Nouveaux métiers voiture électrique

Le monde de la voiture électrique n’a pas encore trouvé son Steve Jobs, voire même pas son Bill Gates. D’accord il y a bien Elon Musk, mais si le boss de Tesla est sans conteste un visionnaire, c’est d’abord un entrepreneur capitaliste avant d’être un designer ou même une sorte d’artiste comme pouvait l’être Jobs, qui passait son temps à imaginer, dessiner et concevoir lui-même les premiers schémas de produits dont il voulait qu’ils changent le monde.

Il y a aussi des génies à leur façon, ou en tout cas des créateurs hors norme, comme Peter Rawlinson (Lucid), Lei Jun (Xiaomi), Mate Rimac (Rimac) ou même Henrik Fisker (Fisker), même si ce dernier n’est plus vraiment fréquentable après deux faillites retentissantes. Mais aucun n’a encore réussi à faire adopter massivement au grand public mondial un produit ressenti comme indispensable. Le seul qui s’en approcherait serait éventuellement Lei Jun, quand on voit le succès “populaire” de sa première voiture électrique en Chine. On notera au passage qu’aucun des cinq derniers mentionnés ne sont américains, ce qui dit peut-être aussi quelque-chose sur l’évolution géopolitique de l’innovation technologique.

Imaginer l’électromobilité de demain

Malgré cela, de nombreux entrepreneurs se retroussent chaque jour les manches pour imaginer l’électromobilité de demain. Ils ne fabriquent pas forcément des voitures, mais participent activement à un écosystème sans lequel la voiture électrique serait bien seule et probablement beaucoup moins attractive.

Il y a ceux qui imaginent des voitures qui n’en sont plus vraiment, ou alors des modèles réduits destinés à répondre aux besoins essentiels dans 90% des cas de déplacements individuels, à savoir se rendre à son travail, déposer les enfants à l’école et faire les courses. Pour cela, pas besoin d’un engin de 2 tonnes, une micro-car suffit amplement, pour peu qu’elle apporte le confort et la sécurité minimaux. C’est ainsi la vision de créateurs comme ceux de Kate, de City Transformer, de Silence, ou encore plus original et plus excitant, de Lit Motors. On parle bien de créateurs, car pour chacun de ces projets, ils sont partis d’une feuille blanche pour imaginer un engin utile, sobre et si possible économique.

A un autre bout du spectre, il y a ceux qui se sont donné pour mission d’aider les électromobilistes à faire durer leur monture. C’est ce que proposent par exemple Moba, devenu un incontournable du diagnostic de la santé des batteries de voitures électriques, ou encore Revolte Garages, qui promet de faire durer votre voiture électrique 100 ans en ayant développé un savoir-faire unique dans la réparation ciblée des éléments électroniques, et bien sûr avant tout des cellules de batteries, puisque ces dernières sont définitivement le nerf de la guerre en ce domaine.

Côté logiciels et services, aider les électromobilistes à se déplacer sans anxiété en optimisant leur itinéraire et les recharges est aussi une activité née récemment avec la voiture électrique et les incontournables planificateurs. Si ces systèmes sont embarqués nativement dans de nombreux modèles, c’est encore loin d’être une généralité. Ce qui a ouvert la porte à des applications dédiées comme ABRP, le planificateur Chargemap (qui est arrivé plusieurs années après la création du service) ou encore celui intégré dans les applications des opérateurs de recharge, comme entre autres celles de Ionity ou de Fastned.

Le V2G, cette technologie qui permet à une voiture électrique de renvoyer du courant sur le réseau ou vers un autre appareil (V2L) s’est popularisée récemment. Si les voitures qui en sont équipées se comptent encore sur les doigts d’une main, il est fort à parier qu’elle se généralisera rapidement dans les années à venir. Ce qui donne évidement des idées à certains entrepreneurs et favorise l’émergence d’un écosystème d’ingénierie et de services comme l’illustre par exemple le français Dreev, ou encore des start-up américaines comme IoTecha ou Synop. Les constructeurs s’y mettent aussi en proposant non seulement de plus en plus de modèles compatibles V2G mais aussi des solutions logicielles, comme GM avec sa filiale dédiée GM Energy.

