Pour le râleur en chef d’Automobile Propre, la Zoé a été prématurément abandonnée par Renault et n’a pas eu la fin qu’elle mérite.

Voilà, c’est fini, ou presque. Renault ne prend plus de commandes personnalisées pour la Zoé. Si vous en voulez une, il y a le stock ou les exemplaires dont le processus de production est déjà en cours. Après, la Zoé disparaitra, il n’y aura pas de Zoé 2. Curieux, non ?

On peut en effet être surpris de ne pas voir de seconde génération à un modèle qui a connu le succès. Certes, un succès sur le tard. Mais il faut souligner que la Zoé avait de l’avance. Elle a rejoint les concessions en 2013, à l’époque où le marché de l’électrique était inexistant. Sa plus dangereuse rivale, la Peugeot e-208, est arrivée en 2019 ! 

Ce qui n’avait rien de tardif, car c’est vraiment le moment où la voiture électrique a décollé (Tesla commençait les livraisons chez nous de la Model 3, son premier modèle grand public). Renault a profité de son avance pour acquérir une notoriété et une légitimité. 

La Zoé a donc d’abord connu un succès d’estime, avec un peu plus de 11.000 ventes en 2014. Avant de monter petit à petit en puissance, atteignant 47.000 livraisons en 2019. Puis d’exploser en 2020. Cette année là, grâce notamment à un renforcement du bonus pour relancer le marché français après le confinement, plus de 100.000 Zoé se sont écoulées. 2021 a encore été une bonne année, avec 75.000 ventes. Puis ce fut la dégringolade en 2022 et 2023. L’année dernière, Renault n’a immatriculé que 6.000 Zoé en France, son principal marché.

Une chute vertigineuse aux multiples raisons, à commencer par une concurrence renforcée. Celle d’autres marques évidemment, notamment Peugeot. Ces dernières années, la Zoé semble d’ailleurs avoir été injustement boudée par une clientèle attirée par l’esbroufe esthétique des 208 et Fiat 500e. Si la Zoé avait un âge avancée, grâce à une efficace refonte en 2019, elle restait le choix le plus rationnel du segment des citadines électriques.

Mais il y a aussi eu la concurrence interne, avec la Twingo Z.E, puis la Dacia Spring et enfin la Megane. La Zoé a aussi souffert de la pénurie de semi-conducteurs, qui a interrompu la production à plusieurs reprises, encore en 2023. La voiture n’était plus prioritaire pour le Losange, qui favorisait plutôt l’assemblage de la Megane, d’un segment supérieur. Un élément qui montre qu’il n’y a pas que les clients qui ont vite oublié la Zoé. Renault semble l’avoir fait aussi.

En bon expert marketing, Luca de Meo, directeur général depuis mi-2020, a privilégié la Megane, premier élément de sa stratégie de reconquête du segment C. Surtout, il a fait le choix de partir dans une autre direction pour le segment des citadines, en ressuscitant la R5. Car la Zoé ne sera bien sûr pas sans suite. Mais après une seule génération, elle va devoir laisser la place à un revival, lubie marketing de Luca de Meo. Une lubie qui a fait ses preuves, puisque l’homme a oeuvré à la renaissance de la 500, avec le succès que l’on sait, et que Fiat a su transformer sur le marché de l’électrique. 

Un buzz que de Meo a donc dupliqué chez Renault et qui devrait, sauf projet inattendu, envoyer l’appellation Zoé à la poubelle. Le contre-exemple d’une autre envie marketing du patron, celle de conserver les noms connus et reconnus. Si Luca de Meo a mis fin aux monospaces, il a tenu à conserver Scénic et Espace. La Zoé n’a pas eu cette chance. Quel dommage. Car, même si elle n’a vécu qu’une génération, la Zoé fait partie de ces modèles dont le nom dépasse la marque. Un peu comme une Golf ou une 911. Vous dites « Je roule en Zoé », on sait que c’est une Renault. Mieux, on sait que c’est une voiture électrique.

Il se dit qu’une Zoé 2 devait bien exister, mais que Luca de Meo a transformé le projet en Megane électrique, une manière de rattacher le véhicule au segment des compactes… et de le vendre plus cher !

D’ailleurs, à l’inverse, l’image de la R5 doit servir à mieux jouer la carte populaire pour faire comprendre que l’électrique devient accessible au plus grand nombre. Une occasion manquée avec la Zoé, qui est devenue ces derniers temps trop chère pour ce qu’elle est, une autre erreur du Losange. La voiture souffre depuis quelques temps de prix mal placés face à une nouvelle concurrence, notamment celle de la MG4, et face à ses soeurs Twingo et Megane.

Pourquoi Renault ne l’a pas repositionnée en fin de carrière, quitte à simplifier la gamme et donc la production, avec une unique variante au rapport prix/prestations intéressant ? Au bout de dix ans de carrière, cette voiture aurait d’ailleurs dû devenir moins chère. Mais depuis un an, la marque semble être déjà passée à la R5, ne faisant pas grand chose pour soutenir les ventes de Zoé. Là encore, priorité à la Megane, où il a fallu ajuster les offres de location pour mieux résister face à la Tesla Model 3.

Renault a préféré garder l’atout baisse de prix chez les citadines pour la R5, promise à partir de 25.000 €. Sauf que cette R5, elle n’existe toujours pas, trois ans après le concept, ses livraisons ne commenceraient pas avant l’automne. Alors que la Zoé est donc déjà stoppée. Le stock va assurer quelques semaines de vente, mais il va forcément y avoir un trou entre les deux voitures. Trou dont la concurrence profitera surement. La C3 électrique connait par exemple un début de carrière en fanfare.

Stellantis se félicite d’ailleurs d’engranger les commandes de voitures électriques dans le cadre du leasing social, notamment avec sa 208. Leasing auquel la Zoé n’a d’abord pas été associée, alors qu’elle était la candidate idéale ! Quelle bêtise. Renault a fini par concevoir une offre, mais en précisant que c’était sur stock. Voilà un drôle de manque d’anticipation et quelques clients supplémentaires perdus. 

Tête de gondole de la révolution électrique de Renault, la Zoé n’a décidément pas la fin de parcours qu’elle mérite. Quel gâchis.