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Si les institutions européennes sont attendues au tournant de part et d’autre concernant les contraintes imposées sur les émissions du secteur des transports, c’est sans doute pour beaucoup en raison de son ciblage.
Viser directement les carburants produits avec le pétrole aurait certainement été plus efficace et mieux compris que de vouloir supprimer les motorisations thermiques avec une marche forcée vers l’électrique. C’est en tout cas l’avis de la filière du biogaz dont quelques acteurs ont été réunis par GRDF pour un webinaire consacré à l’avenir du bioGNV à l’approche de la norme Euro 7.
Pour rappel, le bioGNV, c’est le nom que l’on donne au biogaz lorsque que ce produit issu de la méthanisation est utilisé comme carburant dans des véhicules. Le mot biométhane est également employé. En France, de nombreux déchets servent d’intrants aux digesteurs, ne provenant pas uniquement du monde agricole. Ainsi, les boues des stations d’épuration, les restes de l’industrie alimentaire, des produits périmés, etc.
La part majeure est en revanche bien fournie par des exploitations agricoles. On y trouve des matières formées avec des déjections animales : fientes, lisiers, fumiers. Certaines proviennent de haras partenaires. De nombreux déchets végétaux sont ajoutés, y compris les cultures intermédiaires (Cives) obtenues entre deux récoltes alimentaires.
Ces dernières, en particulier le maïs, peuvent aussi entrer dans les méthaniseurs, avec une limite fixée en France à 15 % du tonnage brut total des intrants par année civile. Conscientes de l’impopularité de cette pratique, les exploitations les plus vertueuses s’en affranchissent le plus possible, parfois même intégralement.
Comme la mobilité électrique il y a dix ans et encore aujourd’hui, le bioGNV compte de nombreux détracteurs dont un des arguments est que la part de ce carburant ne sera toujours qu’anecdotique en raison de volumes de production peu élevés. À A horizon 2050, la consommation de gaz en France est estimée à 320 TWh.
En ajoutant à la méthanisation les deux autres procédés de production que sont la pyrogazéification à partir de résidus solides et la gazéification hydrothermale, le potentiel de production annuelle de gaz renouvelable serait compris entre 350 et 420 TWh. Lors du webinaire organisé par GRDF il y a quelques jours, Clément Chandon, vice-président de France Mobilité Biogaz, a assuré que seulement 40 TWh permettraient de décarboner « un poids lourd sur deux, cars et bus compris ».
Également en charge chez Iveco France des propulsions alternatives (GNV, électrique, hydrogène) pour les véhicules de transport des marchandises, il fait partie de ceux qui sont persuadés que seul un mix d’énergies alternatives permettrait de décarboner le secteur des transports suffisamment rapidement : « Avec le biométhane, on peut faire 50 % du parcours : on n’a pas le droit de s’en passer ».
Si l’électrique apparaît bien comme la solution numéro 1, la part du bioGNV pourrait donc ainsi être majeure. La situation a poussé France Mobilité Biogaz, ses partenaires et les acteurs concernés à émettre des plaidoyers pour que la réglementation change : « Si on n’a qu’une énergie possible — l’électricité —, même si elle est très efficace, on risque de perdre du temps et de ne pas être au rendez-vous des baisses de CO2 que l’on doit faire sur toute la chaîne ».
La plupart de ceux qui s’intéressent aux problèmes de pollution et d’impact carbone causés par les transports savent que l’Union européenne a fait le choix, pour définir les contraintes concernant les émissions, de limiter ses calculs à ce qui se passe à l’arrière des véhicules. Alors que les transporteurs et leurs clients chargeurs peuvent mesurer leur impact environnemental en analyse de cycle de vie (ACV).
Pour Clément Chandon et une majorité d’acteurs des secteurs concernés, il est clair que l’empreinte carbone « ne se mesure correctement qu’en analyse du cycle de vie », c’est-à-dire en considérant la construction des véhicules, l’utilisation qui doit comprendre l’origine de l’énergie, et le recyclage. Pour effectuer des comparaisons valables, toutes les solutions en alternative au gazole devraient être ainsi évaluées.
À lire aussiÉlectrique, GNV, hydrogène : à quoi ressemble une station multiénergie en construction ?La différence de traitement ciblant d’un côté les transporteurs avec une plus grande permissivité et de l’autre les constructeurs d’une façon beaucoup plus contraignante pose un vrai problème à ces derniers : « Nous ne sommes pas jugés de la même manière que nos clients. Eux ont le choix de plus d’alternatives ». Selon le vice-président de France Mobilité Biogaz, « cette réglementation a été faite d’abord pour imposer aux constructeurs de produire et d’immatriculer des véhicules électriques plus que pour réduire effectivement les émissions de carbone ».
