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En marge de la semaine de l’alternance organisée mi-mai par France Travail, nous avons interrogé Jocelyn Gombault de l’ANFA, et Caroline, en cours de formation en service après-vente automobile, concernant l’évolution vers l’électrique de la formation.
Mécanicien, carrossier-peintre, vendeur, technicien expert après-vente, etc : la filière attire toujours les jeunes, avec une part croissante de femme qui se sentent parfaitement à leur place dans des métiers pourtant toujours perçus comme des bastions masculins. À la rentrée 2023, sur un total de 71 000 stagiaires, près de 41 000 étaient engagés dans une formation en alternance.
Une formule pratique qui associe théorie, mais aussi pratique sur le terrain dans des garages de toutes marques. Avec, à la clé, de sérieuses chances de transformer l’essai en emploi durable. L’année précédente, près des trois quarts des apprentis sortis du cursus ont trouvé un poste salarié dans les six mois. Parfois même au sein des établissements qui leur ont permis de découvrir concrètement le métier.
Cerise sur le gâteau, quand nombre de formations dans divers domaines nécessitent un droit d’entrée payant et occasionnellement dissuasif, l’alternance permet de toucher une rémunération qui aide les jeunes à s’assumer et à devenir plus autonomes. Du fait des besoins, la filière lutte contre les abandons en cours de route. Des marques comme BMW ou Alpine s’organisent en promettant un bel avenir à de véritables talents qui s’ignorent de temps en temps.
Responsable de projets pour l’Observatoire des métiers des services de l’automobile, Jocelyn Gombault observe depuis des années l’évolution des formations. L’organisme qu’il représente produit des études qui permettent d’effectuer des ajustements. Cette structure est intégrée à l’ANFA (association nationale pour la formation automobile) elle-même liée à l’Éducation Nationale par une convention de partenariat : « Nous sommes centrés sur les CAP, BEP et Bac Pros pour une évolution vers les nouvelles motorisations hybrides et électriques. Avec peut-être une prise en compte à la rentrée 2025 ».
Un horizon qui pourrait sembler un peu lointain : « Avec seulement 2 % d’électriques, le parc roulant actuel ne nous presse pas. Le secteur est plutôt marqué par un vieillissement des véhicules en circulation. Les jeunes doivent être formés à tout, sans se fermer sur un type de moteur ou un autre. La bascule s’effectuera au fur et à mesure ».
CAP, BEP, Bac Pros, comment l’éducation nationale va prendre en compte l’électrique ? : « Selon ce qui est en cours de préparation, au niveau CAP, l’apprenti pourra remplacer la batterie de servitude. En BEP, il verra comment assurer une maintenance périodique simple. Il sortira de l’année du Bac Pro en pouvant effectuer un diagnostic et procéder aux opérations de maintenance ».
À lire aussiCes nouveaux métiers qui accompagnent la transition vers la voiture électriqueAvec les CQP (certificat de qualification professionnelle), la filière est en avance sur l’Éducation Nationale : « Les CQP sont des titres à finalité professionnelle. Là, ce sont les branches qui maîtrisent et on va un peu plus vite. Avec la création d’une filière complète des métiers de la réparation des batteries, nous sommes en train de préparer trois fiches de qualification ».
Plus précisément : « Nous sommes en trains de créer les CQP pour devenir technicien en maintenance des batteries des véhicules électriques. Ce qui comprend le diagnostic, le démontage, la réparation, le remontage et l’habilitation B2TL ».
Des constructeurs ont développé leurs propres formations internes : « Il faut des connaissances globales accessibles à toutes les marques. Un certificat de compétences de Branche (CCB) sur 9 jours concernant la maintenance des véhicules électriques est en cours de déploiement. Il sera proposé au départ par trois organismes de formation avant de monter en puissance ».
L’électrique n’est pas la seule énergie alternative à avoir fait l’objet de travaux spécifiques : « Il y a déjà des modules pour la certification GPL/GNV. Nous avions accueilli l’éthanol il y a quelques années avec la pose de boîtiers. Désormais, les formations sont teintées de l’électrique ».
Et l’hydrogène ? « Nous ne sommes pas dessus. Ce sont les constructeurs concernés, comme Toyota par exemple, qui s’occupent des réparations. Pour les autocars et les autobus, les entreprises spécialisées établies en Pologne, au Portugal ou à Toulouse envoient des Flying Doctors. Nous restons cependant en veille sur le développement potentiel de l’hydrogène en observant l’état de situation du parc, notamment pour les véhicules industriels comme les bennes à ordure ménagères ».
Une semaine de formation et une semaine en entreprise : le bon rythme de l’alternance ? « La partition est réglée sur l’ensemble des métiers, mais peut être adaptée. Par exemple 2 jours/3 jours puis 3 jours/2 jours, ou 15 jours/15 jours par exemple. C’est discutable en fonction des besoins des entreprises et des CFA ».