L’acoustique, un enjeu clé dans la voiture électrique

Du côté des interfaces et des systèmes d’exploitation et d’infodivertissement, on pense tout de suite à Apple CarPlay ou Android Auto, et à leurs versions directement intégrées d’origine dans l’électronique embarquée. Mais quand on parle d’interface et d’interaction homme-machine, le visuel et le tactile ne sont pas les seuls en jeu. L’audio est également un facteur sensoriel important, voire crucial dans certaines situations. C’est ainsi que naissent ou évoluent certains métiers de l’automobile autour de l’acoustique, et plus précisément de la signature sonore. Autrement dit, donner “vie” à une mécanique par nature silencieuse. Non pas pour le plaisir de faire du bruit, mais pour envoyer des signaux au conducteur, et fournir en prime un certain agrément. On ne reviendra pas sur le partenariat de BMW avec Hans Zimmer, souvent évoqué ici. En revanche, d’autres approches totalement innovantes sont intéressantes à observer, comme celles de Porsche pour “sonoriser” le Taycan puis ses autres modèles électriques, et surtout Ferrari, qui travaille sur un ensemble de dispositifs acoustiques inédits et assez incroyables pour perpétuer le caractère de leurs autos quand elles auront abandonné les V8 et V12 pour des rotors électriques.

Mais le travail sur l’acoustique ne se limite pas à reproduire des “mélodies” de moteur, ou des sons à vocation sécuritaire comme l’impose désormais l’AVAS. Il s’agit également de gérer au mieux le nouvel univers sonore inhérent à la propulsion électrique. Et ce n’est pas aussi simple qu’il y parait. L’absence de bruits mécaniques a par exemple mis en exergue les bruits de la route, frottements et autres nuisances sonores liées au vent, qui sont du coup beaucoup plus présents. D’autre part, les bruits des dispositifs auxiliaires sont aussi à prendre en compte. Sans moteur pour faire fonctionner la climatisation, le chauffage, les vitres et d’autres systèmes mécaniques, une gamme complète de dispositifs électriques est nécessaire pour fournir ces fonctionnalités. Chacun de ces dispositifs engendre des défis en termes de vibrations et de bruit qui, pris individuellement, sont relativement mineurs, mais qui, collectivement, peuvent devenir significatifs. Alors que sur autoroute, la plupart de ces bruits se fondront dans le bruit de fond, à l’arrêt ou à basse vitesse, ces bourdonnements et ronronnements peuvent devenir gênants. C’est aussi le genre de défi sur lesquels travaillent des entreprises comme Applus+ IDIADA.

Des services inédits nés avec l’électrique

D’autres activités inattendues sont nées récemment avec le boom de la voiture électrique, et il serait difficile d’en dresser une liste exhaustive. Parmi les plus significatives, on retiendra cependant quelques initiatives originales comme celle de Rainbooh, qui propose de l’affichage publicitaire sélectif sur VTC électriques, E-Gap, Drop’n’Plug ou Mob-Energy (retrouvez l’interview de son CEO dans notre dernier podcast), qui chacune à leur façon fournissent des services de recharge mobile, ou encore Urban Cod, qui propose de mettre sa Tesla en gestion et de la louer à des VTC contre un revenu fixe mensuel. Enfin, une dernière pour la route, les grands réseaux de recharge qui dispatchent des agents “équipiers” ou “Gilets Bleus” sur leurs stations pour aider les électromobilistes et les accompagner dans leur arrêt-recharge, comme le font ponctuellement Engie, Vinci.

La part de marché des voitures électriques immatriculées en France est de moins de 1,5%. L’interdiction de la vente des thermiques neufs en 2035 va générer une croissance phénoménale dans le secteur, ce qui va encore créer un appel d’air pour de nombreuses opportunités de produits et services dans cet écosystème, favorisant la création d’activités et de métiers qui n’existent peut-être encore pas aujourd’hui.

C’est peut-être le moment d’investir. Ou de se reconvertir.