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Alors que le secteur des transports apparaît parmi les plus mauvais élèves de la classe carbone, les contraintes exercées dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (Lom) pour rendre les flottes moins émissives ne sont pas respectées par nombre d’entreprises. La fin des ventes en neuf des véhicules thermiques est programmée en 2035. Par cohérence avec cette situation et les progrès réalisés en matière de mobilité électrique, le député Damien Adam propose une nouvelle loi afin de réussir cette transition. Lecteur d’Automobile Propre, il explique.
Engagé contre le dérèglement climatique et pour transformer durablement les mobilités, le député Damien Adam est bien conscient des divers mécanismes qui peuvent faciliter globalement la conversion du parc roulant français à l’électrique : « Il faut avoir à l’esprit qu’aujourd’hui, en France, une voiture neuve sur deux est vendue sur le marché professionnel. Ce marché des entreprises est important car il alimente ensuite celui de l’occasion pour les particuliers, grâce à des remplacements de véhicules qui sont effectués au bout de deux, trois ou quatre ans. Ce qui doit permettre aux automobilistes de trouver des modèles électriques plus abordables ».
Dans le cadre de la loi Lom, les entreprises qui disposent d’une flotte d’au moins cent véhicules légers doivent respecter un calendrier de renouvellement annuel avec une part minimale croissante de modèles à faibles émissions (50 grammes de CO2 au kilomètre). En partant d’une proportion de 10 % en 2022, la part doit atteindre 70 % à horizon 2030. La feuille de route comprend deux étapes intermédiaires : 20 % dès 2024 et 40 % pour 2027.
« En novembre 2023, les électriques représentaient 20 % des ventes de voitures neuves. La part des entreprises était pourtant inférieure alors qu’elle devrait être au contraire plus élevée », commente le député de la Seine-Maritime.
Dans sa « proposition de loi visant à accélérer et contrôler le verdissement des flottes automobiles », Damien Adam relève un constat effectué par Transport & Environnement (T&E) : « En l’absence de mécanisme de contrôle et de sanction, la loi n’est pas suivie d’effet : en 2022, 66 % des entreprises visées n’étaient pas en ligne avec l’obligation d’incorporer au moins 10 % de véhicules à faibles émissions dans le cadre du renouvellement de leurs flottes. De même, la quasi-totalité d’entre elles ignorent l’obligation légale de reporting prévue par la loi ».
Cette étude a été publiée en mars 2023, avec une liste des dix meilleurs élèves dans laquelle on retrouve, entre autres, EDF, La Poste et le Ministère des Armées. Face à elle, celle des retardataires à 0 % de véhicules électriques. L’un des rédacteurs de l’étude, Léo Larivière, commentait alors : « Les données dévoilent un échec généralisé de la loi. Les objectifs légaux sont pourtant peu ambitieux et faiblement contraignants ».
Le député n’a pas fait que citer l’organisme : « Quand T&E a rendu son rapport, je travaillais déjà sur le texte de la proposition de loi. Je les ai rencontrés pour échanger sur le sujet ».
A l’immobilisme de nombreuses sociétés concernant une conversion vertueuse des flottes, Damien Adam oppose une potentielle connaissance de l’attrait financier des véhicules électriques : « Les entreprises vont plus facilement regarder le TCO des véhicules. Elles sont capables de constater que le surcoût à l’achat des modèles électriques est compensé par la consommation d’une énergie beaucoup moins chère que le pétrole ».
Si beaucoup ne respectent pas les contraintes de renouvellement, c’est en particulier pour une raison principale : « Il n’y a pas de sanction aujourd’hui. C’est pourquoi je propose de renforcer les modalités de transparence et de contrôle. Les entreprises déjà soumises à la déclaration de performance extra-financière auraient l’obligation de déclarer le niveau d’atteinte des nouveaux objectifs définis dans le projet de loi. La DGEC (Direction générale de l’Energie et du Climat) serait chargée de vérifier cela et de mettre en place des sanctions administratives ».
Pour un manquement aux obligations de transparence et de déclaration, le député prévoit « une amende allant jusqu’à 10 000 euros, et jusqu’à 20 000 euros en cas de récidive ».
Autre point important de la proposition de loi de Damien Adam, la révision de la trajectoire de verdissement de la flotte pour davantage de cohérence face aux enjeux. La cible à partir du 1er janvier 2030 passe à 95 % au lieu de 70 %. Les deux seuils intermédiaires sont également revus. La part de 40 % est avancée d’un an, au début de l’année 2026. Puis 65 % de véhicules à très faibles émissions sont attendus dès 2028.
« Ce qui correspond davantage aux propositions du marché où l’offre s’est étendue, avec des véhicules dotés de meilleures autonomies et des coûts plus bas. La parité avec les modèles thermiques devrait intervenir en 2027 ou 2028 », souligne le député.
