Ventes en berne, constructeurs qui retardent leurs objectifs… Ces dernières semaines, les nouvelles n’ont pas semblé bonnes pour la voiture électrique. Mais plus qu’une crise, le marché européen traverse surtout une période de transition. Automobile Propre fait le point.

Faut-il déjà s’inquiéter pour la voiture électrique ? On pourrait le croire si on se limite aux derniers chiffres de ventes européens. Il est vrai qu’en juillet, les immatriculations de voitures électriques sur le Vieux Continent ont plongé de 10,8 %. Un chiffre propre à faire le buzz et donc abondamment relayé par les médias généralistes, dont certains n’ont pas hésité à laisser entendre que le marché de l’électrique était déjà en crise. Les données du mois d’août, qui viennent de tomber, vont assurément remettre une pièce, avec un recul de 44 % !

Mais les chiffres de ventes de l’électrique, encore plus que ceux de l’automobile dans sa globalité, doivent être analysés sur un temps long, tant le secteur est rythmé par des lancements commerciaux ou des décisions politiques. Pour nous, il n’est pas sérieux de voir les fameux “experts” économiques de JT ou chaînes d’info en continu tirer des conclusions si hâtives sans prendre de recul. C’est toujours du pain béni pour les réfractaires à l’électrique.

À lire aussi Le Jamais Content – Est-ce que TF1 a un problème avec la voiture électrique ?

Un cru 2023 exceptionnel

Il n’est toutefois pas question ici de nier une évidence : le marché de l’électrique connaît des turbulences en 2024. Si on regarde justement sur un temps long, entre janvier et août, les ventes d’électriques baissent de 8,3 % dans un marché qui progresse à peine (+ 1,3 %). Leur part de marché a ainsi reculé de 13,9 à 12,6 %, une situation inédite.

Mais le premier aspect à prendre en compte est que les comparaisons se font avec une (trop ?) belle année 2023. D’ailleurs, en août, mois traditionnellement calme en raison des congés, le bilan des électriques s’était envolé de 118 %. Leur part de marché était passée à 21 % en août 2023, contre 11,6 % un an plus tôt.

Une explosion due notamment au carton d’un véhicule, le Model Y. Grâce à l’arrivée de la version Propulsion et une chute des prix, Tesla a bien rempli son carnet de commandes et assuré un grand nombre de livraisons dans l’été. Ce fut un tel succès que le Model Y a fini champion des ventes en Europe l’année dernière, toutes motorisations confondues !

Il y a peu, pas grand monde n’aurait imaginé voir une électrique à ce stade dès 2023. Forcément, après avoir séduit beaucoup de clients, le Model Y connait un contre-coup en 2024. Si le Model Y n’avait pas eu une année si exceptionnelle en Europe en 2023, avec plus de 250.000 exemplaires vendus, mais avait eu une hausse plus progressive, le bilan 2024 souffrirait moins de la comparaison.

Les particuliers achètent de plus en plus d’électriques

Comme en Europe, en France, les derniers chiffres de l’électrique ne sont pas bons, avec même une chute de 33 % en août, dans un marché global en recul de 24,3 %. Mais depuis janvier, le total est en progression, grâce au leasing social. Celui-ci montre l’importance des aides, qui influent toujours fortement sur l’acte d’achat d’une électrique. La situation en Europe s’explique d’ailleurs beaucoup par l’effondrement de l’électrique en Allemagne, où le bonus a été coupé net fin 2023.

Chez nous, le bonus a été arrêté pour les voitures achetées par les entreprises. Ce qui se ressent dans les ventes. L’association Transport & Environment (T&E) a rappelé que la part des électriques dans les immatriculations de voitures neuves dans les entreprises est de 10,7 % au premier semestre 2024, contre 12 % sur l’ensemble de l’année 2023. Et ça compte, car les entreprises constituent le cœur du marché des voitures neuves : elles immatriculent chaque année entre 5 et 6 véhicules neufs sur 10.

