Un durcissement des quotas de CO2 pour les voitures vendues entrera en vigueur en 2025. Il induit une hausse de la part de l’électrique dans les immatriculations. Mais la demande ne progresse plus…

Les élections de juin n’ont pas bouleversé l’équilibre des forces politiques à l’assemblée européenne, au point qu’Ursula von der Leyen a été réélue présidente de la Commission Européenne.

De quoi rassurer les constructeurs automobiles, puisque cela garantit une stabilité pour les décisions prises avant le vote, à commencer bien sûr par l’interdiction de la vente des voitures neuves thermiques dans l’Union dès 2035. Après avoir été confortée à son poste, Ursula von der Leyen a toutefois un peu plus ouvert la porte aux carburants de synthèse, un compromis, même si son objectif reste de tendre le plus possible vers le 100 % électrique.

À lire aussi L’Europe veut toujours mettre fin aux voitures thermiques en 2035, même si…

A l’échelle d’une telle industrie, l’échéance n’est plus si lointaine. Mais ce n’est plus vraiment celle qui inquiète les constructeurs. Avant 2035, il y a d’autres étapes à franchir pour les marques, et celles-ci pourraient être bien plus difficiles à gérer.

On peut évidemment se dire que les constructeurs sont habitués, car les règlementations visant à réduire la pollution du secteur se suivent depuis des décennies. Il y a eu les différentes normes Euro (on en est au 6e chapitre) et un gros tournant au début de cette décennie avec la norme CAFE, qui impose des quotas d’émissions de CO2 pour les véhicules vendus chaque année à ne pas dépasser, sous peine de payer des amendes.

Les ventes d’électriques ne progressent plus

Or, un tour de vis important va être donné à la norme CAFE en 2025, avec un durcissement du seuil CO2 à ne pas dépasser. Pour continuer à le respecter, les marques vont devoir accélérer les ventes de voitures électriques. S’il n’y a pas de minimum de ventes d’électriques imposé par l’Europe, ces immatriculations sont incontournables pour avoir une moyenne du bon côté du seuil qui déclenche les pénalités.

Dans le calcul, les électriques avec 0 g/km de CO2 vont contrebalancer tout le reste. Car l’objectif est désormais à un peu moins de 95 g/km de CO2, ce que même une citadine hybride simple dépasse. En gros, pour être dans les clous, les marques doivent faire au moins 20 % de leurs ventes avec des véhicules électriques en 2025.

Le problème est que la grande majorité en est encore très loin. Si les ventes d’électriques ont bien décollé en 2020 et ont suivi une belle dynamique jusqu’à 2023, en 2024, elles stagnent voire reculent sur les principaux marchés européens. C’est particulièrement le cas en Allemagne, où les immatriculations dégringolent après la fin du bonus. Chez nous, elles se sont maintenues au premier semestre grâce au leasing social, mais leur part de marché a reculé en juillet.

De plus en plus de constructeurs montrent donc leur inquiétude face à l’échéance de 2025. Il y a quelques jours, Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, mais aussi à la tête de l’ACEA (l’association des constructeurs européens), tirait la sonnette d’alarme dans une interview donnée aux Echos : “la majorité des pays n’ont pas dépassé les 7 % de part de marché dans l’électrique à ce jour alors qu’on demande aux constructeurs d’être à plus de 20 % l’an prochain, et que le marché européen est globalement à 15 %”.

Selon Luca de Meo, “si le marché reste l’an prochain sur la même tendance qu’aujourd’hui, la réglementation CAFE coûtera aux constructeurs européens plus de 10 milliards d’euros d’amendes”.

Une baisse de la production de modèles thermiques et hybrides ?

Une perspective catastrophique que les marques vont bien sûr vouloir éviter, grâce à différents leviers. On peut déjà être optimistes et s’attendre à voir les ventes d’électriques repartir avec l’arrivée très attendue d’une nouvelle offre plus abordable, notamment chez les citadines, avec par exemple les Citroën ë-C3, Fiat Panda ou Renault 5.

Mais si cela ne suffit pas, les constructeurs vont agir sur le reste, les ventes de thermiques et hybrides… pour les réduire, afin de mécaniquement augmenter la part des électriques. Des véhicules pourraient ainsi prendre une retraite anticipée. Ce qui peut avoir un premier effet pervers : une baisse de l’offre des thermiques, donc une hausse de leurs prix ! De plus, Luca de Meo alerte sur le risque de ces décisions sur la production européenne (certains évoquant deux millions de véhicules à ne plus fabriquer), et donc les emplois pour ces sites et chez les sous-traitants concernés.

Un cri d’alerte qui vise à pousser l’Europe à assouplir son calendrier, même si d’autres soulignent que les marques ont l’habitude de se plaindre avant de passer finalement les obstacles sans grand encombre, d’autant qu’il existe déjà des astuces pour les franchir, notamment la constitution de “rassemblements” entre marques en avance sur les quotas et marques en retard.