L’emploi de l’expression « véhicules à très faibles émissions » resserre sur l’électrique et l’hydrogène l’éventail des modèles à privilégier : « L’hybride rechargeable est une technologie de transition qui a été soutenue par le gouvernement pendant quelques années. Désormais les constructeurs mises sur le 100 % électrique ».
Ne pas atteindre les objectifs serait également sanctionné. Le plafond maximal de l’amende pourrait s’élever à 1 % du chiffre d’affaires français hors taxes du dernier exercice comptable clos. La pénalité serait proportionnée à l’écart constaté, pouvant peser jusqu’à 5 000 euros « par véhicule à très faibles émissions manquant pour atteindre les obligations ». La sanction pourrait être assortie d’une « peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ».
Verdir la flotte pour une entreprise peut aussi passer par le rétrofit : « Dans ma proposition de loi, les véhicules rétrofités à l’électrique ou à l’hydrogène comptent comme des modèles neufs ». Damien Adam reste toutefois assez mitigé : « Pour les poids lourds, c’est-à-dire les camions, les autocars et les autobus, le rétrofit est pertinent. La démarche est d’ailleurs financièrement aidée par un bonus spécifique ».
Le bémol, il le met au niveau des véhicules légers : « Avec eux, j’ai un peu de mal à voir comment on pourrait avoir une équation économique intéressante. Même avec des process entièrement automatisés, le coût global du rétrofit pour une voiture du style d’une Renault Clio ou d’une Peugeot 208 sera élevé, principalement en raison de la batterie plus chère que sur un modèle neuf. Il faudrait mettre beaucoup d’argent public ou faire fonctionner les véhicules cinq, sept ou dix de plus. Pourraient-ils supporter cela ? Dans quel état seront-ils à l’arrivée ? ».
Il y a peut-être une solution originale : « On regarde beaucoup en ce moment la possibilité d’un rétrofit en hybride rechargeable, avec une batterie plus petite permettant de parcourir les 30 à 40 kilomètres du quotidien des automobilistes. Ce serait plus accessible et plus pertinent pour un véhicule léger ».
Entre les grands axes, la proposition de loi du député de la Seine-Maritime apporterait des améliorations intéressantes : « Pour les taxis et VTC, la trajectoire est différente. Pour simplification, je propose de les intégrer à la nouvelle trajectoire. Uber est largement en avance par rapport à pas mal d’autres entreprises du secteur. A Rouen, beaucoup de taxis sont des Tesla. Ces voitures correspondent bien aux besoins des chauffeurs en province. En région parisienne, c’est plus compliqué. La journée peut commencer à l’aéroport de Roissy mais il est plus difficile de savoir comment elle se terminera, avec de longues courses possibles ».
Le texte proposé par Damien Adam est aussi ouvert à des véhicules pas forcément imaginés pour des flottes d’entreprise. Ainsi les quadricycles : « Nous sommes incités à aller vers une sorte de sobriété. Remplacer des citadines par des quadricycles est pertinent, car le véhicule est plus léger, consommant moins de ressources. En utilitaire, Mobilize vient de présenter son Bento ».
Toutefois, dans un autre cadre, ces engins ne sont pas forcément une illustration de sobriété : « Les quadricycles électriques commencent à se développer. De plus en plus de jeunes les utilisent désormais à la place des deux-roues pour se rendre au lycée. C’est plus sécurisant pour les parents ».
Comment faut-il percevoir la nouvelle proposition de loi avec un bonus qui veut privilégier le Made in Europe ? « L’élan ne doit pas être stoppé par un effet d’évitement. Les véhicules électriques chinois sont soumis à moins de taxes pour arriver chez nous que ceux de nos constructeurs pour être vendus en Chine. Ce pays a beaucoup subventionné ses constructeurs, comme BYD et MG, ce qui rend leurs produits plus attractifs ».
Damien Adam est d’ailleurs moteur concernant le recentrage du bonus : « Je pousse depuis plusieurs mois afin que le bonus aille vers les modèles les plus vertueux. Notre système est regardé de très près par les autres pays. Il a déjà des effets positifs. La Citroën ë-C3 devait plutôt être construite en Asie. Ce sera finalement en Europe de l’est ».
Comment le nouveau texte est-il perçu chez les professionnels de l’automobile ? « Du côté de la Plateforme automobile PFA, de Mobilians qui représente les métiers de la distribution et des services de l’automobile, et de diverses associations, quelques questions se posent. Mais la proposition de loi ne fait pas peur à ces acteurs. La nouvelle trajectoire leur apparaît crédible ».
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup le député Damien Adam pour le temps pris à répondre à nos questions. Il est disponible pour répondre à celles de toutes celles et tous ceux qui s’interrogent sur sa proposition de loi.
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