A l’inverse, T&E souligne que la part de l’électrique continue de progresser auprès des particuliers. 25 % des voitures neuves immatriculées par les particuliers en France au 1er semestre 2024 étaient électriques. L’année dernière, à la même période, cette part n’était que de 20 %. T&E tient ainsi à souligner qu’il “est faux de dire que les Français ne veulent pas passer à l’électrique, bien au contraire”.

Enfin l’arrivée des modèles à petits prix

Mais beaucoup de clients attendent toujours la baisse des tarifs. Un aspect important de la situation actuelle est le retard pris par les nouveaux modèles à petits prix. Dévoilée il y a près d’un an, la Citroën ë-C3 qui commence à 23.300 € hors bonus, s’apprête enfin à être livrée. La marque aux chevrons va d’ailleurs en livrer un grand nombre dans les prochains semaines, ce qui va assurément redonner des couleurs au marché de l’électrique.

Et cette dynamique va se poursuivre en 2025 avec le début des immatriculations d’autres modèles plus abordables très attendus, comme la Fiat Grande Panda, la Hyundai Inster et bien sûr la Renault 5. Renault proposera aussi à ses côtés la nouvelle 4L. A cela s’ajoutera la montée en puissance de nouveautés importantes dans les segments au-dessus, où la bataille des prix est bien lancée. On pense notamment au Kia EV3, au Skoda Elroq…

Les concessionnaires notent vraiment un effet d’attentisme de la clientèle avec ces véhicules moins chers. Beaucoup se montrent donc clairement optimistes pour l’année 2025, où les ventes d’électriques devraient à nouveau s’envoler. Selon T&E, la part des électriques devrait être entre 20 et 24 % l’année prochaine en Europe.

Norme plus sévère en 2025

Après plusieurs années de belles progressions, 2024 est une année de transition. Le marché de l’électrique grimpe par pallier, avec comme on a pu le dire plus haut des effets liés aux nouveautés mais aussi aux décisions réglementaires. Les constructeurs vont ainsi devoir faire face à des quotas de CO2 plus sévères en 2025, induisant la nécessité de vendre plus d’électriques.

D’ailleurs, T&E estime que “les constructeurs profitent de ces quelques mois de répit pour maximiser les ventes – et les profits – des véhicules thermiques, avant l’arrivée de la nouvelle législation”. Pas de quoi donc favoriser l’électrique en 2024, ce qu’ils feront en revanche bien plus en 2025 pour éviter les amendes de la norme CAFE plus sévère.

Les constructeurs membres de l’ACEA sont toutefois officiellement montés au créneau pour demander à l’Europe une révision des règles des normes CO2, jugeant que le marché de l’électrique ne progresse pas comme l’Europe l’avait imaginé.

À lire aussi Normes de CO2 plus sévères : des constructeurs demandent à l’Europe “une action urgente”

Trop de pays en retard sur les bornes

Si les associations environnementales critiquent le lobbying des constructeurs, accusés d’avoir trop trainé des pieds pour se mettre à l’électrique et faire baisser les prix, il est aussi vrai que les marques restent pénalisées par le fait que de nombreux pays européens sont très en retard dans leurs infrastructures.

Pour preuve, les Pays-Bas, l’Allemagne et la France représentent la moitié de toutes les bornes de recharge européennes ! Difficile donc de vendre des électriques dans les nombreux pays mal dotés. Des patrons de l’industrie pointent ainsi qu’ils font les efforts nécessaires pour électrifier leur gamme mais que ces efforts ne sont pas toujours partagés par les pouvoirs en place.

Inquiets, de grands noms ont fini par revoir leurs plans, renonçant à leurs intentions de passer au tout électrique dès la fin de la décennie. C’est ainsi le cas de Ford, Mercedes ou encore Volvo. Mais ce sont des objectifs à moyen terme. Il est d’ailleurs davantage question de garder plus longtemps des thermiques que d’annuler les véhicules électriques en cours de développement, et donc d’étirer la période de transition avant l’échéance de 2035, qui n’a pas été modifiée par l’Europe.

À lire aussi L’Europe franchit le cap des 900 000 points de recharge, c’est bien mais…