Sur le marché des utilitaires de 3,5 à 7,5 tonnes, 2024 se distingue par une nette cassure de l’élan jusque-là constant vers l’électrique. Avant lui, le bioGNV était l’alternative majoritaire, avant de céder cette place aux architectures à batterie. Depuis le début de l’année, le biogaz repart à la hausse. C’est la conséquence de la suppression des aides favorisant l’électrique. D’où ce phénomène guidé par la recherche du meilleur TCO dans le transport : « Il est très sensible aux coûts. C’est une industrie qui est ultra-compétitive, faite de 36 000 entreprises toutes en compétition les unes avec les autres ».
Seulement 3,7 % des nouvelles immatriculations en 2024 concernent des modèles bas-carbone. C’est peu en comparaison des 10,6 % pour les véhicules routiers de plus de 7,5 tonnes. Là, l’électrique à batterie est très minoritaire face au B100 et au bioGNV qui pèsent à eux seuls les trois quarts des énergies alternatives : « Si on devait supprimer les biocarburants, on aurait une décarbonation très faible ».
Richard Lecoupeau, du cabinet d’expertise 2C-Consulting, est un spécialiste en transition énergétique appliquée à la mobilité. Il travaille actuellement sur une étude pour l’Ademe : « On parle beaucoup de transition énergétique, mais pas assez de la problématique que va générer cette transition sur les ressources ». Selon lui, « remplacer le gazole, c’est quelque chose de très compliqué aussi d’un point de vue des flux énergétiques et des ressources. Le remplacer par une seule énergie, c’est quasiment impossible ».
Quelles solutions alternatives privilégier en tenant compte d’un point le plus souvent mis de côté ? « Il ne faudrait pas que l’on ait des surconsommations énergétiques pour continuer à maintenir la mobilité qu’on aurait décarbonée. Ce qui ne serait pas gérable ». En s’inspirant de l’ACV Carbone, il cherche à calculer « le besoin énergétique pour produire des carburants depuis l’extraction de la matière première — pétrole, biomasse, uranium — jusqu’à l’utilisation dans le véhicule ».
Des pourcentages provisoires ont été communiqués, encore soumis à différentes consultations pour aboutir à des chiffres finaux en 2025. Le gazole sert de référence. Seul l’électrique à batterie ferait mieux en termes d’ACV énergétiques, mais le bioGNV se placerait également très bien. Les autres énergies alternatives comme l’hydrogène pour alimenter une pile à combustible ou un moteur thermique, le B100, le HVO, et les carburants de synthèse seraient assez loin derrière.
Sur une relativement courte période, les constructeurs de poids lourds vont devoir relever plusieurs défis que Clément Chandon a détaillés au cours du webinaire « Le bioGNV est-il armé pour répondre à Euro 7 ? ». En 2025, les émissions de CO2 des poids lourds immatriculés de plus de 16 tonnes vont devoir baisser de 15 % par rapport à leur niveau de 2019 : « Pour la première fois, si on n’est pas aux objectifs fixés par la Commission européenne, nous risquons de payer des amendes extrêmement élevées ».
Avec un renforcement programmé en 2026 (norme GSR II-C), les mêmes véhicules sont également soumis à des exigences en matière de sécurité, en particulier concernant les autres usagers des zones urbaines comme les piétons et cyclistes. Et trois ans plus tard, les poids lourds vont devoir être dans les clous de la norme Euro 7, avec encore un durcissement en 2030 alors que les contraintes vont toucher « quasiment tout ce qui roule ». Toujours par rapport à 2019, la réduction des émissions de CO2 sera portée à 43 %.
Les surcoûts imposés par les nouvelles technologies vont avoir pour conséquences d’orienter fortement à la hausse le prix des véhicules lourds et de rendre durablement baissier le marché du neuf. Tout cela dans un contexte de concurrence accrue : les constructeurs chinois « sont déjà en Europe avec les véhicules utilitaires et se préparent à arriver de manière assez massive avec de gros moyens sur les poids lourds ».
Depuis près de 35 ans et la norme Euro 0, les constructeurs de poids lourds doivent régulièrement revoir leurs moteurs pour réduire diverses émissions, en commençant par celles de particules fines et d’oxydes d’azote. D’où l’apparition en France et en Europe des moteurs fonctionnant au GNV/bioGNV avec l’Euro 2 de 1996 : « Ils ont permis de devancer jusqu’à 8 ans les règles fixées par la Commission européenne en termes de dépollution ».
Leur efficacité étant reconnue pour améliorer la qualité de l’air en ville, ces blocs thermiques ont d’abord été exploités dans des autobus et bennes à ordures ménagères. Applicable en 2029, l’Euro 7 ne fait pas que d’abaisser les seuils des produits déjà contrôlés.
D’autres vont être ajoutés. Ainsi le protoxyde d’azote, très impactant en termes de GES : un gramme de N2O a le même impact que 273 g de CO2. S’y ajoutent les formaldéhydes (HCHO), les particules d’abrasion des pneumatiques et des systèmes de freinage. Leurs seuils seront définis ultérieurement dans le cadre d’une clause de revoyure. De nouveaux composés pour les hydrocarbures vont aussi être pris en compte, justifiant un changement d’appellation de HCNM à NMOG.
