Nio station d'échange de batteries

Apple a inventé l’App Store pour vendre des iPhones, Tesla a inventé les Superchargeurs pour vendre des Tesla. Des écosystèmes dont pourraient s’inspirer les constructeurs pour booster leurs ventes de modèles électriques.

C’est un exemple qui revient souvent, mais il est finalement encore d’actualité, a fortiori avec le DMA (Digital Markets Act) qui a beaucoup fait parler ces dernières semaines :  au début des années 2000, pour développer les ventes de son iPod, Apple avait créé iTunes (devenu ensuite Apple Music, Apple Podcasts et Apple TV). Puis, pour faire de l’iPhone le succès mondial que l’on connait, la marque avait lancé un an après sa commercialisation son fameux magasin d’applications, l’App Store. Un écosystème encore actuel et puissant en 2024.

Si l’on se fie à quelques exemples récents, on constate que l’industrie automobile semble vouloir reproduire l’expérience, et plus particulièrement dans le domaine de l’électrique. On ne sait pas si les constructeurs ont l’exemple Apple en tête, mais il semblerait que vendre des voitures électriques puisse passer pour certains par le déploiement d’une offre de services ou d’infrastructures connexes propices à engager et rassurer le consommateur.

Tesla en pionnier de l’écosystème électrique

C’est Tesla qui a ouvert le bal en ayant compris bien avant les autres que pour écouler ses voitures, ce serait une bonne idée de proposer de quoi les recharger, à une époque pas si lointaine ou les bornes de recharge à peu près en ordre de marche se comptaient sur les doigts du Capitaine Crochet. Un exemple salué par tous les observateurs, et qui continue à connaître le succès que l’on sait, jusqu’à peser probablement très lourd dans le choix de l’achat d’une Tesla.

Mais qui n’a finalement pas été suivi – en tout cas pour le moment – par d’autres constructeurs. En tout cas pas sous cette forme.

Cela étant, certaines initiatives plus récentes s’en approchent. C’est ainsi que Ionity est né de la volonté d’un groupement de constructeurs allemands, auxquels se sont joints Ford, puis plus tard, les coréens Hyundai et Kia. Disons que ce consortium a en quelque sorte repris l’idée de Tesla en la mutualisant.

Le vietnamien Vinfast – qui fait face à des ventes très en-dessous des objectifs – a également annoncé récemment le déploiement de son propre réseau de stations de recharge, dans un premier temps sur son territoire.

En Europe, c’est encore du côté allemand de la force qu’il faut regarder pour trouver des constructeurs qui ont des projets – pour certains déjà amorcés –  de déploiement de leur propre réseau. C’est le cas d’Audi et de Mercedes, qui misent sur des stations “premium” à l’image de leurs gammes, avec de nombreux services associés afin de rendre la vie des électromobilistes plus douce… et plus luxueuse.

D’autres ont également adopté l’idée de l’écosystème “propriétaire” en la déclinant sous une autre forme. C’est le cas du chinois NIO, qui croit dur comme fer à son réseau non pas de recharge, mais d’échange rapide de batterie (Battery Swap). Une stratégie qui ne laisse pas d’interroger par ici, mais qui semble porter ses fruits puisque le constructeur a déjà déployé plus de 2300 stations en Chine, et affirme vouloir poursuivre cette extension à un rythme soutenu, y compris en Europe. Ce qui lui permet d’afficher une promesse de “recharge” en moins de temps qu’il n’en faut pour effectuer un plein d’essence. Sans se salir les mains, et même sans sortir de sa voiture.

Des services et des apps pour fidéliser l’électromobiliste

Enfin, en dehors des infrastructures, il y a aussi les marques qui comptent sur des services annexes sous forme logicielle. C’est le cas de Renault avec son application Plug Inn, qui mine de rien continue son bonhomme de chemin avec des mises à jour régulières. On pourrait aussi parler de Rivian, qui a racheté le planificateur d’itinéraire ABRP pour l’intégrer nativement dans ses voitures.

Alors, épiphénomènes ou tendance lourde ? En tout cas, en matière de déploiement industriel, quand on regarde du côté de Tesla, Ionity ou NIO, on se doute bien que ces réseaux sont là pour durer, vu les investissements massifs qu’ils nécessitent. Ceci étant, on imagine que certains constructeurs pourraient leur emboîter le pas, non pas en développant leur propre infrastructure, mais en s’appuyant sur le rachat de réseaux existants et ayant déjà fait leurs preuves. Qui sait par exemple si dans l’avenir, un Stellantis ou un Renault ne s’intéresserait pas de près à un Electra ou à un Fastned ?

Il y aurait d’autres possibilités à envisager, comme par exemple déployer des “rangers” sur les stations de recharge, en partenariat avec des entreprises spécialisées dans la formation, afin d’accompagner les clients novices dans leur recharge. Ou encore d’inclure l’installation d’une borne à domicile dans le prix de vente de la voiture. Mieux ? Par exemple proposer l’intervention d’un expert de la marque dédié à la recharge en habitat collectif et au droit à la prise pour les clients résidant en immeuble. Ou encore monter des partenariats avec les chaines d’hôtels équipées de bornes de recharge pour y envoyer leurs clients et que ceux-ci bénéficient de conditions préférentielles. Allez, un petit dernier pour la route, pourquoi ne pas imaginer qu’un constructeur s’allie avec un spécialiste des solutions logicielles de gestion de flotte électrique pour accompagner leurs clients professionnels ?

Au final, la période un peu moins faste en matière de ventes de voitures électriques que nous connaissons depuis quelques mois devrait inciter les constructeurs à se poser les bonnes questions, et parmi elles, au-delà du produit, celle de l’écosystème de services et d’infrastructures à imaginer pour relancer les ventes et fidéliser les clients.