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L’Union européenne a fixé un cap ambitieux : interdire la vente de voitures thermiques neuves d’ici 2035. Mais ne va-t-elle pas trop vite en besogne ?
C’est une information qui attiré notre attention la semaine dernière. Selon une étude du cabinet McKinsey menée à l’échelle mondiale, une part importante de propriétaires de voitures électriques envisageraient d’abandonner leur monture au moment d’en changer pour revenir au thermique. On le sait, ce genre d’étude fleurit régulièrement, avec plus ou moins de sérieux. Sauf que cette fois le panel consulté laisse entendre qu’il s’agit d’une tendance à prendre en considération, puisque dans certains pays, cela concernerait près d’un électromobiliste sur deux.
Même si le marché semble solide en Europe et notamment en France, cela soulève quand même quelques interrogations, d’autant que si l’on prête un peu attention au sujet, les signaux plutôt négatifs semblent s’accumuler comme autant de nuages menaçants annonçant une tempête à venir.
Mercedes-Benz, l’un des groupes historiques à avoir embrassé avec le plus de détermination et de vélocité la transition vers l’électrique, freine désormais ses investissements dans le secteur. Le géant teuton, exemplaire dans sa transition jusqu’à récemment, revoit en effet sa stratégie d’investissement dans l’électrique face à un marché en ralentissement. D’une part, le groupe abandonne son projet de plateforme dédiée aux modèles électriques haut de gamme, initialement prévue pour 2028. Au lieu de cela, l’entreprise opte pour une approche plus flexible, en produisant sur une même ligne des véhicules électriques et à combustion jusqu’aux années 2030. Cette décision vise à optimiser les coûts et l’efficacité de production. Le PDG Ola Källenius a revu à la baisse les objectifs de production de véhicules électriques et hybrides, passant de 50% en 2025 à 50% d’ici la fin de la décennie. Cette réorientation s’explique par la faiblesse des ventes de modèles électriques et la nécessité pour Mercedes-Benz de redresser sa rentabilité, qui a chuté en 2023. Des indices qui ne sont pas anodins et qui pourraient être symptomatiques d’un ralentissement plus global du marché, voire d’un malaise assez profond.
D’autres signaux nous alertent et laissent penser que malgré un développement et une croissance encourageants, rien n’est encore totalement acquis en matière d’électrification, et que les volte-faces sont toujours possibles, tant du point de vue industriel que politique. Ainsi apprend-on également qu’au royaume de la voiture électrique, j’ai nommé la Chine, ou les ventes de voitures électriques neuves représentent désormais un modèle sur quatre, les consommateurs seraient de plus en plus attirés par les véhicules hybrides, qui ne sont autres que des thermiques déguisées (et alourdies). Les constructeurs semblent d’ailleurs répondre à la tendance (ou en sont-ils à l’origine ?) puisque le leader BYD vient de sortir une version hybride dérivée de sa désormais célèbre Seal, offrant plus de 2000 km d’autonomie en cumulant les deux énergies. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on peut croire, le constructeur chinois n’est pas encore un spécialiste de l’électrique, puisque les hybrides rechargeables et prolongateurs d’autonomie représentent près de 50 % de ses ventes.
Qu’on le veuille ou non, qu’on adule la marque ou qu’on la déteste, il n’en reste pas moins que l’un des baromètres les plus regardés sur la météo de l’électrique reste Tesla. Et c’est un peu compliqué. Alors que les ventes de voitures électriques ont connu une croissance fulgurante ces dernières années, des signaux inquiétants apparaissent. La Model Y de Tesla, fer de lance de la révolution électrique, voit ses ventes chuter en Europe. D’autre part, les ventes de voitures électriques semblent s’essouffler en Europe. Selon les derniers chiffres connus, ceux de mai 2024, la part de marché des voitures électriques a reculé en Europe, avec des ventes ayant chuté de 12 % par rapport à l’année dernière. Dans le même temps, les hybrides simples progressent. Si chez nous les électriques continuent de progresser et représentent 16,9 % des ventes contre 15,6 % l’année dernière, il n’en va pas de même en Allemagne, où la situation est préoccupante, voire alarmante. En effet, nos voisins d’outre-Rhin enregistrent une baisse de pas moins de 30,6 % des ventes à périmètre comparable. En un an, la part des électriques est passée de 17,3 % à 12,6 % dans le pays. Cela s’explique évidemment par la suppression brutale du bonus écologique à la fin de l’année 2023. La Norvège, pays de l’électrique par excellence voit aussi ses ventes de VE baisser.