La part des femmes tend à progresser : « Elles représentent 5 % de l’effectif en formation cette année, soit le double par rapport à 2016. La plus grosse progression concerne la carrosserie/peintre avec 6 % d’apprentis qui sont des femmes. Dans la moto, elles sont aussi 6 % ».
Des chiffres à comparer avec la part des femmes actuellement en exercice dans les professions de l’automobile : « Elles sont 1,4 % dans la mécanique, 1,1 % en carrosserie/peintre, 3,3 % au niveau agent de maîtrise et représentent le quart dans la vente ».
Pour montrer le dynamisme dans la formation automobile, Jocelyn Gombault souligne : « Notre CAP en maintenance des véhicules particuliers est le troisième plus demandé sur 180 CAP professionnels. La passion de l’automobile est toujours vivante. Nous essayons d’expliquer aux jeunes la réalité des métiers qui peuvent évoluer extrêmement vite ».
À l’heure où l’ANFA souhaite éviter les abandons de formation en cours de route, il prévient : « L’électrification peut provoquer de la déception. Beaucoup de jeunes sont encore dans le fantasme de la Formule 1. Les femmes sont le plus souvent tout autant mordues. La filière la plus attractive reste d’ailleurs motocycles pour laquelle nous n’avons cependant pas beaucoup de besoins ».
Les motifs d’abandon sont divers : « Ce n’est pas toujours en raison de l’échec à l’examen. Les abandons expliquent que nous nous retrouvons avec des tensions pour le recrutement ».
Cette passion toujours bien présente pour la mécanique, nous l’avions déjà ressentie en assistant au Challenge Ecoles que BMW organise chaque année afin d’attirer ses futurs techniciens experts de l’automobile. Le fait qu’elle soit bien vivante aussi chez les femmes qui peuvent s’intéresser pareillement à la moto, nous en étions aussi ressortis convaincus en rencontrant une jeune commerciale à la concession Opel Claro de Rennes.
Nous allons avoir à nouveau la confirmation de tout cela avec Caroline, actuellement en alternance chez Honda : « Ma formation sur seize mois se termine en décembre prochain. Au début, je voulais faire de la mécanique. Mon premier choix était même d’aller en Bac Pro de mécanique. Passer par le BTS ne m’intéressait cependant pas, car je ne voulais pas refaire de français et autres matières générales ».
Son projet a évolué : « J’ai appris l’existence de cette formation des experts de l’après-vente. Je me suis recentrée sur les pannes électriques et électroniques des nouveaux véhicules. J’ai tout de même commencé avec un peu d’appréhension d’avoir laissé la mécanique, mais la bonne surprise, c’est que je m’y intéresse de plus en plus ».
La mécanique n’était pas non plus son idée de départ : « Un de mes grands-pères a bien eu un garage Peugeot, mais je ne l’ai pas connu. Ma famille est bien davantage ancrée dans l’armée et la gendarmerie. Mon objectif de base était de rejoindre l’armée de terre. J’ai finalement suivi un plan B en effectuant un stage de huit mois chez PSA ».
Caroline affiche une aisance et une maturité impressionnantes qui s’expliquent en partie par son âge : « J’ai 27 ans. J’ai donc connu la mécanique un peu sur le tard, mais j’aime vraiment beaucoup et me voyais faire ça en service rapide. Maintenant, j’ai vraiment trouvé ce qui me correspond ».
Ce n’est pas pour rien que la mécanique est encore vue comme une occupation d’hommes : « Ça reste très physique. Mais on peut compenser une force moins importante en faisant différemment. J’ai toujours trouvé une solution pour m’en sortir. Si j’avais, par exemple, un écrou à desserrer trop bloqué, et que le pétard ne suffisait pas, j’employais une jambe de force. Et c’est mieux d’être à deux pour remonter une boîte ou un moteur ».
N’est-il pas difficile pour une jeune femme d’être intégrée parmi les autres jeunes en formation : « Je suis la seule femme, mais je suis bien incluse au groupe. Les autres n’ont que 18 à 20 ans. J’ai eu leur respect tout de suite. Même si j’avais eu leur âge, je l’aurais eu aussi, car j’ai un fort caractère. Aux femmes qui voudraient faire de la mécanique, je leur dis : ‘Lancez-vous !’ ».
Avec son alternance, Caroline évolue : « Avant, j’étais plus sur les voitures de rallye. Mais mon discours commence à changer parce que je comprends les raisons d’aller vers l’électrique. Personnellement, pour l’instant, je commencerais par adopter une hybride si j’en avais les moyens ».
Selon elle, il existe un défaut de communication : « On n’entend pas assez parler réellement des voitures électriques. Ce qui fait que certains pensent que ça n’a rien à faire ici. Il faudrait déjà que les gens soient rassurés sur les batteries, leur recyclage, etc. Même moi qui travaille là-dedans, je peux avoir des doutes ».
Automobile Propre et moi-même remercions vivement Jocelyn Gombault et Caroline pour le temps pris à répondre à nos questions. Un grand merci également à Marie Goislard, de l’agence Rumeur Public, qui a organisé les deux sessions téléphoniques selon nos demandes.
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