La marque chinoise lance son Seal U en hybride rechargeable. Une décision plus logique qu’elle n’en a l’air…

La BYD F3DM, cela vous dit quelque chose ? Si elle est inconnue à votre bataillon, personne ne vous en voudra. Cette berline chinoise aux lignes parfaitement banales changea pourtant le destin de la marque de Shenzhen à la fin des années 2000.

Elle fut, en effet, l’une des premières voitures hybrides rechargeables produites pour de bon en série – à environ 3 000 exemplaires – trois ans avant la plus sexy et médiatisée Fisker Karma. Surtout, sa technologie attira l’œil de l’investisseur et milliardaire américain Warren Buffett, qui jugea bon d’aider à grands renforts de dollars la jeune pousse BYD dans son ascension…

Quinze ans plus tard et désormais 9ᵉ constructeur automobile mondial, BYD poursuit son offensive en Europe, entamée il y a un an et demi. Et cette fois, avec un PHEV. La récente Seal U sera disponible dès cet été en « hybride à câble » sur notre marché, avec trois chaînes de puissance et packs batterie allant de 217 à 323 ch.

« SEAL U DM-i constitue une solution efficace, pratique, accessible et respectueuse de l’environnement pour les besoins de mobilité quotidiens et les longs trajets sans souci », assurait le groupe chinois à l’occasion des premiers essais de son nouveau véhicule, à Rome (Italie).

Jusqu’ici BYD disposait d’une gamme de six modèles 100 % électriques sur le marché français. La décision de se lancer sur ce créneau peut surprendre au moment où ces véhicules ont mauvaise presse, notamment en raison de l’écart entre les valeurs homologuées et les émissions et consommations réelles.

BYD très PHEV

Pourtant, si l’on observe attentivement, la décision de commercialiser le Seal-U PHEV n’a rien d’irrationnel.

D’abord, parce que BYD en fabrique des palanquées en Chine. Notre BYD Seal U — appelé Song Plus en République populaire — a été écoulé à près de 300 000 exemplaires l’an dernier avec cette chaîne de puissance, contre moins de 100 000 pour son compère électrique. C’est plus que l’ensemble des immatriculations de Tesla Model Y en Europe…

Sur l’ensemble de l’exercice 2023, 48 % des BYD, Denza ou Yangwang (les autres marques du groupe) immatriculées en Chine étaient ainsi des hybrides rechargeables. La technologie « maison » nommée DM-i et sa variante « sport » DM-p est donc plus qu’amortie. « Plus de 3 millions de chaînes de puissance DM servent nos clients dans le monde », martelait Michael Shu, le patron de BYD Europe lors de la conférence de presse du géant au dernier salon de Genève.

Ensuite parce que c’est le moment d’exporter. En 2023, plus de 90 % de voitures fabriquées par BYD ne franchissaient pas les frontières extérieures de la Chine. Mais la violente guerre des prix sur ce marché pousse les constructeurs à favoriser l’export et ses marges potentiellement supérieures. Et après une période d’euphorie — les ventes de PHEV ont été multipliées par six entre 2019 et 2023 – le marché local semble saturé.

Amener en Europe le SUV Song/Seal déjà adapté à notre continent pour l’électrique (homologation, crash-tests, réglages…) n’a donc rien d’infranchissable. Pour l’heure, les droits de douane s’élèvent à 10 % de la valeur du véhicule. Les récentes évolutions – passage à 27 % pour BYD, 38 % pour MG – ne concernent que les voitures électriques. Revenir à l’hybride pour le marché européen est donc rationnel vu de Shenzhen.

Et cette arrivée permet à la marque d’animer davantage un réseau en pleine croissance, avec une trentaine de points de vente en France aujourd’hui, une soixantaine d’ici à la fin d’année. Et d’y attirer des clients particuliers ou professionnels pas encore prêts à la bascule vers le « tout électrique ».  Surtout à un moment où la demande de voitures électriques connaît un creux. L’effet curiosité lié au sponsoring de l’Euro 2024 devrait aider.

À lire aussi Essai gamme BYD : quelle est la meilleure électrique du géant chinois ?

BYD Seal U hybride rechargeable : avantage prix

D’autant que les tarifs s’annoncent plus alléchants que ceux de la concurrence. Pour l’heure, les prix du Seal U DM-i en France ne sont pas définitivement fixés. Mais il sera proposé en Allemagne à partir de 38 900 euros (217 ch) et y culminera à 44 500 euros (323 ch).

Les concurrents européens sont nettement plus coûteux. Le Citroën C5 Aircross hybride rechargeable de 180 ch figure aujourd’hui au catalogue à 44 300 euros. Et le Volkswagen Tiguan d’entrée de gamme est vendu 53 550 euros. Ouch.

Or, l’arrivée du BYD Seal U DM-i survient alors que la demande pour les hybrides rechargeables repart à la hausse. En février, les ventes de PHEV ont augmenté de 11,3 % par rapport au même mois de l’année précédente. Gestionnaires de flottes et particuliers temporisent face aux incertitudes du marché EV, sans cesse déformé par les aides étatiques et les rétropédalages des constructeurs. L’hybride rechargeable retrouve (provisoirement ?) leurs faveurs.

Signe des temps, Renault vient ainsi de révéler un Rafale doté d’une chaîne de puissance hybride rechargeable de 300 ch. Les 7 % de part de marché des PHEV redevient donc un enjeu fort pour les grands groupes et une niche potentielle pour les nouveaux acteurs comme BYD.

Pour croire à vitesse grand V comme l’espèrent ses dirigeants, le groupe de Shenzhen doit bien aller où se situe la demande des clients européens. Sous peine de ne pas remplir son fameux bateau ou d’abandonner ses voitures pas encore vendues dans les grands ports européens.

Question de positionnement

Surtout, BYD n’entend pas entrer en Europe que par le bas. Les envies de premium et de marge étaient assez claires sur le stand du groupe au dernier salon de Genève. La marque y exposait sa griffe « élégante » Denza, que l’on pourrait comparer à DS. Elle arrivera en fin d’année chez nous avec son van de luxe D9, concurrent du moelleux Lexus LM. Dans son pays d’origine, il est dispo en électrique ou avec la même chaîne de puissance que le Seal U DM-i.

BYD exposait aussi le Yangwang U8, présenté comme le « plus puissant SUV du monde » avec ses 1 100 canassons. Ses quatre moteurs électriques (oui) en demandent beaucoup à la batterie de 49 kWh. Elle est donc rechargée par un générateur. Et ce générateur est un bon vieux 4-cylindres 2-litres turbo. Une hybride quoi…

L’arrivée du géant chinois sur nos rivages ne sera pas que 100 % électrique.

À lire aussi Pour écouler plus de voitures électriques, BYD renforce sa présence en France