De fait, la transition à marche forcée vers l’électrique dans l’industrie automobile se révèle être un défi complexe et multidimensionnel. Le cas de Mercedes-Benz met en lumière les obstacles auxquels sont confrontés les constructeurs. Cela nécessite en effet des investissements colossaux puisque le développement de nouvelles plateformes et technologies électriques nécessite des capitaux considérables. Ensuite, une adaptation de la production est nécessaire, et les usines doivent être reconfigurées pour accueillir les nouvelles lignes de production, ce qui implique des coûts et des délais importants. La formation du personnel est également cruciale à tous les niveaux de l’entreprise car de la fabrication à la vente, les employés doivent acquérir de nouvelles compétences pour travailler sur les véhicules électriques. La gestion de la chaîne d’approvisionnement doit être également revue de fond en comble, et les fournisseurs doivent également s’adapter à cette transition, ce qui peut entraîner des perturbations. Enfin, les incertitudes du marché ne sont pas de nature à rassurer industriels et investisseurs, car on voit que la demande pour les véhicules électriques varie considérablement selon les régions et les segments de marché.
Face à ces défis, de nombreux constructeurs adoptent une approche plus pragmatique et flexible. Ils maintiennent une offre diversifiée, incluant des motorisations thermiques avancées, tout en poursuivant le développement de leurs gammes électriques. Cette stratégie permet de s’adapter aux différentes réalités du marché mondial et aux préférences des consommateurs.
Et ce n’est pas en regardant du côté des leaders politiques que les constructeurs pourront se rassurer. En France, le parti ayant remporté la majorité relative au premier tour des élections législatives annonce clairement la couleur : haro sur l’électrique et marche arrière sur la directive européenne de l’abandon du thermique en 2035. Idem pour LR. Mais c’est aussi du côté des USA qu’il faut regarder. Si le gouvernement actuel a résolument affirmé sa position en faveur de l’électrique, il n’en va pas de même du candidat Trump, qui a déjà clairement annoncé la couleur en se positionnant contre. Comme quoi, que ce soit en Europe ou aux US, le proverbial clivage droite-gauche s’exprime aussi dans la motorisation des voitures…
Enfin, il reste les consommateurs, les citoyens, qui sont la donnée-clé de l’équation, et qui dans leur ensemble semblent avoir assez mal vécu l’injonction du passage à l’électrique en 2035, vue comme une décision de technocrates européens un peu hors sol et surtout peu au fait des réalités économiques et des difficultés d’une majorité à mettre plus de 10 à 15 000 euros dans une auto. Cette décision a certainement clivé plus que de raison et aura dressé une partie importante de l’opinion contre la voiture électrique.
Une évolution qui souligne en tout cas la complexité de la transition énergétique dans l’automobile. Et qui suggère que le passage à une mobilité entièrement électrique pourrait prendre plus de temps que prévu initialement, nécessitant une approche équilibrée entre innovation et réalisme économique.
L’Europe fait donc face à plusieurs obstacles dans sa course à l’électrification :
Des freins qui pourraient donc compromettre l’objectif ambitieux de 2035 et qui posent la question de savoir si dans son incessante quête de vertu écologique, l’Europe ne met pas parfois la charrue avant les bœufs. Si c’est le cas, l’Union Européenne devra trouver un équilibre délicat entre ambition écologique et réalisme économique. Si l’on considère que la voiture électrique reste l’avenir de l’automobile (ce qui est encore loin d’être le cas de tout le monde), la route pour y parvenir pourrait être plus sinueuse que prévu. En fin de compte, la question n’est peut-être pas de savoir si l’Europe va trop vite, mais plutôt si elle emprunte le bon chemin pour atteindre sa destination. L’enjeu est de taille : réussir la transition écologique tout en préservant la compétitivité de son industrie automobile.
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