaitais exercer lorsque j'étais gamin, c'était chauffeur poids lourd à l'international, comme un de mes oncles et son fils aîné. La différence entre le journaliste de France Routes et moi, c'est que lui est allé au-delà des conseils de ses parents de ne pas suivre cette voie. Mais nous avons un point commun. Même s'il y a cinq ans d'écart entre Monsieur Camion et moi, nous avons tous les deux rêvé de la route en écoutant Max Meynier sur RTL avant de nous endormir, vers nos dix ans.

Philippe SCHWOERER

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