Richard Lecoupeau a cherché à savoir où en sont déjà les moteurs GNV/bioGNV par rapport à la future norme Euro 7. Il a pour cela dû rechercher des éléments de réponses ici et là. Ainsi, pour les valeurs sur banc d’essai (WHTC), il a effectué ses projections sur six camions des marques Iveco (4), Scania (1) et Renault Trucks (1).
Avec des valeurs comprises entre 122 à 184,7 mg/kWh, quatre d’entre eux passent déjà l’épreuve des oxydes d’azote dont le seuil a été rabaissé de 460 à 200 mg/kWh entre Euro 6 et Euro 7. Ce n’est pas le cas de la majorité des modèles diesel d’un autre panel, pour lesquels il a été relevé en comparaison entre 269,3 et 385 mg/kWh.
Concernant les émissions en roulage (RDE), le spécialiste du cabinet d’expertise 2C-Consulting s’est appuyé sur des mesures effectuées par le CRMT avec un tracteur routier Iveco 460 GNV (Cursor 13) de 2019 homologué Euro 6 Step D. Là encore le résultat devance Euro 7 avec un maximum de 170 mg/kWh contre 260 attendus.
Observations tout autant encourageantes pour le monoxyde de carbone (CO) : de 115,7 à 929 mg/kWh, pour 1 500 avec l’Euro 7 WHTC ; 700 mg/kWh en valeur RDE, contre 1 950.
Idem pour les particules : entre 0,1 et 5,8 sur les véhicules du panel WHTC, pour 8 de seuil ; en roulage où la contrainte européenne est de 900 giga-particules par kilowattheure, un nombre de 140 a été relevé par le CRMT : « On pourrait passer Euro 7 même sans mettre de FAP sur les moteurs à gaz ». Avec le filtre, les chiffres tombent à moins de 22 giga-particules. Le méthane (CH4) est aussi contrôlé à l’utilisation. Pour 650 mg/kWh attendus, 70 mg/kWh ont été observés.
Auparavant mesuré en ppm, l’ammoniac (NH3) adopte le mg/kWh, avec comme valeurs à ne pas dépasser 60 mg/kWh sur banc et 85 en roulage. Celles relevées en laboratoire avec les 6 camions du panel s’échelonnent de 1,4 à 5,8 mg/kWh et l’on a 18 mg/kWh sans FAP à l’utilisation.
Concernant les hydrocarbures NMOG, l’Euro 7 fixe les seuils à 80 mg/kWh WHTC et 105 mg/kWh RDE. Richard Lecoupeau s’en remet là au travail commun de FEV Europe, TNO Automotive et VTT Technical Research Center of Finland : « Ils disent que, sur les moteurs diesel et à gaz, on peut considérer que la mesure de NMOG est très proche de la mesure NMHC ». Ce qui permet de récupérer les données NMHC comprises entre 5 et 15 mg/kWh recueillies par le CRMT en roulage avec le Iveco Cursor 13 : « On peut être relativement confiant ».
Pour les N2O, les limites sont : 200 mg/kWh WHTC et 260 mg/kWh RDE. A nouveau les prises de mesures sur route sont inférieures aux exigences européennes avec moins de 14 mg/kWh. Tous les signaux semblent donc être au vert pour que les moteurs GNV/bioGNV satisfassent avec bien moins d’investissements et travaux de R&D que pour les diesels aux exigences de la norme Euro 7.
Une seule famille de produits pose encore question, celle des formaldéhydes pour laquelle les seuils et la technologie de mesures n’ont pas encore été définis. La Commission européenne a jusqu’au 31 décembre 2027 pour le faire avec une prise en compte ultérieure.
À lire aussiUtilitaires, poids lourds et ZFE : le rétrofit n’est pas qu’électriqueSi autant d’acteurs de la méthanisation et de la mobilité biogaz espèrent que l’Europe fasse une meilleure place au bioGNV dans les poids lourds, c’est aussi parce que ce produit est stratégique pour la France. « Nous représentons une filière qui produit de l’énergie à côté de chez nous, essentiellement grâce à nos agriculteurs, en leur fournissant un complément de revenus qui est le bienvenu. Leur situation est difficile en raison des aléas climatiques qu’ils vivent », a mis en avant Clément Chandon.
Il a aussi insisté sur les technologies françaises et européennes qui sont exploitées aussi bien pour la méthanisation, les réseaux gaziers en charge du transport, et le stockage : « Cette énergie peut se stocker y compris à des durées saisonnières, ce qui est extrêmement rare dans le renouvelable ». En outre ce carburant fait fonctionner des « véhicules qui sont conçus, testés et produits en Europe avec des équipementiers européens ».
Le vice-président de France Mobilité Biogaz a rappelé la triple souveraineté que cette énergie peut préserver et/ou développer : « la souveraineté alimentaire parce qu’on maintient nos agriculteurs dans nos territoires » ; « la souveraineté industrielle en maintenant les emplois » ; « la souveraineté énergétique ».
Philippe SCHWOERER
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